La République plus forte que la haine
Les prophètes de la décadence, du déclinisme, de la « soumission », titre du dernier ouvrage de Michel Houellebecq peuvent aller se rhabiller.
Certes les quatre millions de Français qui ont défilé ce week-end ne l’ont pas fait expressément pour cela. Eux-mêmes meurtris dans leur chair, ils ont défilé en mémoire de nos confrères journalistes de Charlie Hebdo odieusement et absurdement exécutés pour avoir, par leurs dessins, banalement et simplement pratiqué la liberté de la presse.
Ils ont aussi défilé avec un calme et une détermination sans faille pour dire non à la haine que les deux attentats terroristes de cette semaine sanglante voulaient instiller dans le société française, pour opposer entre eux les Français d’origines et de religions différentes.
Ce non a été franc et massif et cela a été une magnifique réponse.
Cet appel au sursaut républicain du président de la République qui est le garant de ses valeurs a été entendu au-delà de tout espoir.
Cela signifie quoi ? Que les Français que l’on disaient divisés, à la dérive, moroses, sans boussole, prompts à s’auto-dénigrer avaient l’urgent besoin de retrouver collectivement les valeurs qui pouvaient les rassembler.
On avait eu tendance à les oublier, à les moquer ou les dénigrer, ces valeurs : c’est le triptyque voulu par les pères fondateurs de la République : liberté, égalité, fraternité.
Liberté, bien sûr de paroles, de la presse. Liberté aussi permise par la paix civile et donc la sécurité.
Egalité des citoyens notamment face aux religions grâce à une laïcité respectueuse de la pratique de chacun, mais aussi refusant l’affichage dans la sphère publique de tout prosélytisme.
Enfin fraternité : la volonté de dire non au rejet de l’autre parce qu’il ne pense ou ne prie pas comme soi et respect de chacun quelque soit son origine.
C’est tout cela qu’on exprimé ce week-end les Français avec calme.
A coup sûr, après cette démonstration de force et de volonté tranquille, il y aura un avant et un après 7 janvier.
Même si bien sûr cette belle unanimité tous partis politiques et toutes confessions confondus autour de la République une et indivisible, laissera la place, une fois l’émotion retombée, à des expressions à nouveau contradictoires.
Dans la chute qu’ils ressentaient, les Français ont pu de visu constater qu’un filet protecteur était capable de les unir et de les rassembler, le dernier avant la déréliction : la République et son triptyque inaltérable. Et cela, ce n’est pas rien !
Nous savons que si d’autres épreuves nous attendent-ce n’est pas exclu-nous sommes capables de nous rassembler.
Même si les deux domaines, après cette semaine de barbarie, sont très éloignés et n’ont pas de commune mesure : cette volonté affichée des Français de se retrouver sur les valeurs de base de la République va-t-elle remettre à l’ordre du jour la confiance qui manquait pour assurer la relance de notre économie ?
L’Etat, tant au niveau de l’Elysée que du gouvernement, a su gérer cette crise terrible et incarner justement les valeurs de la République. De cette capacité peut renaître une confiance lézardée par une politique auparavant zigzagante. L’exécutif pourrait bien retrouver une nouvelle légitimité d’où pourrait renaître la confiance : à lui de continuer à s’en montrer digne.
L’autre leçon du week-end est que l’Europe qui était aussi profondément divisée que les Français a su, en défilant côte à côte, montrer qu’elle pouvait, lorsqu’il le fallait, faire front commun. Il faut espérer que là aussi la leçon restera. Une certitude désormais : la haine ne passera pas, mais il va falloir rester très vigilant !