Mobilités du quotidien : les élus centristes veulent faire contribuer les géants de l’e-commerce

Dans un contexte de saturation des infrastructures et de besoin croissant en financement pour les transports du quotidien, le groupe UDI, Centristes et Apparentés à la Région Auvergne-Rhône-Alpes propose une mesure inédite : instaurer une contribution spécifique pour les acteurs de l’e-commerce. Objectif : rééquilibrer le financement des mobilités en impliquant ceux qui sollicitent massivement les réseaux logistiques sans y contribuer.
Une fiscalité jugée injuste pour les entreprises installées en France
Portée par Christophe Geourjon, conseiller régional et président du groupe, la proposition repose sur un constat partagé par de nombreux élus et dirigeants d’entreprise : le Versement Mobilité actuel, basé sur la masse salariale des entreprises françaises, pénalise la compétitivité des acteurs locaux et exonère les plateformes internationales de toute participation.
Or, les flux logistiques générés par le e-commerce explosent : plus de 1,6 milliard de colis livrés en France en 2023, soit une croissance de 60 % depuis 2017 (source : ARCEP). Des chiffres qui interrogent sur la juste contribution de ces modèles à l’entretien et au développement des infrastructures routières, ferroviaires et logistiques régionales.
Un enjeu territorial fort pour Auvergne-Rhône-Alpes
En Auvergne-Rhône-Alpes, région traversée par d’importants corridors logistiques et dont plusieurs agglomérations (Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand) subissent une forte pression infrastructurelle, la question du financement des mobilités devient critique.
Les élus centristes dénoncent un système où les collectivités territoriales supportent les coûts de transport quotidien (Cars Région, TER, mobilité active), sans pouvoir mobiliser les ressources générées par les flux induits par l’e-commerce.
La récente ouverture par la Loi de finances 2025 à un Versement Mobilité Régional (VMR) n’a pas été activée en AuRA, par souci de compétitivité. Mais la nécessité d’explorer des alternatives à la fiscalité classique sur l’emploi reste posée.
Une proposition concrète : contribution ciblée sur les grandes plateformes
Dans leur courrier adressé à Dominique Bussereau, président d’Ambition France Transports, les élus du groupe UDI-CA suggèrent de créer une contribution spécifique sur les grandes plateformes de e-commerce, comme Amazon, Temu ou Shein. L’idée serait d’introduire une fiscalité différenciée, prenant en compte :
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la volumétrie de colis générée,
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la sollicitation des réseaux de transport,
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l’absence de participation aux mécanismes existants (Versement Mobilité, taxes locales).
L’objectif est clair : financer les SERM (Services Express Régionaux Métropolitains) sans alourdir la pression sur les PME et les employeurs locaux déjà contributeurs.
Un parallèle assumé avec la régulation du livre
Les élus prennent exemple sur la loi Darcos, entrée en vigueur fin 2023, qui a imposé un minimum de frais de port de 3 euros pour les commandes de livres de moins de 35 euros, afin de rééquilibrer la concurrence entre librairies indépendantes et géants du commerce en ligne.
Résultat : +2,3 points de ventes en librairies physiques et +9,5 % de ventes en ligne pour les librairies indépendantes. Une preuve selon eux qu’une régulation ciblée peut soutenir les écosystèmes locaux.
Vers un nouveau modèle économique de la mobilité ?
L’enjeu dépasse la seule fiscalité : il s’agit de repenser le modèle de financement des mobilités en intégrant l’ensemble des usagers et des bénéficiaires. Le développement du e-commerce, aussi bénéfique soit-il pour certains usages, engendre des externalités qu’aucune régulation actuelle ne prend en compte : congestion urbaine, usure des routes, impact environnemental.
La conférence nationale sur le financement des mobilités prévue en mai pourrait être l’occasion d’ouvrir un débat structurant, où les plateformes numériques seraient appelées à contribuer, à l’image des opérateurs historiques ou des employeurs locaux.
Une proposition qui pourrait faire école ?
Si cette piste est encore exploratoire, elle pourrait trouver des échos dans d’autres régions, notamment celles confrontées aux mêmes déséquilibres entre zones métropolitaines saturées et territoires périurbains mal desservis. L’enjeu est d’importance pour les acteurs économiques régionaux, qui souhaitent maintenir un haut niveau de service public tout en conservant leur compétitivité.
Le groupe UDI, Centristes et Apparentés, en prenant cette initiative, pose une question de fond : à l’heure de la transformation numérique et de l’hyperlogistique, qui doit payer pour les infrastructures du quotidien ?