Petit traité de la fessée : punitive, érotique ou curative
Le droit français « ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels », a estimé le Conseil de l’Europe … Revenons aux sources : demandons-nous ce qu’est une fessée, quelle a été son histoire, quelles sont ses conséquences et, enfin, sa place dans le droit français.
- Définition
- La fessée punitive
- La fessée érotique
- La fessée curative
- La fessée et ses conséquences
- La fessée en droit français
- Les liens vers la décision du CE
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Définition
La fessée est l’administration, avec la main nue ou munie d’un instrument, de coups donnés sur les fesses.
Petite histoire de la fessée
Histoire de la fessée punitive
La fessée des enfants est devenue un acquis culturel au fil des siècles, comme l’étaient, au préalable, d’autres rites violents qui n’ont pas autant perduré qu’elle.
La Bible, elle-même, aborde plusieurs fois le sujet mais n’est pas très claire sur ses vertus.
Rappelons qu’il fut un temps, certes ancestral, où le père de famille détenait un droit de vie ou de mort sur les membres de sa famille sans avoir à se justifier de ses actes (de vie ou de mort) à l’égard de la société dans laquelle il évoluait. Ainsi, il pouvait pratiquer toutes sortes de délices tels que crucifixion, noyade, pendaison, bûcher, jetée aux loups, en ce compris les bastonnades publiques reçues « cul nu », … . En rapport avec de telles pratiques, une petite fessée du 21ème siècle relève du détail …
Progressivement, ces châtiments punitifs publics furent remplacés par des amendes pécuniaires, au moins pour ceux qui avaient les moyens de les payer : une sorte d’option libératoire, en quelque sorte !
Cependant, à la Renaissance, on observe le retour « en force » de la fessée, de préférence administrée au moyen d’un fouet tant à l’école, où des « fesseurs » professionnels sévissent dans les institutions religieuses,qu’en droit pénal, où un nombre important de délits sont punis par « l’application » du fouet, application d’importance croissante avec celle de l’infraction commise.
Puis, vinrent le Siècle des Lumières et ses idées philosophiques : la prison remplace petit à petit les châtiments corporels pour les adultes mais la fessée perdure pour les enfants, administrée tant par les maîtres d’école que par les parents.
C’est le 6 janvier 1881, qu’un règlement interdira les punitions corporelles dans les écoles, au moins publiques, et une loi de 1889 instaurera la notion de « déchéance paternelle » en cas de trop mauvais traitements des enfants, suivie en 1898 par la possibilité offerte aux juges de placer ces enfants à l’Assistance publique.
A ne pas confondre avec le « droit de correction paternel » créé en France en 1803 par Napoléon. En effet, ce dernier droit ouvrait la possibilité pour un père de faire enfermer son enfant, sans avoir à en justifier des raisons, dans une « maison de correction» véritable prison pour enfants. Ce droit fut aboli en 1935. Nous sommes toujours bien bien loin de la petite tape sur le derrière …
Aujourd’hui, en France, les punitions corporelles sont interdites dans les entreprises (si, si !), les prisons, l’armée, les écoles, et même dans la fonction publique … : seule, la fessée punitive persiste dans la famille, administrée par les parents aux enfants, en général, mais il a été observé des cas contraires !
Les recherches « scientifiques » sur le bien-fondé ou, à tout le moins, le bénéfice d’un tel traitement se sont développées au cours des dernières décennies. Les réponses sont plurielles mais tendent, toutefois, à considérer ce mode éducatif comme nocif à la longue et non fondamental à l’instauration de l’autorité parentale (sic).
Ainsi, en 2002, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) se prononçait contre l’usage des punitions corporelles, en raison de leur nocivité pour le développement des enfants.
Le Conseil de l’Europe décidait de la suivre tout comme l’Unicef en 2003 et l’ONU en 2006.
A ce jour, l’ensemble des organisations internationales se positionnent à l’encontre de tels traitements. Vous relèverez, cependant, que leur positionnement à ce sujet n’est pas très ancien : à peine plus d’une décennie.
Petite histoire de la fessée érotique
Beaucoup plus intéressante que la précédente, cette histoire part de l’argument non contesté selon lequel les fesses constituent des zones érogènes.
Et qui dit zones érogènes, parle, évidemment, de sexualité et de sa satisfaction.
Sans nous lancer dans des explications peu scientifiques et encore moins juridiques, il s’avèrerait que la fessée érotique trouverait ses sources dans la fessée punitive enfantine qui, malgré tous les inconvénients qu’on lui prête, développerait le sens de la jouissance.
Nous vous renvoyons aux « Confessions » de Jean Jacques Rousseau et, très exceptionnellement, à Freud que nous citons :« il est connu de tous les éducateurs que la douloureuse stimulation de la peau des fesses est une des racines érotisantes de l’objet passif de la cruauté» et vous invitons à lire ou à relire le Satyricon de PETRONE et à réécouter Brassens, dans son titre éponyme de 1966.
Dès le 18ème siècle, la flagellation était très populaire parmi les clients des maisons closes.
Pour tout complément d’information à ce sujet, nous pensons que vous trouverez tous seuls les références et les liens appropriés …
Histoire de la fessée curative
Dès l’Antiquité, les vertus curatives de la fessée ont été « démontrées ». Ainsi, Asclépiade, médecin grec bien connu de tous, fouettait les maniaques et Sénèque, un peu plus populaire, soignait la fièvre quarte par le fouet !
De la même manière, au Moyen Âge, la flagellation constituait le remède à la « mélancolie érotique » et aux délires en général.
Notre grand Rabelais lui-même, prescrivait la flagellation des fesses au panicaut (chardon piquant).
Le dictionnaire universel Larousse du XIXe siècle, indiquait alors que « la flagellation modifie avantageusement l’incontinence d’urine, la paralysie de la vessie, la constipation, l’impuissance, la frigidité et les paraplégies ».
A bon entendeur, salut !
La fessée et ses conséquences
Nous ne traiterons ici uniquement que de la fessée punitive, l’érotique étant sensée se pratiquer entre adultes consentants et la curative, désormais, dénuée de fondement scientifique.
Il a été caractérisé de nombreuses conséquences nocives sur la santé tant physique que mentale, des enfants subissant régulièrement l’administration de fessées. Il semble, cependant, relever du bon sens que de dire qu’une tapette sur le derrière et une flagellation au fouet n’ont que peu de bases communes.
En conséquence, l’intensité de la violence de la fessée paraîtrait être un critère plus pertinent que celui de la fessée en elle-même pour que le droit pénal français s’empare du concept.
La fessée en droit français
C’est à la suite d’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme rendu en 1998, que le Conseil de l’Europe s’est engagé à faire cesser les châtiments corporels infligés aux enfants au sein de ses états-membres, en application de l’article 3 de laConvention Européenne des Droits de l’Homme. Pour rappel, la France est membre du Conseil de l’Europe et a ratifié la CEDH.
En France, outre les dispositions de 1881 et de 1889 précitées, un règlement de 1991 rappelle l’interdiction des châtiments corporels au sein des établissements scolaires.
Par ailleurs, l’article 222-13 du Code Pénal vise à punir les auteurs de violences. Il est ainsi rédigé : « Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises :
1° Sur un mineur de quinze ans ;… »
A sa lecture, il est aisé de comprendre que son application à la « fessée parentale » est un peu compliquée, à tout le moins disproportionnée. C’est pourquoi le Conseil de l’Europe a adopté la position que nous connaissons.
Des propositions ont été soumises, ces dernières années, pour que la sanction de la « fessée parentale » devienne civile plutôt que pénale et trouve, ainsi, une application peut-être plus simple. Il n’empêche que, comme toute infraction, elle doit être caractérisée et que la preuve doit en être apportée, avant que l’auteur ne soit condamné.
Cependant, une jurisprudence prudente des tribunaux correctionnels émerge pour une application avisée de sanctions aux parents auteurs de véritables maltraitances que pourraient constituer des fessées particulièrement appuyées et répétitives.
La question peut se poser de savoir si la « fessée parentale » appartient à la sphère familiale, par définition privée, ou à la sphère publique dans laquelle l’état peut légiférer. Nous savons l’attachement du droit français à la défense de la vie privée et de ses attributs. Il est possible de s’interroger sur l’interférence d’une interdiction de la « fessée parentale » avec ce droit à la vie privée tout comme sur les conditions d’application d’un tel texte.
En effet, la « fessée parentale » est bien souvent administrée dans la sphère privée et la difficulté serait, alors, évidente de la caractériser et, par conséquent, de la sanctionner. Il paraît simple d’imaginer d’utiliser, alors, le dispositif d’ores et déjà existant de signalement, entre autres, s’appliquant à toutes formes de maltraitance physique ou psychologique plutôt que d’augmenter le volume des textes législatifs, voire d’adapter les textes existants pour satisfaire aux exigences tant du Conseil Européen que de la CEDH.
Dès lors, le débat qui occupe bon nombre de médias cette semaine paraît bien vain et la connaissance de ces derniers des dispositions et des dispositifs existants bien légère …
Il nous aura, cependant, donné l’occasion de ce texte dont la préparation documentaire nous a beaucoup réjouis, même s’il n’apporte que des éléments de réflexion sur la question outre quelques liens qui pourront vous être utiles.
Les liens utiles
● pour savoir ce qu’est le Conseil de l’Europe
● pour lire l’intégralité de la décision concernant la France
● pour tout savoir sur la Cour Européenne des Droits de l’Homme
● la CEDH
● l’article 222-13 du code pénal dans son intégralité
Sophie BERLIOZ, +33 612 19 14 32
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