TIME racheté par Rossignol
Les vélos TIME font penser à la fois à une étape contre la montre – où on lutte contre le temps – et à une étape de montagne, en creux, en bosses et en crises de fringale. Créé en 1987 à Vaulx-Milieu (Isère) par Roland Catin, un ingénieur dissident des vélos Look après qu’ils furent repris par Bernard Tapie, Time Sport fabrique des vélos uniques dans leur genre.
Ils sont au cycle ce que Ferrari est à l’automobile et Rolex à la montre, des objets de fantasme dont les aficionados vous parlent avec des trémolos dans la voix – même si leur achat a suscité un rappel à l’ordre de leur banquier. Des vélos de luxe dont le prix moyen flirte avec les 10 000 €. Des vélos « haute couture » dont le prix résulte peut-être d’un certain snobisme, celui d’appartenir à un club à part mais surtout d’un savoir faire unique, de matériaux haut de gamme et de technologies d’avant-garde. C’est le cas du procédé RTM (Resin transfer molding) qui consiste à fabriquer les cadres en tressant des milliers de fibres de carbone moulées ensuite dans une résine.
Technologies d’avant garde
Ce procédé unique au monde permet d’obtenir des machines alliant des caractéristiques antagonistes: rigidité et souplesse, solidité et confort. A ces prouesses technologiques concernant les cadres, les fourches et les guidons, s’ajoute le choix délibéré de composants hauts de gamme (dérailleurs, freins, roues). Dans ces conditions, les vélos qui étaient conçus à Voreppe (Isère) et fabriqués à Nevers (Nièvre) sont chers. Ce qui conduit une partie de la clientèle à hésiter entre passion et raison avant de franchir le pas, et parfois à choisir des vélos de la concurrence, moins prestigieux mais plus accessibles. D’où la difficulté pour Time Sport à trouver un équilibre économique pérenne. D’autant que la société a été ébranlée en 2014 par le décès brutal de son PdG.
C’est dans ce contexte que Time Sport a été racheté en 2016 par Rossignol. Hormis le goût de la montagne, ses routes, ses pistes, que partagent les amoureux du ski et du vélo, qu’est-ce qui a pu motiver Rossignol à se lancer sur l’asphalte, lui le leader mondial de la neige? A l’évidence une volonté de développement et de diversification portée par Bruno Cercley, PdG du groupe Rossignol. Une diversification déjà engagée par le rachat de FELT, fabricant de vélos américain et par le lancement de « Rossignol Bikes », des VTT que l’on trouve en location dans certaines stations de ski alpin. Autre motivation sans doute: l’envie de se payer un beau vélo, objet de luxe au design épuré, un peu comme LVMH s’est offert Pinarello la prestigieuse marque italienne qui fournit Chris Froome et son équipe Ineos.
Le haut de gamme vers les sommets
Si ce rachat a permis à Time de se maintenir à flots, il n’a pas résolu tous ses problèmes. Les déficits ont continué à se creuser. De sorte que début 2019, Rossignol a annoncé un plan de restructuration destiné à créer des synergies et à réduire les coûts qui, d’après Rossignol, s’aggravaient du fait de l’éclatement de l’activité de Time sur trois sites , et à conforter la compétitivité de la marque « sur un marché du cycle haut de gamme très concurrentiel ».
Désormais les services marketing, recherche et développement seront basés à Moirans, à côté du siège de Rossignol; les ateliers sont recentrés sur le site de Nevers et à Gajary (Slovaquie) pour la fabrication des cadres.
Mais, promet Rossignol, « tous les vélos (3000 par an) seront conçus et assemblés en France ». Rossignol tout en poursuivant « les efforts d’innovation et de simplification, des gammes » affirme vouloir continuer à « répondre aux plus hauts standards de qualité en matière de production de vélos de route haut de gamme ».
Volonté de simplification de gamme qui se traduit par un nouveau modèle de vélo à la dénomination évocatrice des sommets « Alpe d’Huez 01 » et « Alpe d’Huez 21 » (la montée vers l’Alpe d’Huez compte 21 virages numérotés, du bas vers le haut, de 21 à 01). Des machines qui, selon Bruno Cercley, se proposent « de montrer le chemin de l’excellence dans le domaine du vélo ».
Ce « chemin » passera-t-il par la fourniture de vélos à une équipe participant au Tour de France? Question qui n’est pas à l’ordre du jour actuellement. L’investissement serait trop onéreux. Dommage! Une participation à une épreuve du World Tour (Tour de France, Tour d’Italie, Paris Roubaix, Milan-San Rémo, entre autres) permettrait à Time de combler un déficit de notoriété.
Pierrick Eberhard