Le renouveau de Carrefour passera-t-il par Lyon ?
Carrefour, l’inventeur de l’hypermarché, numéro 2 mondial et n° 1 européen, avait perdu la main. Depuis quelques années, la valse des directeurs n’avait pas jusqu’à présent permis à l’enseigne tricolore de sortir de l’ornière. Le dernier directeur en date, le suédois Lars Olofsson va-t-il remettre l’ancienne cash machine sur les rails ? Possible : tout dépendra de l’accueil des clients aux deux tests aux enjeux très lourds qu’il vient de lancer sur ses deux hypers lyonnais : ceux d’Ecully et de Vénissieux qui depuis quelques jours ont vu leur formule totalement repensée.
Une vraie révolution ou un simple aménagement cosmétique ? A voir les hordes d’hôtesses dépêchées dès l’entrée depuis le 24 août pour expliquer au chaland un peu stupéfait le nouveau mode d’emploi de l’hypermarché d’Ecully, on pencherait plutôt pour la révolution. Et effectivement c’en est une.
Face à des comptes encalminé et un résultat opérationnel piquant du nez, l’actuel directeur, Lars Olofsson, ex-dirigeant du géant Nestlé, a décidé de changer le modèle de ses hypers (22,5 % du chiffre d’affaires du groupe en France) qui depuis des décennies avait fait le succès de Carrefour ; mais qui depuis quelques années est à la cause de ses insuccès.
Quatre hypers en Europe ont été désignés pour mener la reconquête, mais d’abord sous forme de test : à Madrid et à Mont Saint-Jean en Belgique ainsi que deux hypermarchés de la région lyonnaise : celui d’Ecully au sein du centre commercial Grand Ouest à la clientèle plutôt huppée et celui plus populaire de Vénissieux. Tous les quatre ont été pour ce faire rebaptisés « Carrefour Planet ».
Le constat effectué par le docteur Olofsson et son équipe est simple : « Il faut réenchanter l’hypermarché » qui a perdu de son aura.
Il s’y est pris de deux manières. D’abord en cassant la monotonie des linéaires en développant un concept d’espaces beaucoup plus ludiques : « Le Marché » pour les fruits et légumes où comme chez les magasins Leclerc des débuts héroïques sont présenté dans leurs cagettes, tandis que l’accent est mis sur les producteurs locaux.
Le bio, tendance lourde actuellement est privilégié et bénéficie d’un espace presque aussi important que celui dévolu aux produits frais. Le mode de présentation des surgelés fait de son côté penser à celui d’une marque leader bien connue, etc.
Pour mettre en avant le nouveau côté ludique de l’enseigne, un nouvel espace a été créé, dévolu aux « événements commerciaux étonnants, ateliers inédits, animations surprises », annonce Carrefour qui promet notamment… des cours de cuisine.
Le deuxième axe de la révolution Carrefour Planet est le grand retour des marques. Si dans les différents espaces alimentaires, les produits de marque MDD Carrefour se taillent une part non négligeable, ailleurs, c’est à dire dans la partie non alimentaire qui représente un peu moins de la moitié de la superficie, elles sont chez elles.
Cette seconde partie de l’hyper d’Ecully évoque une succession de grandes surfaces spécialisée animées : l’Oréal est chargé d’un espace beauté dont l’agencement ressemble à ceux de Sephora, tandis que grande surprise, Apple est présent, mais sans vendeur spécialisé, etc.
Ce nouveau concept, plus aéré se fait au détriment des rayons bricolages, auto, gros électroménager, tandis que de nouveaux services apparaissent : sushi bars, cafétaria, garderie pour enfants. L’objectif fixé à ses troupes par Lars Olofsson est d’accroître le trafic du magasin d’Ecully de 5 à 10 % tout en augmentant le panier moyen.
L’enseigne n’est pas la mieux placée pour les prix bas selon les enquêtes régulièrement effectuées : l’ancien boss de Nestlé annonce dans le cadre de cette révolution une baisse pour 10 000 prix de grande consommation.
Reste à savoir si cette manière de réenchanter l’hyper va se traduire dans le tiroir caisse ? Pour l’heure, l’affluence due au bouche à oreille et, il est vrai, à la rentrée semble être au rendez-vous, mais il est trop tôt pour tirer un quelconque bilan.
Une bonne nouvelle est en tout cas tombée quelques jours après le lancement des quatre Carrefour Planet européens : au 1er semestre 2010 Carrefour a renoué avec les bénéfices : 82 millions d’euros. Les hypers n’y sont pour rien, mais les différentes mesures mises en œuvre par Lars Olofsson dans les autres secteurs du groupe semblent porter leurs fruits.
Si ce test lyonnais s’avère positif, deux cents magasins en France devraient se voir accoler l’étiquette « planet » du réenchantement avec les bouleversements induits…
Photo (DL) : la nouvelle enseigne du Carrefour d’Ecully dans la banlieue ouest de Lyon.