Bernard Gaud (Medef) : « Les priorités devraient être la lutte contre les déficits, la croissance et la compétitivité »
Président du Medef Rhône-Alpes, Bernard Gaud liste les attentes du patronat vis à vis du nouveau gouvernement, mais aussi ses craintes. Pour lui, la priorité des priorités devrait être la lutte contre les déficits. Mais il a été heureusement surpris d’entendre le mot compétitivité dans la bouche de François Hollande.
Quelles sont les craintes et les attentes du Medef à la vue de la composition du nouveau gouvernement de Jean-Marc Ayrault ?
Bernard Gaud-Le Medef n’a pas à émettre de réactions partisanes à l’égard de la composition d’un gouvernement quel qu’il soit.
En revanche, nous avons des attentes, mais aussi des vigilances. J’ai néanmoins apprécié et je ne m’y attendais pas que le président de la République ait parlé, lors de sa prise de fonction, de la compétitivité de la France. C’est plutôt une bonne surprise.
D’autres bonnes surprises ?
L’orientation affichée sur le dialogue social me va aussi très bien. Nous regrettions au Medef que de plus en plus de décisions se prenaient sans concertation avec les partenaires sociaux. Ce retour vers l’écoute est une bonne chose, à condition que le gouvernement n’en rajoute pas sur les charges des entreprises.
La vigilance, elle, va se porter sur quels domaines ?
D’abord et avant tout sur le problème numéro un de notre pays, le plus fondamental, d’où tout le reste découle : la réduction de la dette publique. Je croyais que nous en étions à 1 600 milliards de dettes. J’ai un ami qui a une application iPhone indiquant la croissance de notre dette minute par minute : grâce à lui, j’ai eu la mauvaise surprise de constater récemment que nous en étions en fait à 1 790 milliards d’euros.
Nous devons rembourser chaque année 50 milliards d’euros, ce qui représente une somme supérieure au budget de l’Education Nationale. C’est un cancer public ! Il faut laisser la nouvelle équipe se mettre en place, mais il faut qu’elle s’attaque au plus tôt au déficit et à la dette publique. Il y a le feu !
Quel est actuellement l’état d’esprit des chefs d’entreprise ?
Nous avons appris récemment que nous étions en croissance zéro au cours du premier trimestre. Nous ne sommes donc pas en décroissance, même si la situation économique n’est pas satisfaisante. On constate cependant que les entreprises fonctionnent et que les résultats 2011 ont été dans l’ensemble corrects, voire même pour certaines entreprises, très corrects.
Ceci dit, l’état d’esprit des chefs d’entreprise est plutôt à l’attentisme des premières mesures économiques.
On est loin cependant de l’état d’esprit qui prévalait en 1981, à l’arrivée de François Mitterrand.. ?
C’est vrai, la nouvelle équipe gouvernementale est composée de gens raisonnables. Nous ne sommes pas en 1981. Bien évidemment, les chefs d’entreprise ont plutôt voté à droite. Mais même en 1981, la terre ne s’était pas pour autant arrêté de tourner…
Quels sont vos souhaits, au Medef, en matière de politique économique ?
Ils sont de trois ordres : la croissance, la compétitivité et je le répète, la lutte contre le déficit de la dette publique. Nous attendons de voir comment ces trois mesures pourront être gérées ensemble.
Parmi les mesures annoncées figure un retour de la décentralisation et notamment la gestion de la politique industrielle par les régions. Qu’en pensez-vous ?
D’abord que si c’est le cas : il faudra parallèlement que les transferts de budgets se fassent dans leur intégralité et avec rigueur. Le passé ne plaide pas en cette faveur. Sur les dix dernières années, l’Etat a accru ses dépenses de personnel de 14 %, tandis que celles des collectivités bondissaient de 44 % !
Mais sinon, sur le fond..?
Sur le fond, bien sûr, il est beaucoup plus pertinent de mener une politique économique au niveau de la Région qu’au niveau national. Ce serait une très bonne chose. Mais là encore, il ne faut pas que les Régions renouent au niveau local avec les travers de l’Etat et notamment ne jouent pas le jeu de concertation. Et là, la crainte porte notamment sur les questions de formation.
Qu’est-ce à dire ?
Actuellement, 10 % seulement de nos jeunes sortent du système éducatif par l’alternance et l’apprentissage, alors que dans le modèle allemand que l’on prend souvent en référence, ce pourcentage sélève à 57 %. Et cela vaut pour tous les métiers, même ceux d’ingénieurs.
Notre vigilance se portera sur ce sujet là aussi : nous aimerions que s’inverse cette tendance en matière de formation et que l’on se tourne de plus en plus vers l’alternance et l’apprentissage qui permettent de mieux répondre aux vrais besoins des entreprises.
Photo (DL)-Bernard Gaud, président du Medef Rhône-Alpes.