Bridgestone-Bandag à Chaponost : écologique, le rechapage des pneus a le vent en poupe…
Inspection initiale de la carcasse, inspection non destructive des éléments non visibles, râpage, débridage, réparations, habillage, vulcanisation, inspection finale, vérifications de sécurité… et quelques autres choses encore et voici le délicieux lifting du pneu achevé, après une succession d’étapes scrupuleusement vérifiées. La société Bandag, à Chaponost, filiale de Bridgestone veut mettre quelques claques aux idées reçues sur le rechapage des pneus poids lourds.
Profitant du salon Solutrans qui vient de se tenir à Lyon-Eurexpo, des responsables de Bridgestone ont fait visiter l’usine de rechapage de Chaponost à quelques invités professionnels. Une occasion pour Bruno Muret, directeur économie et communication du Syndicat national du caoutchouc et des polymères/SNCP de faire le point sur un secteur d’activité assez méconnu et insuffisamment utilisé. Le SNCP rassemble 115 adhérents soit 90 % environ de cette branche d’activité.
Rappelons d’abord que, pour bénéficier de cette technique consistant à remplacer la bande de roulement usée d’un pneumatique après s’être assuré de la qualité de la carcasse, il faut impérativement, d’une part, qu’elle ait été conçue dès l’origine pour être rechapable et, d’autre part, qu’elle ait été entretenue selon les règles de l’art.
Pour les dix premiers mois de 2017, un million de pneus neufs a été vendu en France et 608 000 pneus ont été rechapés, soit 3 % de plus qu’en 2016, ce qui annonce la remontée de ce marché. On estime à 705 000 le marché du rechapage en France (4 284 000 en Europe). La proportion de rechapés sur le marché du remplacement PL est de 38 %.
« Les pneus rechapables coûtent plus cher à l’achat mais leur durée de vie est multipliée par 2,5 en moyenne. Les modèles concurrents à bas coûts, non rechapables, ont un prix plus attractif à l’achat mais un surcoût sur le long terme. N’oublions pas aussi leur mauvais bilan écologique alors que le rechapage est un maillon important dans l’économie circulaire du pneumatique » explique Bruno Muret. Selon ce spécialiste, en effet, l’économie de 35 % de matières premières et de 50 % de déchets à retraiter compose une appréciable performance écologique. Autre atout, il s’agit d’une filière de proximité, d’une industrie peu délocalisable.
Le rechapage : un maillon important dans l’économie circulaire
Cent pneus rechapés, c’est 5 tonnes de matière non consommées et plus de 6 tonnes de CO2 non rejetées dans l’atmosphère. Un rechapage représente 50 kilos de matière première préservés. L’ajout de matière nécessaire sur une carcasse cardée est seulement de 20 kilos en moyenne soit un gain de 70 % par rapport à la fabrication d’un pneu neuf.
D’ailleurs, en février 2017, le SNCP et le ministère de l’écologie ont signé un engagement pour la croissance verte relatif à la valorisation du rechapage pour l’allongement de la durée de vie des pneumatiques poids lourds. Valable trois ans, il vise à lever les freins au développement de l’économie circulaire du pneumatique PL et il est intégré dans la charte CO2 du transport routier de marchandises de l’ADEME (charte signée par 182 entreprises en Auvergne-Rhône-Alpes comme XPO Logistics, Sotradel, Jourdan, Breger ou VIR Transports…).
Pour soutenir le rechapage, il faut bien sûr amplifier la communication sur cette mesure et aussi rendre l’éco-contribution pneumatique PL modulable en fonction de la durée de vie des produits. « Il faut aussi clarifier l’interprétation de l’arrêté du 16 janvier 2004 sur les règles de mixage des pneumatiques sur un même essieu et prévenir toutes distorsions de concurrence par un strict respect, pour tous les acteurs, des règles européennes » précise M. Muret.
Le SNCP travaille avec les douanes et la DGCCRF pour le contrôle de la conformité des documents et des étiquetages par exemple et le respect du règlement REACH sur la teneur des pneumatiques en HAP, hydrocarbures aromatiques polycycliques, aujourd’hui interdits.
Aux Etats-Unis, sont vendus plus de pneus rechapés que de pneumatiques neufs. L’acheteur veut une qualité impeccable qu’il s’agisse de pneus neufs ou de pneus rechapés ! Un pneu rechapé est jusqu’à 40 % moins cher qu’un pneu neuf équivalent. Dans l’aérien, d’aucuns peuvent aller jusqu’à 7 voire 8 rechapages !
Bridgestone, le leader en ce domaine, dispose de 5 sites de rechapage. Les sites de SLBR de Chaponost et de Delme (Moselle) sont des filiales à 100% du groupe. Quimper, Saumur et Moulins complètent le dispositif. Une réflexion est en cours pour une nouvelle implantation soit dans le sud-ouest soit dans le nord.
Le site lyonnais emploie 37 personnes sur la centaine que comptent les cinq ateliers. Il rechape 38 000 pneus PL par an. Il réalise 11 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le groupe Bridgestone dispose d’un centre de formation au rechapage près de Bruxelles. Il a consacré plus d’un million d’euros l’an dernier pour développer le site de Chaponost. La visite laisse apparaître un parc de machines surtout italiennes et quelques prototypes imaginés par les services de la marque.
Entre la collecte de pneus chez le négociant, marchand de pneus (Point S, First Stop, Euromaster…), la livraison sur le site, le rechapage et le retour chez le négociant, il s’écoule 28 jours maximum.
Parmi les objectifs de l’usine figurent la réduction du délai de livraison, des engagements améliorés pour le client et bien sûr une compétitivité renforcée pour assurer la pérennité de la société. Les sites de Chaponost et de Delme sont dirigés depuis 18 ans par Yves Aubin auquel succèdera Gaëtan Jouve au 1er janvier 2018.
Ce dernier sait mettre la gomme. Il travaille pour le groupe depuis vingt-deux ans.
Annick Béroud