Intelligence économique : ne pas sombrer dans la paranoïa, mais…
Non la vie des affaires n’est pas un long fleuve tranquille. Si la plupart des entreprises pratiquent légalement l’intelligence économique, d’autres utilisent des moyens illégaux pour déstabiliser une entreprise, voire lui soutirer des informations confidentielles ou stratégiques. Et, crise aidant, le nombre d’affaires dont s’occupent les services spécialisés a tendance à augmenter.
L’une des affaires les plus spectaculaires, toujours pas élucidée, a récemment touché le leader mondial des données sur l’art, la société Artprice, basée à Saint-Didier-au-mont-d’Or dans le Rhône. L’entreprise dirigée par Thierry Ehrmann, notamment connu pour sa « Demeure du Chaos » a subi en juin dernier « une attaque informatique sophistiquée avec des moyens financiers importants », selon le Parquet. Une attaque tellement puissante qu’elle a eu des conséquences sur le taux de disponibilité des ordinateurs dans le Rhône ! Et des retombées qui auraient pu se révéler dramatiques : le cours de Bourse de cette société a piqué du nez et son Pdg a craint de devoir licencier.
Hervé Mariaux, un chef d’entreprise lyonnais, également commandant de réserve dans la gendarmerie nationale et grand spécialiste de ces questions d’intelligence artificielle a dans sa besace de nombreuses histoires de ce type. Il décrit un autre exemple : la déstabilisation d’une entreprise peut s’opérer par le biais d’une véritable opération de désinformation. Telle est la campagne qui a été menée contre une société lyonnaise, auprès de ses distributeurs de matériels provoquant le retrait de vente de ses radiateurs. Coût : 2 millions d’euros de pertes et licenciement d’un tiers du personnel de cette entreprise, durement éprouvée.
« Plus récemment, on a vu, à la faveur de la crise, des entreprises de décolletage de la vallée de l’Arve se faire racheter par des entreprises américaines, uniquement soucieuses de récupérer des brevets et des savoir-faire et une fois ceux-ci pillés, mettre la clef sous la porte », poursuit Hervé Mariaux.
Cas plus classique et malheureusement banal : le gendarme de réserve cite aussi cet autre chef d’entreprise lyonnais qui, récemment, s’est fait dérober dans son hôtel deux ordinateurs portables bourrés d’informations sur son entreprise…
Si en matière de sécurité, les grandes entreprises sont le plus souvent dotées de services spécialisées, la situation est beaucoup plus hétérogènes dans les PME, fussent-elles sensibles. « Près de la moitié des entreprises innovantes qui ont des informations sensibles ne sont pas protégées », affirme Hervé Mariaux. Pire : « dans les deux tiers des poubelles des PME on trouve des documents à caractère confidentiel », ajoute-t-il. Pour lui, aucun doute, « La sécurité devrait être une composante essentielle de l’entreprise, mais encore trop souvent, ce n’est pas le cas. »
Dans ce domaine qui peut être vital, la prise de conscience est lente mais tend cependant à se développer. Ainsi, le 8 septembre dernier, la CGPME du Rhône a signé une convention avec la gendarmerie, dans le but de former les PME à l’intelligence économique et à leur apprendre à se défendre contre des risques d’intrusion de plus en plus sophistiqués.
Cela se sait peu, mais cette arme recèle un service spécialisé capable de dresser la carte de risque des entreprises, permettant ensuite au dirigeant de prendre les mesures adhoc.
Pour Hervé Mariaux, « il faut bannir la naïveté en évitant la paranoïa. » Mais d’ajouter aussitôt, « vigilance ne signifie pas paranoïa… »