Compétitivité : pour la 1ère fois, syndicats et patronat rhônalpins sur la même longueur d’onde
Une révolution dans le monde très clivé des relations sociales. Pendant un an, trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC et CGC) et trois organismes patronaux (Medef, CGPME et UPA) ont travaillé ensemble pour partager le même constat sur le problème de compétitivité dont souffre l’économie de notre pays et en particulier la région Rhône-Alpes. Il reste bien sûr des lignes de fractures entre patronat et syndicats (TVA sociale, notamment), mais les six membres de ce collectif compétitivité sont bien décidé à appliquer dès cette année cinq à six propositions communes.
« Dans la situation où nous sommes, il y a urgence d’agir sur tous les facteurs de la compétitivité en même temps ! » Bernard Gaud, président du Medef Rhône-Alpes ne lance pas, jeudi 12 janvier, cette interpellation entre pairs patronaux dans un des salons feutrés de la Maison de l’entreprise à Lyon, mais face à des syndicalistes qui, de surcroît, acquiescent.
Pour la première fois, les partenaires sociaux, représentants des salariés et des chefs d’entreprises ont lancé une initiative inédite en Rhône-Alpes faisant suite à une démarche nationale : établir un diagnostic commun sur la compétitivité. Pour ensuite proposer des solutions.
Ainsi, depuis un an, des représentants de trois syndicats de salariés (la CFDT, la CFTC et la CGC) débattent du sujet avec trois organisations patronales (la CGPME, le Medef et l’Union Professionnelle Artisanale).
On remarque que côté salariés, ce sont des syndicats réformistes qui sont autour de la table : la CGT a commencé à participer aux travaux, mais les a vite quittés, tandis que FO qui a été associé a refusé de signer le document final.
Il reste que l’événement est suffisamment rare pour être souligné. Hormis le fait que pour la première fois responsables syndicaux et patronaux se sont mis autour d’une table pour évoquer ce sujet sensible, que faut-il en retirer ?
D’abord un constat commun de la nécessité d’agir sur les différents leviers qui font la compétitivité de la région dont la baisse explique les pertes d’emplois industriels et un solde commercial dans le rouge.
Parmi les éléments qui fondent la compétitivité figure le coût du travail. Patronat et syndicats sont d’accord pour constater « une dégradation du coût horaire de la main d’œuvre en France, par rapport à la moyenne de la zone euro entre 2000 et 2010. » Ils reconnaissent également que « la dégradation de l’écart avec l’Allemagne tient à la hausse du coût salarial unitaire en France, concommitante à une modération salariale outre-Rhin. »
Même constat d’accord sur les prélévements obligatoires, « parmi les plus élevés en Europe et parmi les plus importants sur les entreprises. »
Que faire ? Pour les syndicats, il faut certes agir sur les coûts, mais pas seulement. Les leviers d’action sur la compétitivité sont plus larges, selon Elisabeth Le Gac (CFDT) pour qui « la mauvaise qualité du dialogue social a un impact non négligeable ». Pour elle et en accord avec la commission, « il faut renouveler les formes actuelles de management dans toutes ses dimensions : motivation, rémunération, gestion de carrière, etc. »
Pour Christian Cumin (CFTC), toujours au nom du groupe du travail « Il faut développer les coopérations, notamment entre les PME et les grandes entreprises. »
Selon Laurent Caruana (CGC), « Nous avons retenu une priorité : l’Europe. C’est par plus d’intégration européenne que nous nous en sortirons, notamment par plus d’intégration fiscale »
Bruno Cabut, le représentant des artisans (UPA) insiste de son côté sur « la nécessité de rechercher une meilleure adéquation des formations aux besoins de l’économie ».
François Turcas (CGPME) fait part enfin de la proposition commune concernant « le développement à l’international par la mise en place, notamment d’aides incitatives fortes en faveur de l’export pour les TPE/PME ».
En final, Bernard Gaud (Medef) n’hésite pas à évoquer le sujet qui fâche : « les prélévement sur le travail qui restent un frein au développement de l’emploi et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises. » Tous les membres sont d’accord sur le constat, mais pas obligatoirement sur les moyens de résoudre le problème. Pas question ainsi d’évoquer la TVA sociale à laquelle les syndicats de salariés sont opposés. Mais pas question pour le Medef d’agiter le chiffon rouge.
Pour les six membres de cette commission compétitivité Rhône-Alpes, ce dialogue ne constitue qu’un début : « Nous avons identifié des priorités. Il s’agit maintenant de construire un projet collectif par un dialogue entre partenaires sociaux, nourri et continu à tous les échelons, interprofessionnel, branches et entreprises, dans le domaine social et aussi économique. »
Pour commencer, Bernard Gaud assure qu’en 2012, le groupe de travail ainsi constitué va proposer « cinq à six sujets d’action concrète. »
Et de conclure : «Nous, au patronat, nous avons admis que la compétitivité n’est pas qu’économique, elle est aussi sociale. » C’est une des innovations de ce dialogue inédit, comme le fait pour les syndicats d’accepter la discussion sur les surcoûts subis par les entreprises. A suivre…
Photo (DL) : Les participants, tous responsables au niveau rhônalpin, de gauche à droite : Laurent Caruana, président de la CGC ; François Turcas, président de la CGPME ; Elisabeth Le Gac, secrétaire générale de la CFDT ; Bernard Gaud, président du Medef ; Christian Cumin, président de la CFTC et Bruno Cabut, 1er vice-président de l’UPA.