« Equité entre TPE et Grandes Entreprises : il est temps de se saisir du sujet ! »
Grégory Desmot, directeur de la Business Unit Small Business de Cegid prend fait et cause pour les TPE, « une majorité traitée comme une minorité. »
« Une majorité traitée comme une minorité » : voilà en quelques mots la situation des TPE aujourd’hui en France. Ces très petites structures, qui représentent 96% des entreprises en France (1), sont loin d’occuper toute la place qu’elles méritent au regard de leur poids dans l’économie française.
Dans un contexte économique incertain, les facteurs d’inégalité bloquant la prospérité économique des TPE restent nombreux.
Attractivité employeur : les TPE ont des difficultés à rivaliser avec les grands groupes
Les TPE font face à des difficultés de recrutement bien plus importantes que les grandes entreprises. En effet, 72 % des dirigeants de TPE qui recrutent déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, à tel point qu’il s’agit désormais de leur première préoccupation (2).
Les plus petites entreprises n’ont pas le pouvoir d’attraction des grands groupes, qui disposent de moyens de communication conséquents et d’avantages sociaux sur lesquels elles ne peuvent pas s’aligner. Les TPE ont pourtant des cartes à jouer : un accès généralement plus rapide aux responsabilités ou au capital, des postes plus transverses, un cadre de travail plus familial… mais encore faut-il qu’elles puissent le faire savoir.
Des actions concrètes pour l’attractivité des TPE doivent être engagées, pour faire connaître leurs avantages, sensibiliser les étudiants à leurs atouts ou encore aider les dirigeants à communiquer efficacement sur les réseaux sociaux.
Un accès à la commande publique encore trop complexe
Si la commande publique est un formidable levier de croissance pour les TPE, ces dernières ne bénéficient que de 62 % des contrats de marchés public (3) ! Les TPE sont en effet pénalisées en raison d’un manque de ressources spécialisées en interne pour répondre avec tout le formalisme requis par cette procédure, mais aussi car leurs tarifs restent difficilement compétitifs avec ceux des grands groupes.
Si tous les contrats publics ne sont pas délégables à des petites entreprises, il existe une réelle marge de progression, et les organisations patronales font régulièrement des propositions à ce sujet. La simplification des procédures de réponse ou encore l’autorisation de regroupement de PME pour accéder à des contrats élevés font partie des pistes à explorer.
Des normes trop nombreuses et un manque de moyens juridiques
Le miracle français de la multiplication des normes peut prêter à sourire, tant il est commenté. Pourtant, c’est aussi une incroyable source d’inégalité entre les entreprises. Si les grandes entreprises disposent de services juridiques dédiés à l’anticipation des réformes et à leur mise en conformité, un boulanger ne dispose lui que rarement d’un directeur juridique.
Pourtant, les lois sont les mêmes pour tous, ou presque. Incapables d’absorber un tel rythme de nouveaux textes, les TPE subissent une véritable insécurité juridique et méritent de pouvoir accéder à un accompagnement régulier, adapté à leurs besoins et à leurs moyens.
Des taux d’imposition plus élevés que pour les grandes entreprises
C’est un fait relativement connu : le taux implicite d’impôt sur les bénéfices des TPE et PME est plus élevé que celui des grandes entreprises (4 ): en 2015, il s’élevait à environ 23% pour les PME, contre 18% pour les grandes entreprises (5). Comment peut-on accepter qu’un artisan paie proportionnellement plus d’impôts sur le bénéfice qu’une multinationale ? Là encore, la question fondamentale du manque d’équité doit se poser.
Des retards de paiement qui coûtent 19 milliards d’euros aux TPE
Disposant d’un pouvoir de négociation plus faible que les grandes entreprises, les TPE portent souvent le coût des retards de paiement. En 2020, celui-ci était estimé à 19 milliards d’euros (6) : de quoi renflouer la trésorerie des TPE si toutes les parties prenantes se mettaient à respecter les délais légaux !
Si des solutions de financement sont à la disposition des TPE pour corriger ces inégalités et leur permettre d’améliorer leur trésorerie, elles restent essentiellement à l’initiative d’acteurs privés et mériteraient d’être plus largement étendues.
Une offre de services bancaires simplement inadaptée aux besoins des Très Petites Entreprises
Selon la banque de France, au 1er trimestre 2022, seules 8 % des TPE ont demandé un crédit d’investissement (7). Mais plus que l’indicateur d’obtention des crédits, c’est celui de recours au crédit qui doit, selon moi, nous alerter.. Comment expliquer que sur un trimestre donné, 96 % des TPE n’aient pas recours à un financement de trésorerie, pour croître, répondre à un appel d’offres, lancer une nouvelle commande, ou s’implanter à l’international ? L’offre bancaire traditionnelle n’est pas adaptée aux TPE. Cela en fait un facteur d’inégalité supplémentaire.
Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire que le gouvernement français – par le biais de son ministère délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme – se saisisse du sujet pour soutenir ces structures qui jouent un rôle majeur dans notre économie. C’est aussi la préservation de la culture entrepreneuriale française qui est en jeu.
Engager une dynamique de concertation avec toutes les parties-prenantes concernées doit être la première étape pour se projeter dans la mise en place d’actions concrètes. Et si celle-ci prenait la forme d’un rapport sur l’équité entre les toutes entreprises, diligenté par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ?
Mesdames et messieurs les ministres, le futur de la prospérité de l’entreprenariat français est entre vos mains. A vous de jouer ! »
Photo : Grégory Desmot, Directeur de la Business Unit Small Business de Cegid.
(*) (1) Etude « Les entreprises en France » de l’INSEE, édition 2021
(2) Baromètre BPIFrance / Rexecode, Mai 2022
(3) Recensement économique de la commande publique, MINEFI, 2020 (chiffres 2019)
(4) Le taux implicite correspond au montant de l’impôt réellement payé rapporté au résultat de l’entreprise.
(5) Fichier des bénéfices industriels et commerciaux, in Laurent Bach, Antoine Bozio et Clément Malgouyres, RAPPORT IPP N°21 – MARS 2019 L’hétérogénéité des taux d’imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs.
(6) Rapport 2020 de l’Observatoire des délais de paiement
(7) Banque de France, enquête auprès des TPE/PME au 1er trimestre 2022, cité dans l’étude « Le financement des entreprises – priorité stratégique des banques française », FBF, mai 2022