François Turcas, président de la CGPME Rhône-Alpes : « Les plaies sont cicatrisées à tous les échelons de la CCI de Lyon »
Président de la CGPME du Rhône et de Rhône-Alpes, François Turcas est sorti vainqueur du scrutin qui, en décembre dernier, a permis pour la deuxième fois, d’installer un membre de ce syndicat patronal à la tête de la plus importante chambre de commerce de Rhône-Alpes, celle de Lyon. Il tire le bilan des six premiers mois de son président, Philippe Grillot, déplore une conjoncture économique encore très contrastée pour les PME et part en guerre contre la prime Sarkozy de 1 000 euros pour les salariés.
Cela fait six mois que la CCI de Lyon a comme président un membre de la CGPME élu à l’issue d’une campagne particulièrement vive qui a mis aux prises la CGPME avec le Medef. Quel premier bilan tirez-vous ?
Philippe Grillot, le nouveau président de la CCI de Lyon, issu des rangs de la CGPME, est parfaitement en phase avec le programme que nous avons présenté lors de cette campagne. Comme promis, des états-généraux ont été lancés : dix-huit réunions se sont déjà déroulées. Pour la première fois un dialogue s’est instauré avec les ressortissants de la CCI.
Les retours sont particulièrement intéressants : beaucoup ne savaient pas à quoi servait la CCI ! Les ressortissants nous disent : donnez-nous les clés du fonctionnement. Ce sont d’ailleurs les commerçants qui, à cet égard, sont les plus demandeurs. On fait ce que l’on a dit : redonner le pouvoir aux 69 000 ressortissants de la CCI de Lyon. La prochaine étape sera donc, après ces état-généraux, la présentation du plan de mandat en septembre prochain.
Les dissensions entre la CGPME et le Medef sont-elles toujours aussi vives ?
Il n’y a plus de dissensions. Les plaies sont cicatrisées à tous les échelons. Le Medef a reconnu sa défaite et a exprimé sa volonté de participer au plan de mandat. Les 37 élus de la CGPME et les 20 membres associés sont soudés et pas concurrents. Nous avons la chance d’avoir une équipe motivée autour de son président pour faire entendre la voix des PME et des TPE. Nous avons privilégié l’action et fait en sorte que la CCI ne soit pas une assemblée politique. Elle appartient à ses ressortissants.
Pour preuve de ce retour à des relations normales entre la CGPME et le Medef : nous allons présenter une liste commune lors des prochaines élections au conseil de prud’hommes de Lyon. Il y a dix à douze postes à pourvoir sur soixante-neuf. La page est tournée.
On a cru sentir des divergences à propos d’EM.Lyon. Philippe Grillot a réaffirmé récemment le souhait de la CCI de développer l’Ecole de Management lyonnaise, alors que lors de la campagne des élections à la CCI de Lyon, la volonté exprimée était son financement par les grandes entreprises et les collectivités locales ?
Contrairement aux apparences, il n’y a pas du tout de divergences. Nous voulons que la CCI reste l’âme d’EM.Lyon. Nous voulons qu’EM Lyon se développe. Le problème est que nous ne pouvons plus financer EM.Lyon par nos seuls moyens pour qu’elle puisse faire face à ses ambitions. C’est la raison pour laquelle EM.Lyon lance un fund raising (un appel de fonds aux entreprises privées) pour qu’elles participent au financement d’EM-Lyon. Cette Ecole est surtout utilisée par les plus grosses entreprises. Il est normal qu’elles prennent part à financement. Le développement de la formation continue contribue également à cette volonté de trouver d’autres sources de financement autonomes. A cet égard nous n’avons eu qu’à nous louer de la gestion du directeur Patrick Molle qui a bien respecté sa feuille de route.
Pourquoi part-il alors, puisqu’il a annoncé qu’il céderait son fauteuil le 1er juillet 2012 ?
Parce que cette politique avait du mal à passer parmi le corps enseignant, ce qui a, notamment, amené la signature d’une motion de défiance de ce même corps enseignant, à son son encontre, critiquant l’évolution trop rapide, selon eux, de l’Ecole en direction de l’international et de la formation continue.
Patrick Molle parti, le problème du développement d’EM.Lyon reste donc entier ?
C’est bien la raison pour laquelle il faut renouer le dialogue avec le corps enseignant. Une commission a été créée à cet effet au sein de l’Ecole. Elle déposera ses conclusions avant l’été pour proposer un nouveau mode de gestion. Je suis confiant.
Le second dossier important pour la CCI de Lyon est celui de la privatisation de Lyon Saint-Exupéry. Etes-vous à cet égard totalement derrière Philippe Grillot qui veut que la CCI conserve les rênes de l’aéroport et se refuse d’en donner les clés à Aéroport de Paris (ADP) ?
Nous sommes là aussi totalement en phase avec le président de la CCI. Il est nécessaire que les leviers de l’aéroport restent dans les mains de la CCI de Lyon si l’on veut arriver aux 12 millions de passagers en 2020 et en faire un outil de développement de la région Rhône-Alpes.
Ceci dit, c’est clair : l’Etat revendra ses 60 % du capital de l’aéroport au plus offrant. Nous proposons une solution rassemblant la CCI qui grimperait au capital, en compagnie des collectivités et des investisseurs privés. Gérard Collomb a déjà confirmé que le Grand Lyon souscrirait à cette augmentation de capital.
En ce qui concerne Aéroport de Paris, on ne peut exclure totalement cette hypothèse, mais à condition qu’elle soit accompagnée d’un cahier des charges contraignant qui soit en phase avec les intérêts de la région.
Un autre grand dossier fait actuellement parler de lui : le Grand Stade..?
Nous sommes farouchement pour, sur une base exclusive d’argent privé : ce projet signifie la création de 2 500 emplois pendant la période des travaux, des centaines, ensuite. Il s’agit d’un équipement important pour la restructuration et le redimensionnement de l’Est lyonnais.
Les statistiques montrent une reprise économique sensible. Celle-ci se retrouve-t-elle dans les PME ?
Il y a les impressions et la réalité. Les 85 milliards de profit du CAC 40 ne concernent pas les PME. Même si nous connaissons une baisse sensible des liquidations et des redressements judiciaires au Tribunal de Commerce de Lyon, nous n’avons pas encore retrouvé les chiffres de 2008. Le bâtiment, par exemple, peine à reprendre.
En fait, la situation est ambivalente. En apparence, ça va mieux, mais dans la réalité, nous recevons toujours beaucoup d’appels au secours et un nombre non négligeable d’entreprises restent en difficulté. Certaines entreprises nous disent que les conditions se durcissent en matière de crédit et qu’elles n’ont pas encore reconstitué leurs fonds propres. De même, les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants, malgré tout ce qui a été dit pendant les Etats-Généraux de l’industrie, restent tendues. Bref, chez des PME, la situation reste contrastée.
Nicolas Sarkozy a promis une prime qui devrait bénéficier à quatre millions de salariés travaillant dans des entreprises versant des dividendes. Quelle est l’attitude à cet égard à la CGPME ?
Cette prime illustre le mépris de Nicolas Sarkozy pour la réalité de notre économie. Cette prime devient obligatoire pour les entreprises de plus de 51 salariés. Mais comment assimiler à une même contrainte, une entreprise de 51 salariés à une entreprise du CAC 40 ? Comment comparer une entreprise du CAC 40 qui fait son résultat net avec l’Asie avec un PME qui dépend d’un marché régional. Il ne faut pas oublier que le revenu moyen des patrons de PME est de 4 000 euros. Qu’en est-il du partage des risques et des pertes ?
Trois ans après la loi TEPA, le gouvernement a cassé les mécanismes d’intéressement et de participation pris par le ministère pour lesquels nous nous étions battus. Oû est la cohérence ? Qu’il s’agisse des syndicats de salariés, des organisations patronales, tout le monde est contre cette prime. Elle est inepte, inique et contre-productive !
Photo-François Turcas : « Une prime inepte, inique et contre-productive ! »