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Une réponse concrète aux défis de l’accès à une alimentation durable

Depuis octobre 2024, une initiative inédite en France est testée dans le 8e arrondissement de Lyon : la caisse de l’alimentation, un mécanisme inspiré des principes de la sécurité sociale, qui permet à des foyers en situation de précarité d’accéder à une alimentation choisie, saine, locale et de qualité, tout en soutenant les producteurs locaux et en renforçant les circuits courts.

Ce dispositif expérimental, piloté par l’association Territoires à VivreS Grand Lyon en partenariat étroit avec le comité habitant CALIM 8, est soutenu par la Métropole de Lyon, la Ville de Lyon, l’État, mais aussi des acteurs privés comme Biocoop ou le fonds de dotation La Poule Rousse. Après six mois de mise en œuvre, les premiers résultats sont encourageants tant sur le plan social qu’économique.

Un projet au croisement de l’économie sociale, de la santé publique et de l’agroécologie

L’ambition portée par cette caisse va bien au-delà d’un simple soutien alimentaire. Elle s’inscrit dans une logique systémique, en favorisant :

  • l’éducation à l’alimentation et la montée en compétences des foyers bénéficiaires,

  • la dignité des choix de consommation, par l’autodétermination des achats et des cotisations,

  • la juste rémunération des producteurs locaux engagés dans des démarches responsables.

En d’autres termes, il s’agit d’un instrument économique structurant, qui vise à transformer la chaîne de valeur alimentaire en la rendant plus inclusive, plus durable, et plus territorialisée.

Un fonctionnement basé sur la démocratie alimentaire

Le principe est simple mais novateur : chaque mois, les membres cotisent une somme libre, en fonction de leurs moyens, avec un minimum symbolique d’un euro. En contrepartie, ils reçoivent un crédit numérique de 150 € par foyer, utilisable dans un réseau de commerces et producteurs conventionnés collectivement.

Actuellement, 18 structures sont partenaires :

  • 2 épiceries sociales et solidaires,

  • 2 AMAP,

  • 2 tiers-lieux alimentaires,

  • 2 magasins Biocoop,

  • 7 producteurs présents sur les marchés (maraîchers, boucher, fromager),

  • 2 boulangeries,

  • 1 poissonnerie.

Ce maillage permet une liberté de choix et une réelle diversité alimentaire, à rebours des paniers figés ou des aides stigmatisantes. Le comité habitant CALIM 8 joue un rôle central dans la gouvernance, en fixant les critères des lieux partenaires (proximité, saisonnalité, pratiques agricoles, prix…).

Un budget structuré et multipartenarial

Le projet est doté d’un budget total de 755 000 € sur trois ans, dont :

  • 46 % financés par la Métropole de Lyon,

  • 28 % par l’État,

  • 11 % par les membres eux-mêmes,

  • 4 % par la Ville de Lyon,

  • le reste étant réparti entre la Banque des Territoires, La Poule Rousse, le réseau Biocoop et les contributions des lieux partenaires.

Cette architecture financière originale repose donc sur un mix entre financements publics, privés et citoyens, traduisant la volonté d’une économie collaborative au service du bien commun.

Des effets sociaux visibles dès les premiers mois

Aujourd’hui, 110 foyers, soit environ 270 personnes, participent à cette expérimentation. Les retours des membres sont sans équivoque : meilleure alimentation, regain d’estime de soi, lien social retrouvé, changement des habitudes de consommation.

Plusieurs témoignages soulignent la transformation concrète induite par le dispositif :

« Je n’achetais jamais bio avant, je me disais que c’était trop cher. Aujourd’hui je cuisine de nouveau et je vois l’effet sur ma santé. »
– Isabelle, membre de CALIM 8

« Ce projet me rend acteur. On décide ensemble des lieux où on achète, on ne subit plus. »
– Naïma, membre de CALIM 8

Pour la Préfète Fabienne Buccio, cette caisse participe à un double enjeu : la santé publique (via l’accès à des produits frais de qualité) et l’inclusion (par la participation active des habitants aux décisions).

Un modèle exportable au service des territoires

Ce projet s’inscrit dans un mouvement plus large : d’autres expérimentations similaires sont en cours à Montpellier, Paris, Grenoble ou encore en Gironde. Le modèle lyonnais, porté par une forte dynamique associative et une coordination territoriale aboutie, pourrait faire école, notamment dans les quartiers prioritaires ou les zones rurales sous-dotées en commerces alimentaires.

Il s’agit là d’un levier économique local, avec des répercussions directes sur l’activité de petits producteurs, de commerçants indépendants et de structures de l’ESS (épiceries sociales, AMAP, tiers-lieux). Un projet qui favorise l’ancrage territorial de la dépense, la coopération inter-acteurs, et la relocalisation d’une partie du système alimentaire.

Une opportunité de transformation des politiques publiques

En soutenant ce projet, la Métropole de Lyon réaffirme sa volonté d’expérimenter des modèles d’avenir, à mi-chemin entre innovation sociale, santé et transition écologique. Pour Bruno Bernard, président de la collectivité, il s’agit d’« encourager des solutions qui sortent des dispositifs traditionnels d’aide alimentaire » pour aller vers une logique de droit universel à une alimentation de qualité.

Ce positionnement s’inscrit dans une réflexion nationale autour de la création d’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA), promue par plusieurs think tanks, chercheurs et associations. Le cas lyonnais pourrait fournir des enseignements précieux pour scaler ce modèle dans d’autres métropoles.

Une dynamique à consolider pour les années à venir

Les perspectives sont nombreuses : élargissement du nombre de bénéficiaires, renforcement du réseau de lieux partenaires, développement d’outils numériques de gestion (crédit, suivi des consommations), et surtout mobilisation de nouveaux acteurs économiques et de santé autour du projet.

L’un des défis majeurs reste la pérennisation du financement, avec un enjeu fort de reconnaissance institutionnelle du dispositif. L’autre chantier est l’évaluation rigoureuse de ses impacts, tant sur la santé des bénéficiaires que sur l’économie locale ou les pratiques agricoles.