La CCI de Lyon invente la Bourse pour capitaux « patients »
Comment financer la ré-industrialisation ? La CCI de Lyon pense avoir trouvé sinon la, du moins une réponse en créant une sorte de « Bourse pour capitaux patients » sous la forme d’une « Place d’échanges » unique en France qui pourrait accompagner chaque année une cinquantaine de PME. D’autres outils vont être également mis en place : ils visent à redonner un rôle actif sur ce terrain, à la Chambre de commerce lyonnaise.
« Nous allons créer une sorte de Bourse ! » Prononcés au sein même des locaux de la CCI de Lyon, en l’occurrence le palais du commerce qui a vu vivre pendant des décennies la corbeille de la Bourse de Lyon, ces mots prennent un relief certain.
Et c’est bien de cela dont il s’agit sous une forme originale. Président de la CCI de Lyon depuis janvier 2011, Philippe Grillot a décidé avec son équipe de créer une place d’échanges unique en France et destinée à attirer vers les entreprises des « capitaux patients ». Entendez par cela des capitaux qui n’attendent pas un taux de rendement de 15 à 20 %, l’an…
« Nous voulons créer une nouvelle voie de financement en fonds propres des PME régionales, tout en permettant au dirigeant de conserver son indépendance… », explique Philippe Grillot.
Cette « Place d’échanges » telle sera sa dénomination, a pour but d’attirer des capitaux privés, en l’occurrence des investisseurs locaux, à l’instar des business angels ou des institutionnels privés, des fonds familiaux.
« De l’argent, il y en a. Mais le grand problème lorsque vous investissez dans une entreprise, hors Bourse est la sortie du capital à un moment ou un autre. Celle-ci sera organisée puisque l’investissement réalisé sera titrisé et qu’on pourra en sortir, moyennant une plus-value qui sera correcte car offrant une rentabilité mesurée », précise le président de la CCI de Lyon. Il précise : « Cela permettra aux entreprises de cette Place d’échanges de se développer d’une manière saine et cohérente. »
Cette initiative qui a reçu le visa de l’AMF, le gendarme des marchés financiers, s’intégrera dans les différents mécanismes mis au point dans le cadre du « Hub Financier » qui devrait prochainement voir le jour sous la houlette de l’association Lyon Place Financière et Tertiaire.
Elle viendra donc en complément d’un autre outil, annoncé, lui aussi, mais à base de financements publics, lui : le Fonds régional d’Investissement, dont le rôle ne sera pas le même.
La « Place d’échanges » que veut créer la CCI de Lyon dès les premiers mois de 2013 vise à apporter aux entreprises des « tickets » situés entre 200 000 et 800 000 euros. L’objectif affiché par Philippe Grillot est de financer de trente à cinquante PME chaque année. De leur côté, les investisseurs privés s’engageraient pour cinq à sept ans…
Cette initiative qui pourrait bien faire des émules entre dans le cadre d’une démarche de « ré-industrialisation » du tissu économique régional. « On a beaucoup parlé de désindustrialisation : elle n’est pas inéluctable », affirme Philippe Grillot. Et d’ajouter : « Certes, cela va être difficile, mais ce n’est pas une fatalité », s’enflamme -t-il.
Ce dernier annonce également d’autres mesures qui vont dans le même sens : la création d’un « Observatoire de l’industrie » en collaboration avec le Grand Lyon. Pour mettre en œuvre une telle politique, mieux vaut bien connaître le paysage industriel local et son évolution. Cet Observatoire qui livrera prochainement ses premiers éléments d’analyse, donnera lieu l’année prochaine à un « Livre Blanc de l’industrie. »
Dans le même ordre d’idées sera également mis en place un nouveau dispositif d’accompagnement à la reprise d’entreprise : près de 13 000 sociétés doivent changer de mains dans les cinq ans à venir. Un Club des repreneurs sera créé.
« C’est bien de créer de nouvelles entreprises. Mais encore faut-il faire en sorte que le moins possible d’entreprises disparaissent », ajoute Philippe Grillot. Or, l’on constate que près de 85 % des dépôts de bilan (1 493 dans le Rhône, l’année dernière) se terminent en liquidation judiciaire. Le président de la CCI de Lyon qui connaît bien le sujet car il a été dans le passé président du tribunal de Commerce de Lyon, aimerait diminuer ce pourcentage assez effrayant, il faut bien le reconnaître.
Ainsi, la CCI de Lyon va devenir la porte d’entrée de la prévention des difficultés dans les entreprises. Et ce, à travers d’un partenariat mis en place avec l’Ordre des experts-comptables, la Chambre des notaires et le barreau de Lyon. Une convention sera signée d’ici quelques semaines offrant aux chefs d’entreprise qui commencent à connaître des difficultés, un lieu d’écoute où ils pourront rencontrer leurs alter ego, anciens juges et chefs d’entreprise, formés spécialement à cet effet.
Au total, donc, de nouveaux modes de financement, accompagnés d’outils pour une meilleure transmission des entreprises et une diminution des faillites. Il faudra attendre pour voir si ces initiatives portent leurs fruits. Leur annonce permet pour l’heure, à une CCI qui a été pendant longtemps plutôt ronronnante, de reprendre l’offensive sur le terrain de la guerre économique. A suivre…
Photo (DL) : Autour de Philippe Grillot le président de la CCI de Lyon, deux autres membres du bureau, Philippe Guérand, président de SIER constructeur et chargé de la formation et Marc Degrange, un commerçant en chaussures chargé de l’organisation du commerce.