Après une année 2011 plutôt favorable, les artisans rhônalpins en proie à l’incertitude pour 2012
Les 127 000 entreprises artisanales de Rhône-Alpes ont dans l’ensemble plutôt bien traversé 2011. Cette année qui a vu, dès le mois de juillet, l’Europe rechuter dans la crise, a été marquée par une hausse de 2 % de leur chiffre d’affaires, meilleur score du territoire français. Malgré tout, la baisse du pouvoir d’achat et la morosité générale ont provoqué un recul des métiers en prise directe avec une consommation en berne : l’alimentaire et les services ont été les grands perdants de l’année tandis que le bâtiment était le grand gagnant. En cette année électorale 2012, les artisans qui ont peu de visibilité, regardent l’avenir avec plus d’inquiétude et s’attendent à une année contrastée.
«L’artisanat rhônalpin a réalisé la meilleure performance de toutes les régions françaises l’année dernière », se félicite Christian Brunet, un plombier chauffagiste lyonnais, président de l’Union Professionnelle Artisanale (UPA) qui regroupe toutes les familles de l’artisanat.
Ce satisfecit exprimé, les bémols suivent tout de suite. Car l’artisanat qui rassemble en Rhône-Alpes pas moins de 127 000 entreprises, soit un bon tiers des entreprises de la région, réuni en son sein des métiers fort divers.
L’angoisse née de la crise de la dette européenne associée à une baisse de la consommation, phénomène nouveau (- 0,5 %, l’année dernière) a installé en première ligne les secteurs dépendant du pouvoir d’achat. Les artisans du secteur agroalimentaire ont ainsi connu l’année dernière un recul de 1,5 % de leur chiffre d’affaires. Bruno Cabut qui les représente au sein de l’UPA, voit deux raisons expliquant le phénomène : « le passage de la TVA de 5, 5 % à 7 % dans la restauration et l’augmentation des prix alimentaires. »
Le commerce qui a le plus souffert ? « Les poisssonneries ont subi de plein fouet l’augmentation des prix très importante dans ce secteur ». Conséquence : « Les trésoreries de nos entreprises s’amenuisent de manière significative. »
Mais ce sont les services qui ont le plus souffert avec un chiffre de chiffre d’affaires en chute de 4 %. « Qu’il s’agisse des coiffeurs, des garagistes, des taxis, nous constatons des baisses sensibles d’activité. Les clients réduisent leurs dépenses. » Parmi les entreprises du secteur qui s’en tirent à peu près : « Les fleuristes et les bijoutiers ».
La morosité n’a cependant pas concerné tous les secteurs de l’artisanat. Deux d’entre ont tiré leur épingle du jeu l’année dernière : l’artisanat de fabrication (+ 1,5 %) et surtout le bâtiment dont le chiffre d’affaires a crû de 6 % ! La fin annoncée du dispositif Scellier a notamment provoqué un important effet d’aubaine. Or, il s’agit d’un secteur qui pèse lourd au sein de l’artisanat avec 42 000 entreprises si l’on y inclus les travaux publics. Tant la construction neuve que la rénovation ont tiré le marché.
2012 ne se présente pas du tout sous les mêmes auspices. « Si l’on veut décrire notre état d’esprit en ce début d’année-explique Christian Brunet, le président de l’UPA-le mot qui correspondrait le mieux est incertitude. Tout semble se cumuler pour faire de 2012, une année difficile. Il s’agit d’une année électorale et l’on sait qu’elles ne sont jamais bonnes pour les affaires. Il faut y ajouter le projet de TVA sociale qui en cette période de pouvoir d’achat en berne n’arrangera pas les choses. »
Et le président des artisans rhônalpins de s’interroger : « On rajoute de la TVA et dans le même temps on augmente de 30 % les possibilités de construction : où est la cohérence de tout cela ? Il n’est pas bon de changer de règles toutes les cinq minutes : nous avons besoin de visibilité dans nos métiers !»
Etant donné cette somme d’incertitudes, les perspectives affichées par les différentes composantes de l’artisanat s’annoncent moroses. Ainsi les artisans du bâtiment réunis au sein de la Capeb ne s’attendent pas à connaître une aussi belle année que 2011. « Nous tablons sur un recul de 1 % du chiffre d’affaires du secteur : nous nageons en plein brouillard pessimiste », avoue Christian Brunet, également président de la Capeb.
L’euphorie n’est pa non plus de mise dans les services. « Dans ce secteur, nous sommes encore plus inquiets : nous figurons parmi les métiers les moins optimistes pour les années à venir », décrit Christian Labesque, un artisan taxi lyonnais représentant ces professions. Outre la conjoncture, s’ajoute à ces incertitudes des évolutions profondes, telles que « les changements de mode de consommation des services avec le développement de l’Internet. En outre, les gens se déplacent beaucoup moins, les entreprises serrent leurs budget… »
L’artisanat qui a réussi à passer la crise des subprimes en licenciant très peu, contrairement à l’industrie, par exemple, passera-t-il ce nouveau cap qui s’annonce ardu, sans trop de casse ?
Difficile à dire pour l’instant. La sérénité n’est pas de mise en ce début d’année chez les artisans.
Photo (DL) : Christian Brunet, un plombier chauffagiste du quartier de Perrache, président de l’Union Professionnelle Artisanale qui regroupe les 127 000 arstisans de Rhône-Alpes.