Restaurant “Regain” à Lyon : la délicate cuisine intuitive de Benjamin Sanchez
C’est une des tables bistronomiques actuellement en vogue à Lyon. A la tester, on comprend vite pourquoi : même s’il subsiste encore quelques lacunes qui ne devraient pas perdurer, tout y est ou presque : la cuisine, délicate et créative ; le service, efficace ; la carte des vins élaborée par une sommelière qui a le talent de dénicher d’excellents petits producteurs. Une belle découverte.
Ce n’est pas usurpé ! Benjamin Sanchez (“Regain”) figure avec la table croix-roussienne de Carla Kirsch (“Alebridje”) et Pierre-Michaël Martin (“ Chez Pimousse”) dans la sélection des 109 chefs de toute la France, dont trois à Lyon, mis en avant cette année par le guide Gault & Millau.
Pour le Guide Jaune, ils représentent “le sang neuf” de la gastronomie, la génération montante.
Après être passé par la “Piscine”, le restaurant de la Piscine du Rhône, Benjamin Sanchez, chef trentenaire, a ouvert depuis un peu plus d’un an son propre restaurant baptisé “Regain”, situé dans une rue proche des Terreaux.
Il n’est pas passé comme beaucoup par une école, mais s’est formé sur le tas, passant notamment par l’”Agapé” aux côtés de Toshitaka Omiya à Paris, ou le Café Sillon de Mathieu Rostaing-Tayard à Lyon. Avant de devenir pour un temps chef du restaurant “À la Piscine”.
Sa cuisine est à l’image de son parcours qui est celui d’un autodidacte passionné des fourneaux.
Sa cuisine est de ce fait plus instinctive et peu conventionnelle, dans laquelle se retrouvent de nombreuses influences, notamment méditerranéennes, multipliant les accords toujours réussis et harmonieux et dont la délicatesse est l’une des marques majeures. Une cuisine créative, inventive…
Nous avons testé cette table aux tarifs encore très doux à déjeuner : une vraie découverte.
D’abord, la carte est très courte (deux entrées, deux plats, deux desserts). Nous avons débuté en entrée avec une tortilla, moules de bouchot, piquillo et oignon rouge, parfaitement maitrisée.
Pour suivre ensuite avec un risotto, eau de tomate fermentée et beurre blanc aux fragrances délicates et à la texture parfaite.
Ensuite, le plat principal à base de seiches marie harmonieusement mozzarella, figue et soubressade (morceaux sélectionnés de porc crus et séchés), un beau mariage, malheureusement agrémenté dans ce cas d’un brocoli trop cuits et donc n’affichant par la texture idéale ; le tout étant cependant sauvé par une seiche cuite à perfection et particulièrement moelleuse.
Rien à redire en revanche de la viande, en l’occurrence une épaule rôtie de porcelet d’une extrême tendresse, accompagnée de haricots verts, de lard de Toscane et d’anchois donnant le “la” des saveurs.
Le dessert, une poire au vin revisitée avec sarrasin et cassis conclut de belle manière ce repas.
Mais chez “Regain”, il y a deux petits plus qui font que les clients ont vite tendance à devenir des habitués.
Outre les prix encore doux, malgré les commentaires élogieux tant du Michelin que de Gault&Millau, cette table encore jeune a su éviter deux écueils que l’on rencontre dans beaucoup de restaurants bistronomiques où l’on se concentre surtout sur la cuisine, mais moins sur le reste.
D’abord, le service se révèle efficace, jamais de longue attente entre chaque plat, ce qui est bien le moins, mais pas la chose au monde la mieux partagée.
Mieux encore, cette table bénéficie des services d’une vraie et talentueuse sommelière, Lolita Chevreau, meilleure sommelière d’Auvergne-Rhône-Alpes qui propose des nectars de petits domaines, comme ce syrah “no end, no beginning du domaine de La Spanda” ; un cheverny “Romo 2019 du domaine des Huards” ; voire encore ce “Flot de raisins bleus 2020, un cahors signé Valérie Courrége qui se révélent comme autant de nectars offrant de superbes découvertes car empruntant des routes vineuses de traverse.
Au pinacle, un étonnant champagne, “Origines”, issu de l’Aube, du Domaine Salima et Alain Cordeuil qui étonnamment réussit la gageure pour un effervescent ultra-brut à majorité de chardonnay (65 %, pour 35 % de pinot noir) d’afficher à la fois une grande finesse, tout en se révélant vineux ; le tout claironnant en bouche des notes à la fois citronnées et légèrement épicées !
Dommage que l’on ait terminé sur un café un peu trop acide, peu en rapport avec le reste du repas et pas à la hauteur d’un point d’orgue culinaire.
Mais on sent bien que ce jeune restaurant déjà très couru (il est indispensable de réserver), très à l’écoute de ses clients, s’il a certes encore quelques progrès à réaliser, va encore s’affiner au fil des mois et continuer à nous étonner.
-”Regain”. 3 rue d’Algérie, Lyon 1er ; tel. 09 81 10 65 08. Du lundi au vendredi, de 12 h à 14 h et de 19 h à 21 h. Menus de 21 à 24 euros à déjeuner, de 39 à 49 euros au dîner.