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Gaillard/Villard/Cuilleron : le trio de choc qui a donné vie à un nouveau vignoble rhônalpin

Il y a vingt ans, trois viticulteurs des Côtes-du-Rhône septentrionales s’aventuraient sur la rive gauche du Rhône, près de Vienne face au Côte-Rôtie et plantaient dans le scepticisme général, leurs premiers plants de syrah et de viognier sur des friches qui n’avaient plus vu de vignes depuis un siècle.

Le trio composé de Pierre Gaillard, François Villard et Yves Cuilleron avait d’abord loué, puis acquis des parcelles de terrain au prix de la terre agricole et beaucoup investi. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils s’étaient alors regroupé à trois, dotés chacun de leurs domaines respectifs et réputés pour tenter cette nouvelle aventure sous l’appellation commerciale des « Vins de Vienne ». Lourd, l’investissement était plus facile à trois. Ils se connaissaient et s’appréciaient.

 Quatre millions d’euros de chiffre d’affaires

 Deux décennies plus tard- « Les Vins de Vienne » fêtent cette année leur vingtième anniversaire, le bonheur n’est pas dans le pré, mais dans la vigne : les « Vins de Vienne », ce sont onze hectares plantés à Seyssuel, 4 millions d’euros de chiffre d’affaire pour environ 200 000 euros de résultat net (en 2015), 500 000 bouteilles vendues chaque année dont 40 % à l’export. Et comme premier client, le Québec. Les commerciaux de la SAQ (Société des Alcools du Québec) qui a le monopole de la vente d’alcool dans la Belle Province se sont pris d’affection pour les « Vins de Vienne » et en font une sacrée promotion…

 Leurs trois vins phares, le désormais célèbre Sotanum, 100 % syrah, le porte-drapeau qui reste 18 mois en fût ; mais aussi le Taburnum, 100 % viognier et l’Héluicum, également 100 % syrah, mais plus abordable qui tirent leurs noms des chroniques de Pline l’ancien, se retrouvent désormais dans le monde entier.

 Le pari n’était pourtant pas gagné d’avance : faire des vins aussi aboutis et au même prix que les côtes-rôties, mais avec pour seule appellation « vin de pays »… Une gageure à l’époque. Ils étaient alors critiqués, moqués…

 La première vendange, en 1997 à la deuxième feuille, a pratiquement été toute achetée par Patrick Henriroux, le chef de la Pyramide à Vienne (deux étoiles) qui le premier, leur a fait confiance. Un sacré coup de pouce qui a permis leur lancement.

 Depuis, l’aventure humaine s’est muée en réussite économique.

 Et ce n’est pas fini car le trio de viticulteurs prévoit de planter à nouveau plusieurs hectares de vignes sur les coteaux de Seyssuel pour prolonger son succès. Un succès qui pourrait être conforté l’année prochaine avec, premier stade, l’obtention de l’appellation côte-du-rhône. Les démarches sont en cours. Les « Vins de Vienne » quitteraient alors le statut de vins de pays pour celui d’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée), plus valorisant et plus en phase avec le prix élevé des bouteilles…

 Un nouveau vin : un Saint-Peray effervescent

 Mais les « Vins de Vienne », c’est aussi du négoce avec un côte-du-rhône générique (120 000 bouteilles), mais aussi bien d’autres appellations de la vallée du Rhône et un tout dernier vin, un Saint-Peray effervescent, baptisé « 1829 », date du décret créant ce type de vins. Il vient d’être mis en vente. Là encore, le trio de viticulteurs fait le pari du haut de gamme : ce nouveau venu est vendu 25 euros.

 Une question se pose : pourquoi cette réussite qui n’avait rien d’évidente au départ ?

 Elle tient à deux facteurs : les coteaux où sont plantés les Vins de Vienne sont géologiquement les mêmes que ceux des Côtes-Rôties. Mais ils ont de surcroît un avantage : ils sont mieux orientés. Résultat : les vendanges sont plus précoces que sur les coteaux d’Ampuis, les raisins sont matures plus tôt.

 Pour obtenir des vins à la qualité similaire des côtes-du-rhône septentrionales, il fallait y mettre les même moyens, en matériel, en cuverie, en hommes.

 C’est ce que notre trio a su faire, réussissant à vendre des vins de pays au prix d’un grand cru.

 Complémentaires

 L’autre raison de la réussite est humaine. Les trois viticulteurs sont complémentaires. Le Maître de chais reconnaît qu’il assiste parfois à de belles prises de bec entre les membres du trio chacun dotés d’une forte personnalité. Mais c’est pour la bonne cause, notamment pour des choix de vinification.

 En fait, les trois viticulteurs des « Vins de Vienne » sont parfaitement complémentaires.

 Yves Cuilleron, c’est le visionnaire, l’homme qui voit loin, synthétique. François Villard est lui le créatif de la bande, le plus fougueux.

 Enfin, Pierre Gaillard, c’est l’homme de la tradition, de la stabilité, les pieds bien ancrés dans le terroir.

 A eux trois, ils ont su additionner leurs qualités, pas à les soustraire. Ce qu’aucun autre viticulteur seul n’aurait pu réunir…

 Il suffit de déguster le dernier millésime de « Sotanum » en date, le 2015, à la fois racé et d’une puissance étonnante, à la fois vinifié sur le fruit, mais qui s’annonce aussi comme un vin de garde ; bref rassemblant en un seul nectar chacune des personnalités des membres de cet étonnant trio…