PFAS : l’État renforce sa stratégie 2025 en Auvergne-Rhône-Alpes

Une mobilisation sans précédent face aux “polluants éternels”
La pollution aux PFAS — substances per- et polyfluoroalkylées, surnommées “polluants éternels” en raison de leur persistance dans l’environnement — est devenue un enjeu sanitaire et environnemental majeur. En Auvergne-Rhône-Alpes, la préfecture de région, sous l’autorité de Fabienne Buccio, a engagé depuis deux ans une mobilisation interministérielle inédite pour faire face à cette problématique. En 2025, une nouvelle feuille de route est déployée afin de mieux surveiller, réduire et, à terme, éliminer les rejets de ces substances nocives.
La région, à travers les cas particulièrement médiatisés d’Oullins-Pierre-Bénite dans le Rhône et de Rumilly en Haute-Savoie, est devenue un territoire pilote. L’objectif est clair : conjuguer action de terrain, surveillance industrielle, accompagnement des collectivités et transparence vis-à-vis des populations.
Un plan régional structuré autour de quatre priorités
Le dispositif mis en œuvre repose sur quatre axes stratégiques : la maîtrise des rejets, la sécurité de l’eau potable, le contrôle de l’alimentation et le renforcement de la recherche scientifique. Cette approche transversale vise à établir une réponse systémique, mobilisant les services de l’État comme la DREAL, l’ARS, la DRAAF et la DREETS, en lien avec les acteurs locaux.
L’un des premiers objectifs est d’amplifier le contrôle des rejets industriels. Après avoir surveillé plus de 150 sites entre 2022 et 2023, la DREAL finalise désormais l’examen de 560 établissements à l’échelle régionale. Parmi eux, les 40 plus gros émetteurs seront soumis à des plans d’action obligatoires en 2025. L’ambition est de passer d’une logique de mesure à une logique de réduction, voire d’élimination, des rejets dans l’eau.
Un nouveau volet, tout aussi structurant, concernera les stations de traitement des eaux usées urbaines. Ces installations, encore peu étudiées dans le cadre de la pollution aux PFAS, feront l’objet d’une campagne de surveillance spécifique dès la fin 2025. En parallèle, des inspections ciblées porteront sur les mousses anti-incendie industrielles, connues pour contenir des quantités significatives de PFAS.
Une campagne inédite sur les émissions dans l’air
Si la contamination des sols et de l’eau est bien documentée, celle de l’air reste encore largement méconnue. Pour combler cette lacune, la préfecture lance à partir de fin 2025 une campagne de surveillance des rejets atmosphériques. Pas moins de 60 installations industrielles — incinérateurs, cimenteries, fonderies — seront analysées pour évaluer leur contribution à la dispersion aérienne de ces substances.
Ce volet est essentiel car certaines formes de PFAS peuvent être transportées par voie aérienne, contaminant ainsi des zones éloignées des sources d’émission.
Une eau potable conforme : priorité sanitaire absolue
L’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Auvergne-Rhône-Alpes a été pionnière dès 2022 dans l’intégration des PFAS dans les contrôles sanitaires de l’eau. En 2024, 606 prélèvements ont été réalisés, un chiffre déjà complété par plus de 300 prélèvements en 2025. Dès cette année, l’intégration des PFAS dans le programme national de contrôle sanitaire deviendra systématique.
Les installations présentant des dépassements des seuils réglementaires doivent engager des mesures correctives immédiates, ou des plans d’action concertés avec les collectivités locales. Pour soutenir ces efforts, l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse mobilisera une enveloppe de 10 millions d’euros en 2025, finançant jusqu’à 50 % des projets de traitement des eaux.
Sécuriser l’alimentation : des produits locaux sous surveillance
La contamination de la chaîne alimentaire est un autre volet sensible du plan régional. La Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) poursuivra ses campagnes de prélèvements sur les produits végétaux et animaux : 80 échantillons sont prévus en 2025, soit une nette intensification des contrôles par rapport aux années précédentes.
Une nouvelle campagne sera également engagée sur l’alimentation animale, afin de remonter plus en amont dans la chaîne de contamination potentielle. Ce travail de prévention est fondamental pour préserver l’image des productions agricoles locales, notamment dans les filières AOP et IGP, particulièrement sensibles à ces enjeux.
Science et innovation au service de l’action publique
La connaissance scientifique reste un pilier central de la stratégie 2025. Les services de l’État continueront à financer des études exploratoires sur les milieux naturels : sols, sédiments, air, faune aquatique. Une attention particulière sera portée à la caractérisation des sédiments du Rhône, encore insuffisamment étudiés.
Ces recherches, menées avec les laboratoires publics et des partenaires académiques régionaux, visent à mieux comprendre les mécanismes de dispersion, de bioaccumulation, et les seuils à considérer pour de futures régulations.
Autre nouveauté : la DREETS accompagnera des études sur l’exposition professionnelle aux PFAS, en ciblant les TPE et PME industrielles. Cette approche est stratégique, car ces entreprises disposent rarement de moyens suffisants pour lancer seules des diagnostics approfondis. Il s’agit d’un enjeu de santé au travail, mais aussi d’un levier d’anticipation des futures normes européennes.
Un enjeu pour l’industrie et les collectivités locales
Le plan d’action contre les PFAS engage directement les acteurs économiques régionaux. Pour les industriels, c’est un défi technique et réglementaire. Ils devront réduire leurs rejets, adapter leurs procédés ou substituer certaines substances. Les filières du textile technique, de la plasturgie, de l’agrochimie ou encore de la métallurgie sont particulièrement concernées.
Pour les collectivités, l’enjeu est d’assurer une gestion sécurisée de l’eau et des déchets, tout en rassurant les populations. La communication, la transparence des données et la mise en place de solutions de traitement efficaces sont au cœur de leurs responsabilités.
Ce plan constitue aussi une opportunité de structuration d’une filière régionale de dépollution, combinant innovation, savoir-faire industriel et mobilisation des acteurs publics.