Aide à domicile : l’UNA alerte sur le risque d’effondrement du secteur en France
Face à une situation qu’elle qualifie d’« insoutenable », l’Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile (UNA) a publié, le 24 avril 2025, une lettre ouverte adressée aux financeurs publics. Dans ce document, l’organisation tire le signal d’alarme : sans réforme urgente du financement et de la gouvernance, l’aide à domicile pourrait connaître un effondrement progressif, mettant en péril des millions de bénéficiaires et aggravant les fractures sociales et territoriales. Une alerte qui résonne particulièrement en Auvergne-Rhône-Alpes, région fortement confrontée aux enjeux de dépendance et de maintien à domicile.
Une situation financière critique pour les structures d’aide à domicile
Selon les données communiquées par l’UNA, 30 % des établissements et services médico-sociaux (ESMS) étaient déjà en difficulté financière en 2023, chiffre corroboré par la CNSA. Pire, en 2025, 37 % des structures adhérentes à l’UNA se déclarent en difficulté, et 17 % font état d’un risque imminent de rupture de trésorerie.
Cette dégradation alarmante est aggravée par une série de décisions politiques perçues comme inéquitables. Alors que le budget 2025 de la Sécurité sociale prévoit 300 millions d’euros pour soutenir les EHPAD en difficulté, aucun financement spécifique n’est prévu pour les services d’aide à domicile, pourtant tout aussi essentiels au virage domiciliaire prôné par les pouvoirs publics.
Des personnels précaires et une attractivité en chute libre
Le malaise du secteur se traduit également par la précarité persistante de ses professionnels. Selon l’UNA, 18 % des aides à domicile vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre 6 % pour l’ensemble des salariés français. La non-revalorisation salariale, liée notamment au refus d’agrément d’un récent accord de branche, ajoute à la perte d’attractivité des métiers du domicile, pourtant cruciaux pour accompagner le vieillissement de la population.
Cette situation entraîne déjà des conséquences concrètes : difficultés de recrutement, plans d’aide non réalisés, bénéficiaires laissés sans solution, augmentation des restes à charge pour les familles aux revenus modestes.
Le désengagement croissant des départements pointé du doigt
Traditionnellement responsables du pilotage des politiques d’autonomie à domicile, les départements sont aujourd’hui accusés par l’UNA de se désengager progressivement, en invoquant leurs contraintes budgétaires. Ce retrait se traduit par des pratiques jugées illégales, comme le non-respect de l’obligation de financement de certaines prestations ou la fixation de tarifs incompatibles avec la viabilité économique des services.
Pour l’UNA, cette situation aboutit à une double impasse : d’une part, l’exclusion progressive des publics les plus fragiles, d’autre part, la disparition annoncée de nombreux services à but non lucratif au profit d’acteurs privés lucratifs, moins présents dans les territoires ruraux ou périphériques.
Un constat inquiétant pour l’Auvergne-Rhône-Alpes
Région confrontée à un vieillissement rapide de sa population, l’Auvergne-Rhône-Alpes n’échappe pas à cette tendance nationale. Plusieurs départements, comme la Loire, l’Ardèche ou l’Allier, font état de tensions croissantes dans l’accès aux services d’aide à domicile, notamment dans les zones rurales et les petites communes où l’offre se raréfie.
Les difficultés de recrutement, combinées à l’insuffisance de financements et à l’augmentation des coûts de fonctionnement (carburant, inflation des salaires, charges administratives), fragilisent durablement l’écosystème local de l’aide à domicile, pourtant essentiel à la vitalité des territoires.
Un virage domiciliaire en péril
Alors que le maintien à domicile est au cœur des stratégies de santé publique et des politiques sociales, l’effondrement progressif des services de proximité remet en cause cet objectif. Sans aides à domicile disponibles et accessibles, les alternatives se limitent au placement en établissement, souvent plus coûteux pour la collectivité et moins souhaité par les personnes concernées.
Le risque est également économique : l’augmentation des hospitalisations évitables, la perte d’autonomie accélérée faute d’accompagnement, ou encore l’aggravation de la précarité des aidants familiaux pourraient générer des coûts sociaux massifs à moyen terme.
Les demandes de l’UNA : une réforme systémique attendue
Face à ce constat, l’UNA formule plusieurs exigences fortes :
- La mise en place immédiate d’un fonds d’urgence pour sauver les structures d’aide à domicile en difficulté.
- La réforme structurelle du financement, avec une meilleure répartition des charges entre l’État, les départements et l’Assurance maladie.
- La reconnaissance de l’aide à domicile comme service public essentiel, assortie d’une revalorisation salariale effective et durable pour les professionnels.
- Une gouvernance rénovée, garantissant un pilotage plus cohérent, plus prévisible et plus équitable entre les territoires.
L’UNA appelle également à une vigilance accrue sur l’application du droit par les collectivités locales, afin d’éviter les dérives constatées dans certains départements.
Un secteur vital pour l’avenir démographique de la France
La lettre ouverte souligne que l’enjeu dépasse la seule survie des services existants. Il s’agit de préparer la société française au choc démographique annoncé : d’ici 2040, le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait augmenter de plus de 60 % selon les projections de la DREES. Sans un réseau solide de services d’aide à domicile, la soutenabilité de notre modèle social sera mise à rude épreuve.
Pour Marie-Reine Tillon, présidente de l’UNA, « il est urgent de cesser de multiplier les mesures partielles et ponctuelles. Nous avons besoin d’une véritable réforme du financement et de la gouvernance de l’aide à domicile, pour garantir l’égalité d’accès, la qualité du service et la dignité des professionnels comme des bénéficiaires. »
Une réponse attendue au Comité des financeurs
À la veille du Comité des financeurs de l’aide à domicile, où se retrouvent représentants de l’État, des départements et des acteurs du secteur, l’UNA espère obtenir des engagements concrets. Faute de quoi, elle prévient que le système actuel pourrait s’effondrer, accélérant l’émergence de « déserts médico-sociaux » analogues aux déserts médicaux déjà largement documentés.
Dans une région comme Auvergne-Rhône-Alpes, où les disparités territoriales sont fortes entre centres urbains et territoires ruraux, l’enjeu est particulièrement critique. Maintenir une offre d’aide à domicile accessible, diversifiée et de qualité constitue un impératif pour préserver la cohésion sociale, l’égalité des chances et l’attractivité des territoires.