Le Grand Clermont : une économie en mutation face aux défis du renouvellement de la main-d’œuvre

Avec plus de 200 000 emplois en 2021, le Grand Clermont se positionne comme un territoire clé d’Auvergne-Rhône-Alpes. Porté par la métropole de Clermont-Ferrand et articulé autour de plusieurs intercommunalités, il dévoile une économie en voie de diversification, marquée par une évolution lente mais tangible des secteurs industriels et tertiaires. Cependant, derrière cette dynamique apparente, plusieurs défis majeurs apparaissent, notamment le renouvellement de la main-d’œuvre et la nécessité de renforcer l’attractivité locale.
Un territoire polarisé autour de Clermont-Ferrand
Le Grand Clermont regroupe quatre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : Clermont Auvergne Métropole, Riom Limagne et Volcans, Mond’Arverne Communauté et Billom Communauté. Ces territoires présentent des spécificités économiques marquées.
Clermont Auvergne Métropole concentre à elle seule 82 % des emplois du Grand Clermont, et s’affirme comme le moteur économique de l’ensemble. Forte de la présence de Michelin et de plusieurs grands établissements de recherche et développement, la métropole se distingue par sa surreprésentation de l’industrie du caoutchouc et des activités de R&D.
À Riom Limagne et Volcans, l’économie repose sur un équilibre entre agriculture, industrie agroalimentaire et biotechnologies. Le Biopôle Clermont-Limagne en est l’un des symboles, avec près d’un millier d’emplois dans les sciences du vivant.
Mond’Arverne Communauté, quant à elle, tire sa spécificité de l’industrie du papier et de l’imprimerie, tandis que Billom Communauté reste fortement ancrée dans l’activité agricole.
Une diversification économique en cours, mais encore fragile
Entre 2014 et 2021, l’emploi a progressé de 5 % dans le Grand Clermont. Un chiffre positif, mais qui reste deux fois inférieur à la croissance constatée au niveau national. Cette dynamique modérée s’explique par deux phénomènes concomitants : une désindustrialisation plus forte qu’ailleurs et une tertiarisation plus timide.
En effet, le territoire a perdu 1 800 emplois industriels (-7,5 %), notamment dans les secteurs historiquement forts comme le caoutchouc, l’agroalimentaire ou la pharmacie. À l’inverse, certains secteurs industriels plus récents comme la fabrication de machines, les technologies optiques et l’industrie textile ont enregistré des croissances spectaculaires (+47 %, +35 %, et +25 % respectivement).
Dans les services marchands, la croissance est réelle (+9 %) mais également inférieure aux dynamiques observées dans le reste de la France. Le développement des services à haute valeur ajoutée, notamment les services d’ingénierie et de conseil, peine à compenser les pertes dans la recherche et développement.
Le poids des grandes entreprises en recul, l’essor discret des ETI
Le tissu économique du Grand Clermont se transforme aussi par la structure de ses entreprises. En 2021, 36 % des emplois salariés dépendaient d’une grande entreprise (GE), un chiffre en baisse de trois points par rapport à 2014. Cette diminution est liée à la désindustrialisation progressive qui touche les gros employeurs historiques.
En parallèle, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont vu leur poids croître, passant de 21 % à 23 % de l’emploi salarié. Cette évolution s’explique par l’émergence de nouveaux établissements comme Thea Pharma ou Activ’Adis, mais aussi par la montée en puissance de PME locales devenues des ETI, telles que Sodicler ou PAG Surveillance et Accueil.
La montée des PME et micro-entreprises (+8 % d’emplois entre 2014 et 2021) renforce également la résilience du tissu économique local, en diversifiant les secteurs et en réduisant la dépendance à quelques grands groupes.
Un enjeu majeur : le renouvellement de la main-d’œuvre
Près de 60 000 actifs du Grand Clermont avaient 50 ans ou plus en 2021, soit 30 % de la population active. Ce vieillissement de la main-d’œuvre est comparable au niveau national, mais il revêt une acuité particulière dans certains EPCI.
À Billom Communauté et Mond’Arverne Communauté, 35 % à 36 % des actifs sont concernés, notamment dans l’agriculture, l’administration publique et l’enseignement. À l’inverse, Riom Limagne et Volcans et Clermont Auvergne Métropole accueillent des secteurs plus jeunes, comme l’industrie pharmaceutique et la recherche.
Cette situation soulève une problématique stratégique : comment renouveler la main-d’œuvre dans un territoire qui, malgré la présence d’établissements d’enseignement supérieur, peine à retenir ses étudiants ? La part des moins de 15 ans, inférieure à la moyenne nationale (17 % contre 19 %), ainsi qu’un taux de natalité plus faible, interrogent sur la capacité du Grand Clermont à disposer d’un réservoir de talents suffisant à moyen terme.
Une montée en gamme des qualifications
L’évolution du tissu économique s’accompagne d’une nette progression de la qualification des emplois. En 2021, 20 % des salariés du Grand Clermont étaient cadres ou occupaient des professions intellectuelles supérieures, contre 16 % en 2010. Ce rattrapage, qui reste légèrement en deçà de la moyenne nationale, traduit la montée des fonctions métropolitaines : ingénierie, R&D, gestion, communication.
Dans l’industrie, la part de cadres a bondi de 16 % à 24 % en dix ans. Dans les services, elle atteint désormais 20 %. Ce phénomène accompagne la tertiarisation progressive de l’économie locale, mais il accentue aussi la concurrence entre territoires pour attirer et fidéliser les talents.
Parallèlement, le nombre d’ouvriers (-4 points) et d’employés (-3 points) a reculé, témoignant d’une recomposition structurelle de l’emploi.
Une industrie en recomposition et une recherche toujours structurante
Si l’industrie traditionnelle recule, des niches dynamiques émergent. La fabrication de machines et d’équipements, la fabrication de produits électroniques et l’industrie du textile enregistrent des croissances significatives, soutenues par l’implantation d’acteurs comme Hermès ou Quantel Medical.
La recherche et développement reste un marqueur fort du territoire, même si le recul de 10 % observé entre 2014 et 2021 alimente les inquiétudes. Le Grand Clermont conserve néanmoins une densité exceptionnelle d’emplois en R&D (15 % des emplois de services à haute valeur ajoutée, contre seulement 2 % en France).
Le Biopôle Clermont-Limagne illustre ce potentiel, avec une quarantaine d’établissements spécialisés dans les biotechnologies et les sciences du vivant. Mais la faible part d’établissements récents signale aussi un besoin de renouvellement continu pour maintenir cette dynamique.
Des défis clairs pour le Grand Clermont
En résumé, le Grand Clermont dispose d’atouts considérables : tissu économique diversifié, poids important de la R&D, dynamique des ETI, montée en gamme des qualifications. Mais il doit désormais relever plusieurs défis majeurs : renouveler sa main-d’œuvre, renforcer son attractivité pour les jeunes actifs, et consolider son tissu industriel et tertiaire face à une concurrence régionale et nationale accrue.
L’évolution du Grand Clermont dans les prochaines années dépendra largement de sa capacité à conjuguer innovation, attractivité territoriale et politique active de soutien à l’emploi local.