Olympique Lyonnais : les chiffres imposent à Jean-Michel Aulas une cure d’humilité
L’humilité n’est pas une des qualités les plus évidentes de Jean-Michel Aulas, le président de l’OL. Pourtant, en ce début de saison, c’est la vertu qu’il a tenu à mettre en avant. Alignant lors de la saison dernière le plus gros déficit de la Ligue 1, avec un chiffre d’affaires 2010/2011 en recul de 3,6 %, le club doit, comme le gouvernement se mettre à la rigueur. Plus de rachats exorbitants de joueurs, mais place désormais aux jeunes du centre de formation, tandis que les finances du Club sont passées à la paille de fer. Il s’agit de s’adapter à la nouvelle donne économique avec un déficit annoncé cette saison encore. En tout cas, en cette entame de saison ce changement de cap semble marcher : l’OL se qualifie face à Rubin Kazan pour la phase de poule de la Champion’s Ligue, soit un potentiel de 20 millions d’euros de retombées financières.
« Le modèle économique du foot business est au bord du gouffre ». Cette affirmation n’émane pas d’un quotidien à scandale, mais d’un think tank économique français réputé pour son sérieux : Terra Nova.
Il est vrai que les mauvaises nouvelles se multiplient : joueurs espagnols en grève pour recouvrer des salaires impayés, endettement record de clubs comme tels que Manchester United ou Chelsea (800 millions d’euros). Même les bons élèves allemands de la Bundes Liga commencent à connaître des pertes, c’est dire !
C’est dans ce cadre fragilisé que Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais a effectué une rentrée footballistique en opérant un virage à 180 degrés. Pas de déclaration tonitruante, ni d’objectifs trop ambitieux, mais la mise en avant d’une qualité rarement observée dans le passé par le président lyonnais : l’humilité. Une vertu revendiquée cette année associée au respect des supporteurs et de la presse. Un langage totalement nouveau : « Nous serons plus humbles et ne visons pas le titre, mais une qualification en Ligue des Champions…Il y aura plus d’entraînements ouverts au public et plus de contacts avec les supporters et la presse après les matchs », a affirmé le président de l’OL.
Un changement de ton qui illustre la dureté des enjeux auxquels est confronté l’OL cette saison.
Si Claude Puel, l’entraîneur avec lequel une séparation probablement onéreuse (cela se jouera aux Prudh’ommes) est en cours, laisse la place à Rémi Garde, l’effectif footballistique n’a guère changé.
Les seules opération menée par l’OL dans le cadre du Mercato estival, concernent les achats pour la modique somme de 2 millions d’euros du burkinabé Bakary Koné pour un contrat de cinq ans, puis de Gueida Fofana, le capitaine des Bleuets, en provenance du Havre pour 1,8 million d’euros. On est loin du transfert de l’été 2010 lorsque l’OL faisait venir Yoann Gourcuff pour 22 millions d’euros, ce qui constituait alors la plus forte somme jamais payée par un club français pour s’offrir un footballeur !
La balance entre achats et transferts sera pour le moins positive pour le Club : après Jérémy Toulalan, en juin pour 10 million d’euros, ce fut au tour du Bosniaque Miralem Pjanic, à être cédé à l’ultime limite du mercato d’été, à l’AS Roma pour 11 millions d’euros.
Entre-temps, les chiffres se sont révélés cruels avec l’affichage du plus important déficit de la Ligue 1 lors de la saison 2009-2010.
Les chiffres de l’exercice 2010/2011 d’OL Groupe qui ne sont guère meilleurs, expliquent cette prudence. Le chiffre d’affaires s’est établi en repli de 3,6 % à 154,5 millions d’euros. Et ce malgré une hausse des produits de cession de joueurs qui se redressent à 21,7 millions d’euros contre 14,1 millions d’euros lors de l’exercice précédent.
La plus grosse baisse d’activité (- 23,4 %) concerne la billetterie qui affiche un chiffre d’affaires de 19 millions d’euros. Un recul qui s’explique, selon l’OL, par le fait que l’exercice précédent avait bénéficié des recettes liées au tour préliminaire et aux 1/4 et 1/2 finales de la Champion’s League. Pour la même raison, les droits TV (69,6 millions d’euros) et la vente de produits de marque (24,7 millions d’euros) sont aussi en baisse respective de -11,2 % et – 12,4 %.
Seules les recettes issues des partenariats et de la publicité augmentent de 32,7 %, à 19,5 %, grâce notamment à l’arrivée de nouveaux sponsors comme Adidas, Groupama, Betclic et autres. Pas d’optimisme démesuré, OL Groupe annonce que les résultats de l’exercice 2010/2011 « devraient faire apparaître un déficit légèrement inférieur à celui de l’exercice précédent » qui était de – 35,6 millions d’euros.
Cette nouvelle ligne va perdurer : « le conseil d’administration d’OL Group a engagé un nombre important d’actions qui visent à réduire significativement la masse salariale du groupe sur deux ans », précise la direction du Club
Reste qu’une forte présence en Ligue de Champion va aider à redresser les comptes. Pour l’heure, avec la victoire au match aller et un résultat nul au retour contre Rubin Kazan, la première étape est bien enclenchée : l’OL est admis aux phases de poule de la prestigieuse et lucrative compétition européenne.
L’impact financier des résultats sportifs de l’OL en Coupe d’Europe lors de la saison précédente 2010/2011 menant le club lyonnais en Huitièmes de finale (contre la demi finale lors de la saison précédente), a tout de même rapporté près de 13 millions d’euros. Le potentiel de la Champion’s Ligue estimé cette année par le Club pourrait grimper jusqu’à 20 millions d’euros. Mais il faudra compter avec la glorieuse incertitude du sport…
Reste qu’à l’heure actuelle, tout cela ne fait pas l’affaire des actionnaires d’OL Groupe. Rappelons que l’OL est le seul Club de Ligue 1 à être coté en Bourse. Avec une valorisation divisée par cinq depuis l’introduction en 2007, les investisseurs d’alors ont perdu pour le moins quelques plumes et beaucoup d’illusions.
Cotant la semaine dernière 5 euros, le titre affiche une décote de 80 % depuis son introduction et de 12 % depuis le début de l’année. Et vu les perspectives, il ne faut guère s’attendre à un redressement prochain. Hormis un joli parcours en Ligue des Champions qui pourrait aider à remuscler (un peu) le titre.
En fait, l’objectif de Jean-Michel Aulas est de mettre le Club à la diète, tout en espérant que cela influera le moins possible sur les résultats sportifs ; et ce, en attendant la livraison du futur stade des Lumières qui devrait redonner alors à l’OL des marges de manœuvres financières. Bref, il lui faut tenir jusqu’au deuxième trimestre 2014, date prévue de l’inauguration, si tout se passe bien. Un premier pas a en tout cas été franchi cet été avec le choix de Vinci, comme constructeur du futur Grand Stade…
Illustration : Jean-Michel Aulas, le président de l’OL et le cours de Bourse d’OL Groupe qui a chuté de 80 % depuis l’arrivée sur la cote en 2007.