Chaussures Pellet : la stratégie des marques

Pour ceux qui ont encore l’image d’un Christian Pellet, fabricant de chaussures aux lignes sobres, classiques, réputées pour leur durabilité, le choc va être rude. Les Chaussures Pellet (Pont-Evêque, près de Vienne en Isère) vont sortir prochainement une nouvelle marque intitulée « Cocktail Molotov » avec qui un accord de distribution vient d’être signé ! le look ? Assurément très créatif entre néopunk et hippie flashy. Son créateur, Frank Peluin qui vit en Chine a un grand sens des attentes du marché. Guy Rodoz en est sûr : « Cette marque est prête à exploser ! »
Mais telle n’est pas la seule marque que Guy Rodoz, le Pdg des chaussures Pellet rachetées à la barre du Tribunal de commerce de Vienne il y a vingt-cinq ans, a développé. Pour les hommes, il met pour la deuxième saison en avant, Bill Tornade (8 lignes, 36 modèles) dans une gamme de prix située entre 150 et 200 euros : une offre éclectique comportant une partie très branchée. Dans le même portefeuille de marques, on trouve aussi Myma, clin d’œil appuyé aux années soixante-dix (80 modèles) et encore Next Stage, marque récente, elle aussi fabriquée en Chine qui décline des chaussures tendance dans une gamme de prix abordable, un nouveau créneau de marché pour le chausseur ; sans oublier la marque Alain Bastiani (12 lignes, 60 modèles).
Et les chaussures Pellet, la marque originelle, dans tout ça ? Elles ne perdent pas pied. Fabriquées au Portugal, avec leur six lignes de produits, les chaussures Pellet se positionnent sur la gamme semi-luxe tendance (110/170 euros pour les chaussures, 120/170 euros pour les boots). Les prémisses annoncent 20 % de croissance sur la saison été 2010.
Pourquoi une telle frénésie de marques au sein d’une société qui a été longtemps mono-marque ? « C’est bien simple, explique Guy Rodoz. Le nombre de détaillants traditionnels est en baisse constante : un peu plus de trois cents en France. Les grandes marques intégrées ne cessent de gagner du terrain. Nous avons toujours la volonté de passer par ce canal des détaillants indépendants, mais nous devons nous adapter en déclinant un ensemble de gammes beaucoup plus vaste pour générer du volume, cela nous permet de jouer sur plus de tableaux : quand nous vendons du Bill Tornade, nous touchons aussi les habilleurs, par exemple. ».
La crise, la profonde évolution du marché de la chaussure sont passés par là. Le changement de pied a été brutal. En 2000, Guy Rodoz avait décidé de s’affranchir pour une part des détaillants en ouvrant une quinzaine de boutiques en propre en France à l’enseigne Christian Pellet. Après Paris et Nantes, ce fut au tour du Triangle d’or lyonnais, puis Bordeaux, Montpellier, Nantes, Strasbourg, Nice, d’accueillir ces beaux écrins à chaussures… Ces boutiques privilégiaient un certain classicisme avec force utilisation de l’érable blond. Elles ont toutes été revendues.
Ce changement de stratégie était assurément la bonne décision à prendre. Malgré la crise, Pellet affiche, certes, un recul de ses ventes en 2009 de près de 13 % à 10,04 millions d’euros, mais assorti d’un bénéfice net de 395 000 euros. Pour 2010, Guy Rodoz table sur des recettes stables avant de retrouver en 2011 les 11,5 millions de chiffre d’affaires de 2008.
Les effectifs à Pont-Evêque sont passés de 131 personnes en 2006 à 19 personnes seulement aujourd’hui, suite à la délocalisation d’une bonne part de la fabrication au Portugal. Le plan social (2,5 millions d’euros) a été entièrement auto-financé.
Le groupe a maigri, mais il est toujours là, alors que les fabricants de chaussures ne se comptent plus que sur les doigts d’une seule main en Rhône-Alpes.
Photo (DR) : Toutes les boutiques en propre à l’enseigne Christian Pellet ont été revendues (ici celle qui était installée dans le Triangle d’or de la Presqu’île lyonnaise).