Bruno Lacroix, président du CESER : « Comment éviter la sortie de l’euro pour sauver l’industrie ? »
Bruno Lacroix, Président du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de Rhône Alpes estime que seule une solution radicale vis-à-vis de l’euro permettra de redonner de la compétitivité à l’industrie française.
Comment les entreprises industrielles peuvent-elles se développer ?
Les entreprises doivent acquérir la taille critique des ETI (ndlr Entreprises de Taille Intermédiaire). Elles doivent se structurer, faire évoluer leur management, renforcer leurs compétences. Un patron de PME doit être un homme orchestre, pas un chef d’orchestre.
Cette croissance est indispensable pour le développement, pour l’exportation, pour l’innovation, pour les emplois.
Quelles solutions sur le plan financier ?
Les entreprises ont besoin de financements pour assurer leurs investissements pour financer leurs activités, leur implantation.
Or les entreprises françaises ont dû réduire leur taux de marge depuis longtemps, pour proposer des produits à des prix compétitifs. Le taux de marge est descendu à un niveau historiquement bas, inférieur aux taux de marge des entreprises d’autres pays.
La baisse des taux de marge a réduit les moyens financiers des entreprises. Elles manquent actuellement d’autofinancement, mais elles rencontrent aussi des difficultés à emprunter car leur capacité de remboursement est trop faible alors que les banques ont accru leurs exigences en réduisant leur prise de risque à la suite de décisions Bâle 3 et Solvabilité 2.
Comment recourir à des financements non bancaires ?
Les entreprises trouvent aussi moins d’investisseurs privés puisque environ, entre 500 et 800 fortunes ont chaque année quitté la France depuis 1981. On voit donc se multiplier les outils financiers publics comme le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI), le Fonds Unique interministériel, (FUI), la Caisse des Dépôts et Consignations, OSEO.
Nous sommes entrés dans une économie de plus en plus administrée qui vient au secours d’entreprises de plus en plus étranglées. Mais on s’aperçoit aussi que les financements publics ont une limite.
Quelle est la raison de fond ?
L’explication est claire : nous avons voulu l’euro sans accepter les règles qui allaient avec. La France est historiquement moins performante que l’Allemagne. Cette moindre performance a été compensée régulièrement par des dévaluations dites compétitives qui permettaient d’abaisser le prix de vente de nos exportations.
En 1960, il fallait 1,25 franc pour un deutsche mark, puis 1,56 franc en 1970, 2,4 en 1980, 3,1 francs en 1990 et 3,36 francs en 2000 au moment de la création de l’euro. L’euro rend cet ajustement impossible.
Il aurait fallu adopter des réformes comme l’a fait l’Allemagne avec le Chancelier Schröder, dans le cadre de politiques convergentes. Mais la France a adopté les 35 heures et le coût du travail a augmenté de 15 % dans l’Hexagone entre 2000 et 2010 alors qu’il a reculé de 10 % en Allemagne. Dans ce schéma, l’industrie continue à disparaitre.
Quelles solutions, alors ?
Elles ne consistent sûrement pas en une relance par le soutien du pouvoir d’achat des consommateurs par des transferts publics. Les solutions ne consisteront pas non plus à subventionner les producteurs. L’argent public n’existe plus.
Les solutions ne peuvent venir qu’au niveau national, et non pas au niveau régional. Elles concernent la fiscalité, le marché du travail.
Seules des mesures nationales pourront redonner de la compétitivité.
La compétitivité, peut-être une compétitivité au niveau des coûts, mais la compétitivité, c’est-à-dire la capacité à vendre mieux, peut provenir de l’innovation.
Beaucoup de secteurs économiques en Rhône-Alpes ont déjà maintenu leur effort d’innovation. On le voit dans le secteur de l’énergie, de la chimie, mais aussi dans le secteur du textile, des biens d’équipements.
Mais si ces atouts de compétitivité ne sont pas mobilisés, que faire ?
Je ne vois qu’une solution, la sortie de l’euro. Mais une sortie de l’euro en désordre risque de poser problèmes. Il faut organiser des sorties de l’euro en bon ordre en évitant des effets dominos.
Il faut d’abord noter que plusieurs pays de l’Union Européenne n’appartiennent pas à la zone euro, c’est le cas de la Grande Bretagne et ils ont l’air de s’en féliciter !
Il faut imaginer un système de l’Euro plus souple, qui s’inspire du serpent monétaire qui a précédé la préparation de la convergence monétaire à la fin des années soixante-dix. Les monnaies étaient liées entre elles par des taux variables qui permettaient une certaine souplesse. Certaines monnaies pouvaient être réévaluées, d’autres dévaluées, mais dans le cadre d’un système maîtrisé et négocié, c’est dans cette seule condition que notre industrie peut retrouver des marges de manœuvre.
L’idée est la conclusion évidente de la situation actuelle, mais elle suppose de briser un tabou, d’avoir une démarche intellectuelle stricte, sans tomber dans des excès souverainistes ou autres.