Aux Hospices Civils de Lyon, la fabrication d’un médicament rare que l’industrie pharmaceutique avait abandonné, sauve la vie de 27 patients…
Confrontées au cas d’un jeune patient que seul un médicament qui n’était plus fabriqué pouvait sauver, les équipes des HCL sont parvenues, à recréer ce remède miracle.
Depuis l’été dernier, ce médicament fabriqué à l’hôpital Edouard Herriot a permis de guérir 26 autres patients issus de la France entière.
Cependant, le stock de matière active s’amenuise et les HCL sont aujourd’hui à la recherche de soutiens pour pérenniser la production de cette préparation médicale indispensable pour préserver des vies.
Tout a commencé à l’automne 2020, dans le service d’hépatologie, gastroentérologie et nutrition pédiatriques de l’hôpital Femme Mère Enfant à Lyon.
Le Dr Noémie Laverdure est confrontée aux souffrances de Raphaël, quinze ans, greffé du foie le 30 juin 2020, qui présente des troubles du transit à répétition.
La pédiatre pense à une infection rare, dont les symptômes sont rendus plus aigus par un système immunitaire affaibli pour prévenir le rejet de la greffe.
Les examens mettent en évidence la présence d’Enterocytozoon bieneusi dans l’échantillon biologique du patient. Ce champignon provoque des diarrhées sévères pouvant engager le pronostic vital chez les patients immunodéprimés comme Raphaël.
Et seule la fumagilline, un antiparasitaire utilisé depuis les années 1950, peut en venir à bout.
Or, il s’agit d’un médicament dont la production a cessé… en 2019 !
La biologiste se tourne donc vers la pharmacie centrale des HCL. Mais celle-ci l’informe, avec stupeur, que les derniers stocks de fumagilline ont été écoulés en mars 2020.
Le principe actif disponible en Hongrie
Au sein du pavillon 10 de l’hôpital Edouard Herriot, les pharmaciens de Fripharm (Fabrication recherche innovation pharmaceutique), sous l’autorité du Pr Fabrice Pirot, sont, eux aussi, bouleversés par le sort de Raphaël. « Nous ne pouvions pas laisser dépérir un garçon qui a toute sa vie devant lui », relate Samira Filali, responsable de production à l’époque.
Après avoir contacté des fournisseurs chinois, indiens et européens, cette dernière, aidée de Camille Merienne, responsable du laboratoire de contrôle, parviennent à obtenir une précieuse information : 300 grammes de matière active servant à produire la fumagilline sont disponibles en Hongrie.
Non sans mal, grâce à des intervenants bienveillants, la substance est rapatriée depuis l’Europe de l’Est jusqu’à Lyon, conservée à -80°C pendant le transport, la molécule du principe actif étant très instable, sensible aux variations de température et à la lumière.
À sa réception, les pharmaciens des HCL déployent toute leur expertise pour fabriquer un médicament personnalisé sous la forme d’une suspension buvable conditionnée dans un flacon en verre.
En août 2021, un an après les premiers symptômes, l’adolescent est enfin traité. Quinze jours plus tard, c’en est fini de ses diarrhées éprouvantes et délétères. « On s’est bien battus, se félicite aujourd’hui Noémie Laverdure. On a avancé une étape après l’autre, sans renoncer. »
Trouver un million d’euros
Aujourd’hui, Fripharm est la seule plateforme pharmaceutique hospitalo-universitaire à produire ce médicament. Au total, en un an, 27 patients – de Lyon, mais aussi de Paris, Grenoble, Clermont-Ferrand, Rennes, Nantes et Bordeaux – ont reçu des doses personnalisées, permettant leur guérison complète.
Cependant, l’avenir s’annonce plus incertain. Les 300 grammes de principe actif récupérés en Hongrie sont voués à disparaitre. Or, il n’est plus question pour les professionnels des HCL de renoncer à ce médicament et à l’espoir redonné à la centaine de malades atteints, chaque année, en France.
Ces dernières semaines, l’équipe de Fripharm s’est mise en quête d’une start-up capable de l’accompagner dans la fabrication de fumagilline. L’affaire semble en bonne voie, mais le coût de lancement de la production, évalué à près d’un million d’euros, ne pourra être financé que par une aide extérieure.
On en est là…
Photo HCL.Fripharm