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Une filière fromagère emblématique d’Auvergne-Rhône-Alpes

Dans l’univers des fromages AOP français, le Beaufort tient une place singulière. Produit exclusivement en Savoie et Haute-Savoie, il incarne à la fois l’excellence d’un savoir-faire ancestral et la vitalité économique d’un territoire de montagne. Chaque été, l’estive dans les alpages permet de produire le célèbre Beaufort d’alpage, véritable fleuron de la filière.

Avec 51 000 meules produites en 2023, dont 7 600 issues des alpages, la filière Beaufort démontre une stabilité remarquable, malgré les défis climatiques, économiques et structurels. Elle mobilise plus de 1 200 acteurs : éleveurs, fromagers, affineurs, coopératives et structures d’appui. Un tissu dense qui contribue à maintenir une économie vivante en zone de montagne, tout en valorisant les ressources locales de manière durable.

L’alpage : pilier économique et territorial

Loin d’être une tradition figée, l’estive alpine représente aujourd’hui un moteur de l’économie savoyarde. Ce sont 140 alpages qui accueillent les vaches chaque été, entre juin et septembre, sur les hauteurs des vallées de Tarentaise, Maurienne, Beaufortain et Val d’Arly. Ce déplacement temporaire du cheptel, indispensable à la production de Beaufort d’alpage, permet également d’alléger les charges fourragères en fond de vallée, de préserver la biodiversité, et d’entretenir des paysages ouverts.

Sur le plan économique, ces alpages sont de véritables unités de production délocalisées. On y transforme sur place un lait riche et fleuri, dans des chalets d’alpage souvent isolés. La filière investit dans l’équipement, la formation, le renouvellement des bâtiments et la sécurisation du travail en hauteur. En 2023, près de 200 personnes ont ainsi travaillé dans ces unités saisonnières, générant une valeur ajoutée directe pour les coopératives locales et les acteurs du tourisme.

Une dynamique d’innovation agro-montagnarde

Pour rester viable, l’économie de l’alpage se modernise. L’un des exemples les plus frappants de cette transformation est l’installation, en 2022, d’un système de traite solaire sur l’alpage des Arpets à Bourg-Saint-Maurice. Ce projet expérimental, porté par la coopérative laitière de Haute Tarentaise, permet d’alimenter une salle de traite mobile à partir de panneaux photovoltaïques, sans raccordement au réseau.

Cette innovation technique s’inscrit dans une stratégie de transition énergétique portée par la filière : consommer moins de fuel, renforcer l’autonomie énergétique, limiter l’impact environnemental en haute montagne. Elle illustre également la capacité des acteurs savoyards à innover tout en respectant les cahiers des charges stricts de l’AOP.

À terme, plusieurs autres sites pourraient bénéficier de cette technologie, avec un double bénéfice : améliorer les conditions de travail des alpagistes, souvent précaires, et renforcer la résilience des productions face au dérèglement climatique.

Une économie de la qualité et du lien au territoire

Le modèle économique du Beaufort repose sur des critères stricts qui garantissent une production locale, traçable et équitable :

  • Le lait doit provenir exclusivement de vaches de race Tarine ou Abondance.

  • L’alimentation est herbagère, sans ensilage, avec une prédominance de pâturages naturels.

  • La transformation doit être réalisée dans les 24h, avec une pâte cuite et pressée, sans additifs ni conservateurs.

  • L’affinage minimum est de 5 mois, effectué dans des caves spécifiques.

Ce niveau d’exigence permet au produit de se différencier sur le marché national et à l’export, tout en assurant une juste rémunération des producteurs. En 2023, le prix du lait AOP a atteint 673 € / 1 000 litres, soit plus de 25 % au-dessus de la moyenne nationale. Ce différentiel rend la filière plus attractive pour les jeunes installés, favorise la transmission d’exploitations, et soutient l’emploi local.

Une stratégie offensive de valorisation estivale

Chaque été, le Syndicat de défense du Beaufort organise les « Instants Beaufort Été », une opération de valorisation territoriale qui associe production, tourisme et éducation alimentaire. De juin à septembre, 13 événements sont organisés sur les marchés, les fêtes de l’alpage, dans les coopératives ou les stations de montagne. Objectif : faire découvrir le produit, sensibiliser les visiteurs, raconter les coulisses de la fabrication.

Ces animations représentent un outil puissant de promotion BtoB indirecte : elles renforcent l’image de marque du produit, génèrent des retombées touristiques locales, créent des synergies avec les commerçants, restaurateurs et hôteliers. À long terme, elles soutiennent aussi la dynamique commerciale des coopératives, notamment dans les vallées les moins touristiques.

Une filière structurée autour de l’économie coopérative

Le Beaufort se distingue par une forte présence du modèle coopératif, qui permet une gouvernance partagée et un pilotage collectif de l’amont à l’aval. Sur les 7 structures de transformation, 6 sont des coopératives, dont certaines historiques comme celle de Moutiers ou du Beaufortain. Ce modèle favorise :

  • La mutualisation des outils de production (cuves, caves, transport),

  • La régulation des volumes et des prix,

  • L’investissement à long terme (rénovation de sites, alpages, équipements solaires),

  • La solidarité entre exploitations de tailles diverses.

À l’heure où de nombreuses filières agroalimentaires font face à une concentration industrielle, le cas du Beaufort démontre qu’un modèle collectif, ancré et équitable peut encore prospérer.

Des perspectives à consolider dans un contexte incertain

La filière Beaufort reste soumise à plusieurs enjeux structurants :

  • La hausse des coûts de production (énergie, transport, intrants),

  • Le renouvellement des générations, avec 30 % des éleveurs proches de la retraite,

  • L’impact du réchauffement climatique sur les alpages (sécheresse, précocité des repousses),

  • Les pressions foncières et les conflits d’usage en zone touristique.

Face à ces défis, les acteurs du Beaufort poursuivent une stratégie fondée sur la montée en gamme, la qualité, l’autonomie et la diversification des débouchés (vente directe, export, tourisme). Ils bénéficient aussi du soutien actif des collectivités régionales, qui considèrent la filière comme un pilier de l’économie montagnarde durable.