Une esplanade au Vinatier pour honorer le courage d’Adélaïde Hautval

À Lyon, un hommage fort au cœur d’un établissement psychiatrique d’excellence
Le vendredi 18 avril 2025, la Métropole de Lyon et l’établissement hospitalier du Vinatier ont inauguré une esplanade dédiée à la mémoire du Dr Adélaïde Hautval. Cette cérémonie, empreinte d’émotion, s’est tenue au sein de la Psychiatrie Universitaire Lyon Métropole, en présence de nombreuses personnalités locales, du personnel de santé, d’élèves de la région, ainsi que d’invités venus saluer le geste mémoriel.
Médecin, psychiatre, résistante, Adélaïde Hautval est reconnue pour son courage exceptionnel face à l’horreur des camps de concentration nazis. Son refus de participer aux expérimentations médicales inhumaines menées sur des femmes déportées à Auschwitz en fait une figure emblématique de l’éthique médicale. En lui consacrant une esplanade au cœur d’un établissement psychiatrique de référence, Lyon réaffirme non seulement son attachement à la mémoire, mais aussi à une médecine humaniste, engagée et résolument tournée vers l’éthique.
Une inauguration porteuse de sens pour la psychiatrie lyonnaise
L’événement a réuni Véronique Moreira, vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de l’Éducation et du travail de mémoire, Pascal Blanchard, vice-président en charge des politiques de santé et président du Conseil de surveillance du Vinatier, Pascal Mariotti, directeur général du Vinatier, et Frédéric Meunier, président de la Commission Médicale d’Établissement. Leur présence illustre la volonté politique de faire du Vinatier un lieu de soin, mais aussi de mémoire et de transmission.
La cérémonie a été ponctuée d’interventions artistiques et citoyennes, notamment par l’orchestre de l’École de santé des armées et des élèves du Centre de Formation des Musiciens Intervenants à l’école (CFMI). Les collégiens du collège Picasso de Bron étaient également présents, inscrivant ainsi la démarche dans une logique de sensibilisation intergénérationnelle.
Cette inauguration s’inscrit dans le cadre plus large du projet de transformation du Vinatier engagé depuis 2020, qui fait de l’ouverture à la ville et aux acteurs locaux un levier d’évolution du soin psychiatrique. À travers ce geste symbolique, c’est toute une profession – soignants, médecins, psychologues, aidants – qui trouve un écho à ses engagements dans la figure du Dr Hautval.
Le parcours d’Adélaïde Hautval : une résistance éthique en action
Née en 1906 dans le Bas-Rhin, Adélaïde Hautval suit des études de médecine à Strasbourg avant d’exercer en Suisse. Arrêtée en 1942 alors qu’elle tente de franchir la ligne de démarcation pour assister aux obsèques de sa mère, elle est emprisonnée après avoir pris la défense d’une famille juive maltraitée. Cette prise de position courageuse lui vaut d’être déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943.
Sa qualité de médecin est reconnue par les autorités nazies. Affectée d’abord à un bloc médical, elle est ensuite transférée au tristement célèbre block 10 du camp principal, où sont menées des expérimentations médicales sur des femmes. Hautval refuse d’y participer. Son refus lui vaut d’être renvoyée au rang des détenues, mais elle continue à soigner et à accompagner, soulageant les douleurs, apaisant les corps et, parfois, aidant ses camarades à échapper à la mort.
Elle assiste volontairement à certaines des « expériences » pour pouvoir témoigner. Transférée à Ravensbrück, elle reste sur place après la libération du camp pour s’occuper des malades. Elle ne quittera les lieux qu’en juin 1945, avec les derniers survivants français.
Un engagement reconnu tardivement, mais durablement
Le parcours d’Adélaïde Hautval, bien que profondément marqué par l’humanité et la bravoure, n’a pas été reconnu immédiatement. Elle ne reçoit sa carte de déportée résistante qu’en 1963. Décorée de la Légion d’honneur dès décembre 1945 pour son dévouement, elle est ensuite reconnue Juste parmi les Nations en 1965.
Son témoignage, rédigé en 1946 sous le titre Médecine et crimes contre l’humanité, ne sera publié qu’en 1991. Un silence révélateur d’un pays encore peu prompt à reconnaître certaines figures indépendantes, hors réseau, de la Résistance. Atteinte par la maladie de Parkinson, elle met fin à ses jours en 1988. Aujourd’hui, c’est à Lyon qu’une partie de sa mémoire est réinscrite dans l’espace public.
La psychiatrie lyonnaise en quête de sens et de modernité
Si le choix du Vinatier pour cet hommage n’est pas anodin, c’est qu’il s’inscrit dans un réel projet d’évolution du rapport à la psychiatrie. Avec plus de 30 000 patients pris en charge chaque année, l’établissement universitaire se positionne comme un acteur central de la santé mentale dans la métropole lyonnaise.
Sous la direction de Pascal Mariotti, l’hôpital poursuit un projet de transformation qui articule qualité du soin, innovation médicale et ouverture sur la cité. À travers cette inauguration, le Vinatier affirme aussi la nécessité de replacer les valeurs humanistes au cœur des parcours de soin. Adélaïde Hautval, psychiatre et résistante, devient un symbole fédérateur, incarnant l’engagement éthique face à l’inhumain, mais aussi une source d’inspiration pour les praticiens d’aujourd’hui.
Un acte mémoriel au service du présent et de l’avenir
Au-delà du simple hommage, cette esplanade devient un marqueur fort de l’identité du Vinatier. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de reconnaissance et de valorisation du travail de mémoire mené par la Métropole de Lyon. Dans un contexte social où les enjeux liés à la santé mentale prennent une place croissante, ancrer la mémoire dans les lieux de soin devient un levier à la fois symbolique et opérationnel.
Cette initiative met également en lumière le rôle du secteur public dans la promotion d’un héritage collectif, tout en accompagnant les mutations du secteur de la santé. Pour les professionnels lyonnais du soin, mais aussi pour les partenaires institutionnels, l’histoire d’Adélaïde Hautval offre une boussole éthique précieuse à l’heure de nombreuses remises en question.