L’Ardi, l’Agence chargée de l’innovation en Rhône-Alpes confrontée à une baisse brutale de ses ressources
Paradoxe : à l’heure où l’on prend conscience que l’innovation est avec l’investissement et l’international la clé du développement de notre pays, l’Agence rhônalpine dont c’est le rôle voit son budget plonger…de 28 %. Elle est obligée de supprimer vingt emplois, trois agences départementales et de déménager. Une bonne chose malgré tout ? Possible, mais à certaines conditions. Explications.
Nécessité fait loi, dit l’adage. Et si les turbulences que connaît actuellement l’Ardi qui se retrouve face à une baisse drastique de son budget constituait l’occasion de faire mieux en Rhône-Alpes, avec moins de moyens ?
La pilule est sévère pour cette Agence régionale du Développement et de l’Innovation, créée en 2008 via le regroupement des différentes structures qui maillaient de manière plutôt incohérente, il faut bien le dire, le territoire régional.
L’Etat qui abondait son budget vient de couper les crédits. Une conséquence du rapport de la Cour des Comptes qui en juillet dernier stigmatisait les dérives du millier d’Agence de l’Etat créées sans jamais qu’une seule ne soit supprimée ?
Même pas, car l’Ardi créée conjointement par le Conseil régional Rhône-Alpes et l’Etat n’est justement pas une Agence de l’Etat, mais une association de la loi de 1901.
Le budget passe de 5 à 3,6 millions
Bilan, selon directeur, Jean Arcamone, son budget passe de 5 millions d’euros à 3,6 millions. Un recul de 28 % !
Une diminution brutale à laquelle l’Agence a bien dû s’adapter et cela, selon trois façons : en faisant passer ses effectifs de 60 à 40 personnes. « Nous avons dû nous séparer d’une vingtaine de chargés de mission qui pour la plupart ont retrouvé du travail, soit dans les entreprises, soit dans des organismes », explique le directeur général de l’Ardi.
Deuxième mesure : la fermeture des trois agences départementales qui maillaient le territoire. Situées à Grenoble, Saint-Etienne et Valence, elles faisaient travailler chacune quatre chargés de mission.
Seule une agence subsistera : celle du Bourget-du-Lac en Savoie, employant une dizaine de personnes. « Nous l’avons conservée pour deux raisons, explique le directeur de l’Ardi-. D’une part parce que nous étions en train de devenir propriétaires des locaux et enfin, parce que cette Agence constitue une bonne base pour développer les activités de l’Ardi en Savoie, en Haute-Savoie et dans le bassin genevois. En revanche, Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, facilement accessibles au départ de Lyon pourront être traitées du siège », précise-t-il.
Le siège va déménager dans le quartier Confluence
Touché également par ce plan d’économie, ledit siège, actuellement installé rue Garibaldi va lui aussi déménager dans de nouveaux locaux appartenant à la CCI régionale et situés dans le nouvel immeuble « Empreinte » du quartier de la Confluence. Elle se retrouvera à proximité d’Erai, le bras armé de la Région à l’international qui elle, aussi va déménager. La superficie du nouveau siège de l’Ardi sera adaptée aux nouveaux effectifs : elle passera de 700 à 500 m2.
Cette forte baisse de son budget va-t-elle entraver le travail de l’Ardi à l’heure où le développement de l’innovation est plus que jamais le vecteur indispensable du développement des entreprises ?
Et de surcroît, à l’heure où l’Agence de l’innovation se retrouve en charge d’une tâche supplémentaire : celle de piloter dans le cadre d’une Assistance à Maîtrise d’Ouvrage, la nouvelle stratégie régionale de l’innovation qui a défini en Rhône-Alpes sept secteurs prioritaires « de spécialisation intelligente » ?
En fait, cette nouvelle responsabilité pourrait bien permettre à l’Ardi de rebondir efficacement. L’idée est par cette nouvelle géographie, de permettre à toutes les structures chargées de l’innovation dans la région (la CCI régionale, les clusters, les pôles de compétitivité) de travailler ensemble.
L’Ardi joue désormais au centre du jeu
Jean Arcamone, le directeur de l’Ardi, décrit le nouvel enjeu : « Le fil rouge de notre action est celui-ci : l’Ardi est désormais au centre des axes importants de l’innovation en Rhône-Alpes. Nous allons avoir pour tâche de mettre en ouvre le plan d’action de la nouvelle stratégie régionale,, de faire émerger des projets et pour ce faire, d’animer les groupes de travail au sein desquels on trouvera les pôles de compétitivité, Erai, la CCI régionale, le tout en liaison avec la Banque Publique d’Investissement (BPI). »
Un think tank rassemblant entreprises et acteurs va de surcroît être lancé le 21 octobre. Son rôle sera de mener des réflexions autour de la nouvelle stratégie d’innovation de Rhône-Alpes.
Au total, cette crise financière que connaît l’Ardi pourrait enfin permettre à tous les acteurs d’œuvrer ensemble. Ce qui serait une petite révolution.
Reste la question financière, cruciale. Cette stratégie régionale d’innovation doit être financée par les fonds Feder de l’Europe, que Rhône-Alpes, à l’instar des autres régions va désormais percevoir, sans qu’ils passent par Bercy. Cela devrait représenter environ 350 millions d’euros sur sept ans. Si l’on ajoute les fonds de l’Etat français, on arrive au chiffre d’un milliard d’euros : très insuffisant, si l’on veut irriguer les sept domaines de spécialisation choisis en Rhône-Alpes : de la santé, aux procédés industriels, en passant par les technologie numériques.
Aller chercher à Bruxelles les fonds européen d’Horizon 2020
Il va donc falloir, avec l’aide de l’Ardi, plutôt bien positionnée à Bruxelles, apprendre à aller chercher les fonds européens de la recherche : 70 milliards d’euros votés dans le cadre du programme Horizon 2020. Or, jusqu’à présent, contrairement à nos voisins allemands, la France en général et Rhône-Alpes en particulier sont très mauvais en la matière.
L’Ardi pourrait donc sortir par le haut de cette crise financière, mais à deux conditions : que les acteurs de l’innovation rhônalpine travaillent enfin ensemble et que collectivement, ils sachent mener une vraie politique européenne, financements, en centaines de millions d’euros, à la clef.
Ancien cadre du privé, Jean Arcamone, le directeur de l’Ardi a du pain sur la planche !