Bernard Devert : « Le silence des sans-abri ne signerait-il pas leur désespoir »
« Nous quittons progressivement le confinement dans une volonté plutôt partagée de bâtir des relations plus justes. Le temps de la crise sanitaire a imposé une distanciation pour se protéger et protéger les autres. Vient désormais l’heure de faire tomber des barrières sociales pour que les plus vulnérables s’en sortent.
Le confinement a donné à voir une fracture à laquelle nous nous sommes tragiquement habitués mais elle est apparue enfin pour ce qu’elle était, un drame. Des hommes, des femmes et des enfants ne disposant pas de logements n’ont pas toujours pu bénéficier de cette protection à minima qu’est le toit pour se protéger du Covid.
Les sans-abri lisaient et entendaient comme chacun l’appel impérieux : restez chez vous. Ils n’avaient pas de chez eux. Quelle iniquité !
L’activité économique à l’arrêt, les hôtels sont devenus déserts. Les Pouvoirs Publics, les Fondations, les entreprises et bien des particuliers se sont mobilisés pour offrir aux sans-abri une hospitalité.
Nous vîmes des mamans isolées avec de jeunes enfants et des femmes enceintes rejoindre ces hôtels leur évitant le naufrage. Des couples ont hésité à quitter leur squat de peur, à la sortie du déconfinement, de retrouver la rue. Ils étaient au bout du bout du désespoir pensant que le jour d’après ne leur apporterait rien de plus.
Des crédits considérables sont annoncés aux fins d’atténuer les effets d’une crise sanitaire annonciatrice d’une crise économique et sociale. Les sans-abri resteront-ils les premiers oubliés pour être les derniers de notre société !
La misère que les SDF subissent ne peut pas être invisible ou alors c’est que vraiment la Société a décidé de ne pas les voir pour ne pas être dérangée.
Le maître-mot qui doit guider notre réflexion et notre action est de protéger la vie. Comment mieux le faire que de donner un toit à ceux qui ne l’ont pas, ou plus.
Les soignants se sont battus avec grande énergie contre cet ennemi invisible et brutal pour que le virus épargne le plus de vies possible. Le temps du confinement restera dans les mémoires et les cœurs celui du soin et du prendre-soin. Jamais jusque-là les soignants n’avaient été applaudis ; non pas une fois, mais chaque soir à 20h, depuis 8 semaines.
Reconnus comme des héros – ils le sont – médecins, infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de vie, donnent une prescription pour ce temps de l’après : le prendre-soin est la condition d’une terre habitable pour tous. Le care, espéré depuis 20 ans, s’est esquissé comme un possible, l’indifférence apparaissant pour ce qu’elle est, un mal qu’il faut extirper.
Avant que ne survienne le tsunami sanitaire, la sagesse apparaissait d’un autre temps quand elle n’était point moquée. Il a fallu 60 jours de grand danger pour entrevoir combien elle était nécessaire pour que la terre soit vivable pour tous.
Laissons à ce sage que fut Gandhi, le soin de nous rappeler qu’il nous faut être le changement que nous voulons voir dans le monde.
Nous vous donnons l’assurance que les mamans, leurs enfants et les femmes enceintes que nous avons accueillis dans les hôtels ne seront pas rejetés à la rue. »