En investissant 1,5 milliard d’euros, Sanofi confirme son ancrage lyonnais
La vie de Sanofi est émaillée ces dernières semaines de manifestations de salariés. Le groupe est en restructuration, supprime et transfère des emplois. Mais est-ce à dire qu’il se désengage de Lyon ? En fait, non, il confirme même son ancrage, s’appuyant sur l’écosystème local en matière d’infectiologie et de santé, pour tenter de mieux rebondir, face à une concurrence avivée. Et à coup sûr, il investit-beaucoup-allant jusqu’à effectuer dans son site de Neuville, un pari audacieux sur le vaccin de la dengue.
Transformer des chimistes en biologistes… Tel est le pari engagé par Sanofi qui a décidé de transformer son unité de Neuville, chimique, à l’origine, en fabrique de vaccins. Et pas n’importe lequel : celui de la dengue qui tue des millions d’hommes et de femmes dans le monde. Ce sera le premier vaccin jamais réalisé pour lutter contre cette maladie.
L’investissement est lancé depuis plusieurs années, les salariés sont nombreux à être en formation, alors que le vaccin n’est qu’en phase III. Cela signifie qu’il ne possède pas encore les homologations françaises et internationales qui lui permettraient d’aller dès aujourd’hui sur le marché. Il ne le pourra qu’au cours de l’année 2014. Et encore, si tout se passe sans anicroches.
Sanofi a bien pesé les risques, même si’l en prend au passage quelques-uns.
Cet exemple est à l’image de la situation dans laquelle se trouve Sanofi-Pasteur, la filiale de la société cotée au CAC 40 et spécialiste mondial du vaccin et dans une moindre mesure Mérial, l’autre filiale spécialisée dans la santé animale, elle aussi très présente à Lyon, son berceau.
Un marché des vaccins de plus en plus difficile
Ce marché des vaccins devient de plus en plus difficile car une double concurrence s’exerce. Ses confrères, les grands Pharmaciens occidentaux comme Novartis, Johnson&Johnson ou Pfizer, se sont aussi mis à fabriquer des vaccins. Mais ils ne sont pas les seuls. Les pays émergents se sont aussi attaqués à ce marché, et c’est naturel. En Chine, par exemple, des dizaines de producteurs locaux ont vu le jour. Le marché est de plus en plus émietté.
Les prix baissent, la concurrence s’avive. Sanofi est obligé d’arrêter la fabrication de certains vaccins devenus non rentables ou qui ne correspondent plus aux normes édictées tels que celui des oreillons.
Il lui faut dans le même temps doper ses services de recherche pour trouver de nouveaux types de vaccins, tels que les vaccins pentavalents ou hexavalents (combinant des vaccins contre plusieurs maladies dans une même dose) ou comme pour la dengue, mettre au point des vaccins qui n’existaient pas encore.
Trois plateformes de croissance à Lyon
« C’est la raison pour laquelle nous sommes bien décidés à nous ancrer à Lyon », confirme Olivier Charmeil, Pdg de Sanofi Pasteur. Pourquoi ? Parce que dans le cadre de cette politique offensive, l’écosystème lyonnais est à même d’apporter au Pharmacien toutes les compétences dont il peut avoir besoin : à commencer par la pôle de compétitivité Lyonbiopole, à vocation mondiale ou l’IRT, l’Institut de Recherche Technologique qu’a décroché Lyon, dans le cadre du Grand Emprunt.
Au bilan, sur les sept plateformes de croissance détectées par la direction de Sanofi, trois sont situées à Lyon.
Pour mener ces grandes manœuvres dans le cadre de cet ancrage lyonnais réaffirmé, Sanofi investit 1,5 milliard d’euros sur dix ans pour notamment transformer donc son site de Neuville dans le Beaujolais, en lieu de production de vaccins contre la dengue (300 millions d’euros) et créer à Marcy l’Etoile, une nouvelle usine de production de vaccins (100 millions d’euros).
Un centre mondial de R&D à Lyon-Gerland en 2015
Pour accroître les synergies, une grande partie de la Recherche et de la direction seront regroupés à Gerland. Ainsi, à l’horizon 2015, Sanofi y créera un centre mondial de R&D sur les maladies infectieuses, auquel sera associé Mérial, la branche spécialisée dans la santé animale.
« La recherche n’est plus verticale, mais de plus en plus horizontale. Nous avons développé beaucoup de partenariats sur la place lyonnaise et nous voulons développer l’effet cafétéria », lance Olivier Charmeil.
De même un nouveau siège social commun à Sanofi Pasteur et à Mérial sera construit, dans le quartier de Gerland, à Lyon, toujours, où seront regroupées de 600 à 700 personnes.
Un marché mondial de 20 milliards d’euros
Le Pdg de Sanofi Pasteur veut donc que la société qu’il dirige s’adapte à cette la nouvelle donne mondiale : « Les deux tiers de notre croissance va venir des pays émergents. Et d’ajouter : « Je suis confiant dans les investissements que allons réaliser. » Si le plan de marche adopté est le bon, Sanofi-Pasteur pourra continuer à prendre sa part dans un marché mondial des vaccins qui pèse près de 20 milliards d’euros et croît au rythme de 7 à 8 % l’an.
Toutes ces grandes manœuvres se feront, assure le Pdg, à effectifs constants : ce qui, dans la conjoncture actuelle n’est déjà pas si mal, même si les conséquences ne sont pas minces pour les salariés. Le site de Neuville qui employait 720 personnes, n’en emploiera à terme plus que 300. La réduction d’effectifs est réalisée par des transferts vers d’autres sites, mais aussi des départs à la retraite anticipés et des mutations de postes accompagnés d’un gros volet formation.
Sanofi en Rhône-Alpes, ce sont 6 700 salariés, dont 1 300 chercheurs, dispersés sur onze sites et la plus grande usine de vaccins au monde, à Marcy l’Etoile qui emploie à elle seule…3 400 salariés.