Une tour en sursis
C’était la prochaine. Dans l’ombre de Silex2 et To-Lyon, en cours de construction, se profilait une nouvelle tour qui se serait imposée dans la skyline lyonnaise, avec ses 215 mètres de haut et ses 55 étages. Une ambition que caresse son promoteur, Didier Caudard-Breille, depuis 2002, quand il a commencé à racheter les premiers lots et fonds de commerce du M+M, rue Garibaldi, à côté du siège du Grand Lyon. Des acquisitions qui se sont poursuivies en 2008. Il a depuis travaillé son projet avec le cabinet new-yorkais KPF, en tandem avec le Lyonnais Soho Atlas In-Fine. Au total, l’opération lui aura coûté près de 80 millions d’euros.
Une partie du programme est en passe d’aboutir : le M Lyon, un immeuble mixte de quinze étages, avec un socle commercial, neuf étages de bureaux et six de logements. Le chantier devrait bientôt commencer. Et c’est à côté que devait pousser le nouveau bâtiment le plus haut de la ville. Le professionnel lyonnais trépigne : il tient là son “bâton de maréchal”, comme il le reconnaît.
Du vert à (presque) tous les étages
« La tour est ressentie majoritairement par les Lyonnais comme un objet d’exclusion, un geste de pouvoir qui peut être perçu comme écrasant, ostentatoire et prétentieux, analyse Patrick Miton, président du cabinet Soho Atlas In-Fine. Celles du troisième millénaire doivent être inclusives, conviviales, des lieux de partage et d’émotions ouverts à tous.” “Il y a beaucoup de tours égoïstes faites pour les seuls utilisateurs, embraye Didier Caudard-Breille. Là, les deux derniers étages seraient offerts aux Lyonnais et aux visiteurs qui souhaiteraient avoir une vue panoramique sur Lyon.”
À l’avant-dernier étage, le promoteur prévoyait un lounge-bar avec un “pas dans le vide”, à l’instar des tours américaines ou asiatiques. Au-dessus, un sky garden, autrement dit un jardin “complètement ouvert”. La présence du végétal se retrouverait d’ailleurs à trois autres niveaux, avec des plantations sur plusieurs mètres de profondeur, aménagées dans le prolongement de bureaux partagés, salles de réunion mutualisées ou de l’accueil de l’hôtel. Des étages qui seraient plus hauts de plafond que les autres.
Jusqu’à récemment, le projet n’était pas si mal engagé : sur ses 50 000 m2, la Métropole envisageait d’occuper
20 000 m2, selon Didier Caudard-Breille. Et une enseigne hôtelière 10 000 à 12 000 m2. Autant dire que le promoteur n’avait pas de problème de précommercialisation et que le chantier aurait pu être lancé. Mais la nouvelle donne politique change complètement l’équation, l’engagement de la collectivité pouvant être levé.
De plus, l’ouvrage nécessite une révision du plan local d’urbanisme et de l’habitat pour permettre une telle hauteur de bâti. Une procédure qui nécessite l’aval de la nouvelle majorité métropolitaine. Depuis l’alternance de juin dernier, le gratte-ciel ne paraît plus en phase avec son époque, trop haut, trop gros. Trop imposant.
Vers l’emploi de matériaux biosourcés ?
DCB International s’emploie donc à verdir son discours, espérant obtenir une inflexion de la part des décideurs. Outre la présence du végétal, il souligne l’emploi de composants photovoltaïques en façade, de vitrages qui se teintent en fonction de la luminosité extérieure, d’éoliennes sur le toit ou encore le rafraîchissement des locaux de nuit à la faveur de l’ouverture des fenêtres. Le promoteur envisage la possibilité de planchers en béton “avec le reste en acier et bois”. “On peut faire ici une tour référence pour les vingt ou trente prochaines années, un emblème de la nouvelle économie”, propose Didier Caudard-Breille. Sera-ce suffisant pour convaincre ? Peut-être.
“On est en train de reprendre le projet Part-Dieu. Je ne ferme pas complètement la porte. Il faut regarder l’équation financière globale”, répond Béatrice Vessiller. Raphaël Michaud confirme intégrer dans son analyse “les recettes fiscales pour la Zac de la Part-Dieu”. “On ne peut pas éradiquer tous les projets, car on n’aurait pas les moyens d’éponger les déficits”, estime l’adjoint à l’urbanisme. “Les tours produisent une valeur qui sert par exemple à financer des espaces verts”, décrypte Bernard Badon, directeur du projet Lyon Part-Dieu entre 2010 et 2014.
Edition Janvier-Février 2021
NOUVEAU LYON #45
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