Illettrisme et illectronisme en Auvergne-Rhône-Alpes : un enjeu RH et économique de premier plan
À Lyon, le 24 avril 2025, l’État, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et France Travail ont officialisé le lancement de la nouvelle feuille de route régionale de lutte contre l’illettrisme, l’illectronisme et pour la maîtrise des compétences de base. Prévue pour la période 2025-2027, cette stratégie collective vise à réduire un frein invisible mais massif à l’insertion professionnelle et à la performance économique des entreprises.
En France, 3,7 millions d’adultes scolarisés rencontrent des difficultés importantes avec la lecture, l’écriture ou le calcul. Plus de la moitié d’entre eux occupent pourtant un emploi. Ces chiffres montrent que le sujet ne se limite pas aux publics dits “éloignés”, mais concerne directement les entreprises et leurs collaborateurs.
Un enjeu sous-estimé au cœur des problématiques RH
L’illettrisme et l’illectronisme sont encore largement tabous dans le monde du travail. Ils ralentissent la montée en compétences, compromettent la sécurité, compliquent l’appropriation des outils numériques, et freinent l’évolution interne. Pour les entreprises, cela représente une perte d’agilité, de productivité et d’attractivité.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, notamment dans les secteurs en tension (BTP, logistique, services, industrie, santé), la question des savoirs fondamentaux devient stratégique. Ne pas s’y attaquer revient à se priver d’un vivier de talents, souvent motivés mais bloqués par des difficultés invisibles.
Une feuille de route concertée avec les acteurs de terrain
La nouvelle feuille de route a été élaborée en lien avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), la Région AURA, les services de l’État, France Travail, ainsi que de nombreux partenaires locaux, associations, organismes de formation et entreprises.
Elle s’articule autour de cinq grandes priorités :
– Renforcer la sensibilisation des professionnels et la coordination des acteurs,
– Déployer des actions de remobilisation pour les publics en difficulté,
– Sécuriser l’insertion des jeunes avec des lacunes en compétences de base,
– Accompagner les adultes éloignés de l’emploi,
– Mobiliser les entreprises et les salariés pour agir au cœur même des structures.
Cette feuille de route fixe un cap, mais elle s’appuie surtout sur des actions concrètes déjà en cours dans la région, dont certaines ont été mises en lumière à l’occasion du lancement officiel.
Des actions intra-entreprises déjà en place
Parmi les initiatives exemplaires citées à Lyon, plusieurs concernent des dispositifs mis en œuvre directement dans les entreprises, à destination des salariés en difficulté avec l’écrit ou le numérique.
Il peut s’agir de sessions de remise à niveau ciblée, intégrées au temps de travail, ou d’ateliers d’apprentissage contextualisé, liés à des situations de poste : lire un bon de livraison, rédiger un mail simple, utiliser une tablette de pointage ou suivre une consigne de sécurité.
Ces formations sont souvent co-construites avec l’employeur, un organisme spécialisé et parfois cofinancées par des OPCO. L’intérêt est double : éviter la stigmatisation des salariés et renforcer l’efficacité opérationnelle des équipes.
Une démarche qui touche aussi les jeunes en insertion
Les jeunes en décrochage ou sortis sans qualification du système scolaire sont également concernés. Plusieurs structures de formation ont présenté à Lyon des parcours pédagogiques personnalisés, intégrant à la fois du soutien en compétences de base et des modules d’insertion professionnelle.
Objectif : éviter qu’un jeune ne renonce à une formation en alternance, à un contrat d’engagement ou à une insertion en entreprise, uniquement à cause de difficultés non traitées en lecture ou en compréhension de consignes.
Le rôle stratégique des entreprises dans la mobilisation
L’une des clés du succès de cette feuille de route réside dans l’implication active des employeurs. La mobilisation des entreprises ne se limite pas à une posture solidaire : elle répond à des besoins très concrets de recrutement, de fidélisation et de montée en compétences.
Plusieurs groupes industriels, PME ou structures de l’économie sociale ont déjà engagé des démarches collectives dans la région, en lien avec leurs partenaires territoriaux (France Travail, CCI, chambres des métiers, OPCO). Ces dynamiques permettent : – D’identifier les freins à l’emploi dans les équipes,
– D’accompagner des salariés sans les exposer,
– De valoriser les parcours, et parfois de détecter des potentiels inexploités.
Une problématique de compétitivité économique
En s’attaquant frontalement à la question des compétences de base, cette stratégie régionale répond à un enjeu économique global. La transition numérique, la digitalisation des process, l’essor du télétravail, ou la dématérialisation des services exigent des collaborateurs qu’ils maîtrisent un minimum d’outils, de langage, et de logique opérationnelle.
Or, face à ces exigences, de nombreuses personnes — y compris en emploi — se retrouvent en situation de fragilité. Pour une entreprise, cela se traduit par des erreurs, des retards, des tensions managériales, voire un turnover accru.
Lutter contre l’illettrisme, c’est donc aussi investir dans la stabilité des équipes, la qualité de service et l’efficacité globale.
Une approche territoriale à consolider
La feuille de route met également l’accent sur la coordination locale. Il ne s’agit pas d’imposer un schéma vertical, mais de soutenir les dynamiques territoriales déjà existantes, et de les renforcer.
Chaque territoire dispose d’un réseau d’acteurs (collectivités, centres sociaux, entreprises, associations, médiathèques, tiers-lieux…) susceptibles de devenir des relais d’information, de détection, ou d’accompagnement.
Ce maillage doit être activé au service des publics, mais aussi des entreprises qui souhaitent s’engager sans savoir par où commencer.
Avec cette nouvelle feuille de route, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et ses partenaires affirment leur volonté de faire de la lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme une priorité économique autant que sociale. Pour les entreprises régionales, c’est une invitation à prendre part à cette dynamique, à travers des actions concrètes, ciblées, et toujours contextualisées.