Elle n’a pas su se mettre à temps au Web : la Comareg en liquidation judiciaire
Le manque de clairvoyance du groupe Hersant Média a été fatal à la Comareg, éditeur du journal de petites annonces gratuites, « Paru Vendu ». A l’origine, une belle saga entrepreneuriale lyonnaise devenue catastrophe industrielle.
Le Tribunal de Commerce de Lyon a prononcé le 3 novembre la liquidation judiciaire de l’entreprise spécialisée dans les petites annonces, amenant la fermeture de toutes ses agences locales et le licenciement de 1 650 salariés. Le plus gros licenciement collectif en France depuis un an !
Pôle Emploi va devoir accueillir 1 650 chômeurs de plus. Tous, ou presque tous les salariés de la Comareg, éditrice des journaux d’annonces gratuits « Paru Vendu ».
Le tribunal de commerce de Lyon a prononcé ce jeudi 3 novembre, sa mise en liquidation judiciaire. Ce groupe constituait le pôle presse gratuite du groupe Hersant Média composé de la Comareg, mais aussi d’un centre d’impression, Hebdoprint, qui va cesser son activité. Il s’agit du plus important plan social en France depuis un an.
Le Tribunal de commerce a assorti la liquidation judiciaire du titre, d’une poursuite d’activité durant quinze jours, le temps d’organiser les licenciements des 1 150 salariés de la Comareg, et des 500 d’Hebdoprint. Trois-cent-cinquante d’entre eux sont venus, à l’annonce de la décision du tribunal, défiler dans les rues de Lyon.
Un mandataire judiciaire a été nommé par le tribunal : Bruno Walsac. Ce dernier a aussitôt saisi l’Association pour la garantie des salaires et demande que les salariés touchent 100 % de leurs émoluments pour une durée minimum de six mois.
Les deux administrateurs judiciaires, Bruno Sapin et Laurence Lessertoir, ont, de leur côté, encouragé d’éventuelles reprises, y compris par du personnel localement, sous la marque « Paru Vendu » qui pourrait perdurer : trois ou quatre publications isolées pourraient subsister.
Ainsi se termine, par une catastrophe industrielle de grande ampleur, une aventure qui avait débuté en 1968 par une très belle saga lyonnaise et mettant en scène le créateur de la « Comareg », groupe de journaux d’annonces gratuits : Paul Dini, célébré alors pour son insolente réussite.
Depuis la vente de son groupe à un bon prix, la Comareg avait plusieurs fois changé de mains. Vendue à « Avenir Havas Media » en 1988, elle était passée sous le contrôle de la Socpresse (Groupe de Robert Hersant) en 2002.
Cette même Socpresse l’a ensuite vendu à « France Antilles », dirigé par Philippe, le fils de Robert Hersant, à la mort du « papivore ». Philippe Hersant regroupe la Comareg dans un pôle dans lequel se trouve déjà « Paru Vendu », fondé, lui, par un ex-dirigeant de la Comareg, Michel Moulin.
Ce pôle de journaux d’annonces gratuits fait alors un tabac et constitue l’une des vaches à lait du groupe.
Venus du papier, ni Philippe Hersant, ni son équipe n’ont alors conscience que la Toile allait supplanter celui-ci dans les petites annonces. Ce manque de clairvoyance, propre d’ailleurs à la grande majorité des dirigeants de la Presse Quotidienne Régionale (PQR) française, sera fatal.
Le début de la descente aux enfers date de 2008, avec la migration des petites annonces vers Internet qui ne cessera de s’accentuer. Tentant trop tard de se développer sur la Toile alors que le créneau est déjà bien occupé, Philippe Hersant n’a d’autre choix que de déposer le bilan. La mise en redressement judiciaire est ainsi prononcée il y a un an.
La crise économique, qui réduit les investissements publicitaires, sonne le glas.
Les acteurs qui s’en sont tirés le mieux sont ceux qui ont réussi leur reconversion dans le numérique. C’est le cas du Figaro qui détient, à l’issue d’une OPA, 96 % du capital de sa filiale de petites annonces « Adenclassifieds » et possède les sites « keljob.com » et « cadremploi.fr ». Un cas isolé dans le monde de la presse papier. Et qui n’est pas susceptible d’offrir un quelconque réconfort aux 1 650 salariés qui se retrouvent sur le carreau.
Illustration–Le site Web de « Paru Vendu » : le développement du groupe sur la Toile est survenu beaucoup trop tard.