Le contrat Rhônexpress résilié : et maintenant ?
A trois semaines du premier tour des élections municipales, David Kimelfleld, l’actuel président de la Métropole a marqué un point face à Gérard Collomb.
S’appuyant notamment sur l’avis de la Chambre régionale des Comptes (*), il a obtenu la résiliation qu’il demandait par le Sytral, l’organisateur des transports de la Métropole lyonnaise, du contrat liant la collectivité à Rhônexpress, qui propose la liaison la Part-Dieu/Lyon Saint Exupéry ». Et ce, à une voix près ! Précisément par 12 voix, 5 abstentions et 6 voix contre.
D’où, cri de victoire sitôt cette décision annoncée, par David Kimelfeld qui a lancé aussitôt : « Nous allons très vite travailler sur une baisse des tarifs, supérieure à celle acceptée par Rhônexpress et sur une meilleure offre de service sur l’Est Lyonnais. »
La Métropole de Lyon souhaite en effet proposer dans les prochains mois un aller-retour pour une douzaine d’euros. Soit moins cher qu’un seul ticket aller aujourd’hui, puisque Rhônexpress facture 16,30 euros.
Et d’assurer que cette résiliation « n’entraînera aucune interruption de service. »
Bien évidemment, les autres candidats aux municipales n’ont pas manqué aussi de réagir et de décocher quelques flèches. Pas toujours dans le même sens…
Gérard Collomb qui s’est abstenu s’est ainsi offusqué de son côté de « cette précipitation à trois semaines d’une élection a évidemment peu à voir avec les intérêts des usagers de la Métropole et particulièrement de l’Est Lyonnais. »
Et d’ajouter que « David Kimelfeld, fait peser un risque grave sur le Syndicat Mixte qui devra assumer le versement d’une indemnité de 32 millions d’euros et peut-être même de 120 millions d’euros ».
« Une opération politique »
Pour François Noël Buffet, candidat LR à la Métropole, favorable à la résiliation, il n’y avait pas urgence à prendre ce type de décision . Pour lui, « tout le monde comprend qu’il s’agit d’une opération politique ».
De son côté, Bruno Bernard, le candidat des Verts à la Métropole a applaudi, lui, des deux mains : « Enfin, les habitants de l’est lyonnais vont pouvoir avoir une meilleure fréquence et un service de meilleure qualité sur le tramway T3 ! »
Que faut-il en penser, que va-t-il se passer ?
« Pour l’instant cela ne va rien changer car il a un préavis de huit mois », a rappelé la présidente du Sytral, Fouziya Bouzerda, une proche de Gérard Collomb qui a voté contre cette résiliation.
Une fois ces huit mois passés, le contrat qui liait le Sytral à Vinci jusqu’en 2038, sera donc résilié et le Sytral aura à sa charge la desserte de l’aéroport de Lyon-Saint Exupéry, lequel connaît une croissance de son trafic 6 à 7 % l’an, il faut aussi le prendre en compte.
Le Sytral devra payer les 32 millions euros d’indemnité de résiliation. Incontournables : ils sont dans le contrat.
Quid des mensualités d’emprunt ?
C’est après que cela peut se corser
Le Sytral pourrait devoir rembourser éventuellement les mensualités d’emprunt estimées à 120 millions d’euros pour les 19 années à venir.
Jusqu’à présent, c’était à la charge de la Métropole, mais cette convention tombe du fait de la résiliation : seul le nouveau conseil métropolitain, constitué après les élections pourra revoter ou non cette convention.
C’est donc vrai qu’il existe un risque financier, sans doute gérable néanmoins au plan politique.
Un risque financier que réfute énergiquement David Kimelfeld. « Ce qu’on oublie de dire, est que cette décision va faire gagner de l’argent au Sytral », répond-il.
Et d’ajouter : « Selon le scénario le plus pessimiste, à savoir que l’activité de l’aéroport s’effondre littéralement, on gagnerait toutefois 4 millions d’euros à l’horizon 2038, déduction faite des 32 millions d’indemnités de résiliation. Dans le meilleur des cas, on économiserait 50 millions d’euros. »
« Ce ne sont pas des chiffres sortis de ma manche, mais ceux présentés par les experts », conclut-il.
Vis à vis de l’opinion, David Kimelfeld devrait sortir vainqueur de ce bras de fer autour de Rhônexpress ; mais il va falloir attendre les prochains sondages pour s’en assurer…
Depuis son ouverture, Rhônexpress a été constamment montré du doigt pour son prix très élevé. Représentant même parfois à lui seul le prix d’un billet d’avion low-cost au départ de l’aéroport…
Et ce qui a le plus scandalisé pendant toutes ces années est que toutes les tentatives entreprises pour contourner Rhônexpress se sont terminées pour leurs auteurs par un dépôt de bilan ; le contrat, effectivement léonin, stipulant que Rhônexpress ne pouvait avoir de concurrent jusqu’en 2038. Pas très libéral, économiquement…
(*) Dans son avis du 5 juillet 2019, la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne-Rhône-Alpes avait livré des conclusions sans équivoques sur Rhônexpress : « La concession est dès son origine structurellement déséquilibrée, avec une durée excessive par rapport à l’engagement financier et la prise de risque, très faible, du concessionnaire » .
Elle précisait également : « les installations ne sont pas à la charge du concessionnaire, qui n’en assure pas le financement in fine. Le concessionnaire ne prend donc en charge que la simple exploitation et le gros entretien, sur la base des recettes de billetterie. Le risque du délégataire est donc faible et ne concerne aucunement l’investissement ». « La question de la correspondance entre la durée de la concession et celle de l’amortissement de l’équilibre réalisé par le concessionnaire ne se pose donc pas ».
Pour la CRC : « Les conditions conventionnelles de remise en cause de la concession sont susceptibles d’être actionnées. L’impératif d’intérêt général pourrait permettre de mettre un terme à la concession selon l’évaluation de la rentabilité ».