Le petit Poucet Decitre veut tenir tête aux géants Google et Amazon

« Lorsque je suis rentré en France après dix années passées dans la Silicon valley , j’ai reçu un message d’Amazon m’expliquant qu’étant revenu en France, je perdais tous mes droits sur les livres que j’avais emmagasiné sur ma tablette. J’ai trouvé ça scandaleux et je me suis dis qu’il fallait faire quelque chose !»

 C’est ainsi que Guillaume Decitre créa « TEA, the ebook alternative » qui plus de six mois après son lancement apparaît déjà comme un succès.

 Guillaume Decitre est le Pdg des librairies éponymes au nombre de neuf dans la région Rhône-Alpes : la dernière en date s’est posée au sein du nouveau centre commercial de la Confluence à Lyon. Cela se sait moins, mais Decitre c’est aussi un vrai succès Internet : le groupe lyonnais est devenu le troisième e.commerçant de livres sur la Toile, assez loin derrière, il est vrai, Amazon et la Fnac. Il est en tout cas le premier libraire de France sur Internet.

 Ceci explique le chiffre d’affaires, imposant pour un libraire : 71 millions d’euros réalisés en 2011 par près de quatre-cents personnes, présentes dans les librairies, derrière des écrans ou dans les entrepôts logistiques.

 Ce très important développement de la vente de livres sur la Toile est l’œuvre de Guillaume Decitre : il s’y est attelé depuis qu’il a pris la direction du groupe familial.

 Il avait donc toutes les facultés pour développer ce nouvel outil qu’est TEA. De quoi s’agit-il précisément ? Il s’agit de l’anagramme de « The e.book alternative », lancé à l’initiative de Guillaume Decitre, en partenariat avec les enseignes Cultura, le site Rueducommerce et la société de services informatiques Smile.

« Lutter contre le modèle propriétaire »

 Il s’agit de la première plate-forme dite « open source » de distribution de livres numériques. Elle existe depuis six mois, désormais.

 « Open source », comme les logiciels. « Il faut lutter contre le modèle propriétaire, explique Guillaume Decitre. Dans l’univers en ligne, chacun doit pouvoir choisir son support de lecture, son libraire et conserver les droits de lecture qu’il a achetés et qui lui appartiennent », lance-t-il.

 Cette plate-forme s’est donnée trois objectifs : permettre aux éditeurs de diffuser leur catalogue numérique, faire des libraires de vrais acteurs du numérique et de toucher des royalties sur chaque livre et permettre enfin aux lecteurs d’avoir en permanence avec eux leur bibliothèque numérique, quel que soit le support (tablette, liseuse, ordinateur, téléphone intelligent) qu’ils utilisent.

 TEA a déjà signé en France avec les groupes La Martinière, Flammarion, Gallimard et Editis pour accéder à leur catalogue de livres numériques. Des éditeurs étrangers ont décidé de suivre.

 TEA se veut une vraie alternative aux modèles propriétaires tels que les développent Amazon ou Google. Il s’accompagne donc d’un « Manifeste du lecteur de livres numériques », où il est affirmé que chacun doit pouvoir  » lire, manipuler et commenter les livres numériques où il veut, quand il veut et comme il veut, indépendamment du distributeur et du matériel de lecture ».

 Parmi les droits du lecteur numérique figurant dans ce manifeste : « choisir et garantir la pérennité de sa bibliothèque numérique, choisir sa librairie ».

 L’ambition de ses promoteurs était de s’ouvrir à d’autres librairies indépendantes ou enseignes culturelles. A ce jour, se félicite Guillaume Decitre, soixante d’entre elles ont déjà rejoint TEA.

TEA commence à s’exporter à l’international

 Le modèle est même en train de s’exporter à l’international, à commencer par l’Espagne et le Portugal, avec l’ambition de s ‘étendre au reste de l’Europe.

 Autre innovation du plus grand libraire de Lyon : le lancement, en parallèle, en début d’année 2012, d' »Entrée livre » qui se veut le premier site communautaire de recommandations de lectures. Gratuit, ce site permet aux internautes de partager leurs goûts. Un véritable Facebook pour lecteurs.

 Pour Guillaume Decitre, le numérique ne cannibalise pas ses librairies en dur, confortant le modèle surnommé « click and mortar », l’alliance du ciment et du Web. Aucun doute, pour lui « la librairie de demain n’est pas morte, mais elle doit trouver les bons sentiers du numérique : nous essayons de mettre en place un modèle durable ».

 Photo (DR)-Guillaume Decitre.