Tekka : introduite en Bourse en février 2011, en redressement judiciaire en mai 2012…
A la surprise générale, la société lyonnaise Tekka, une PME météore qui en l’espace de quelques années était devenue le n°2 des implants médicaux et le n°1 des produits destinés à être utilisés par les chirurgiens-dentistes, a été mise en redressement judiciaire le 10 mai dernier. Et ce, alors qu’elle avait été introduite en Bourse en février 2011. Elle a été victime d’une croissance trop rapide selon son Pdg, Thierry Rota. Une dizaine de repreneurs sont en lice…
Voilà qui n’est pas susceptible de redorer le blason de la Bourse. En février 2011, une société lyonnaise, Tekka, s’introduisait sur le compartiment des valeurs de croissance : Alternext.
Une arrivée d’autant plus remarquée qu’il s’agissait de la première introduction en Bourse dans la région Rhône-Alpes, depuis la crise de 2008.
L’accueil des investisseurs avait été plutôt positif, sans être totalement enthousiaste : espérant récolter de 15 à 17 millions d’euros, la société ne réussissait à lever que 11 millions. Une demi-réussite qui avait été alors attribuée au fait qu’elle avait été la première entreprise à oser revenir sur la cote.
Or, on apprend avec retard que la société a été mise en redressement judiciaire le 10 mai dernier, la nouvelle étant rendue publique via un communiqué de l’entreprise publié le 23 mai. Le Tribunal de Commerce de Lyon a octroyé à l’entreprise une période d’observation de six mois.
Comment expliquer ce dérapage non contrôlé, alors que Tekka connaissait depuis une dizaine d’années une croissance de près de 55 % par an, en moyenne ?
En fait, cette entreprise, bien installée dans le secteur de la santé dentaire a voulu répondre le plus rapidement à un marché qui caracole au rythme de 10 % l’an : il est estimé au niveau mondial à 1,5 milliard d’euros.
Grâce à ce rythme, l’entreprise avait réussi à se hisser parmi les leaders de son secteur : elle était devenue le n°2 des implants médicaux en France et le n°1 des produits destinés à être utilisés par les chirurgiens-dentistes.
La croissance rapide du chiffre d’affaires s’était traduite par un rythme similaire des effectifs : l’entreprise emploie actuellement 94 salariés en France et 140 avec l’international. Elle avait réalisé 12,2 millions d’euros de chiffre d’affaires au cours de l’exercice 2009/2010, puis 18,8 millions d’euros cette année, ce qui lui permettait d’afficher encore pour cet exercice une croissance à deux chiffres : + 25 %.
C’est cette croissance TGV qui est la cause des déboires de Tekka, selon son Pdg, Thierry Rota : « Nous avions déjà consommé la totalité de l’argent levé lors de l’introduction en Bourse. Et lorsque nous nous sommes tournés vers les banques, aucune n’a voulu nous accompagner. »
« Il est vrai-précise le Pdg de Tekka-qu’il s’agissait d’assurer le financement de notre développement en Espagne, en Italie et au Maroc, des pays actuellement fragilisés. » Il a également frappé à la porte du FSI (Fonds Stratégique d’Investissement) : « Là aussi, la réponse a été négative », regrette Thierry Rota.
Cet étranglement financier qui l’a amené à se tourner vers le Tribunal de Commerce est d’autant plus regrettable que selon Thierry Rota « l’entreprise qui avait jusqu’alors volontairement privilégié la croissance à la rentabilité immédiate, s’apprêtait à connaître un Ebitda (*) positif entre juillet et septembre. » « Il nous a manqué six mois de trésorerie ! », soupire-t-il.
L’entreprise aurait donc réussi la soudure de trésorerie si elle avait pu lever en Bourse les 15 à 17 millions d’euros escomptés.
Pour le Tribunal de Commerce, la seule solution réside dans une cession de l’entreprise. Un appel à candidatures a été lancé : dernier délai pour les offres de reprise : le 7 juin.
Les juges consulaires statueront sur le choix du repreneur, lors d’une audience progammée le 19 juin.
Selon Thierry Rota, une dizaine de repreneurs auraient déjà manifesté leur intérêt. « Ils sont tous déjà dans le métier », selon le Pdg.
Reste à savoir à quelles conditions ? La première inquiétude concerne les 140 salariés de l’entreprise. Quant au sort du Pdg ? « Ce n’est pas ce qui m’importe actuellement : je veux d’abord que la pérennité de l’entreprise soit assurée. Il faut trouver un repreneur qui garantisse le maintien d’un maximum d’emplois. On verra ensuite s’il conserve l’équipe dirigeante et son Pdg », rétorqueThierry Rota.
Pour lui, ce qui lui arrive pourrait bien être emblématique d’une situation susceptible de concerner beaucoup de sociétés de croissance. «Nos investisseurs nous poussent à faire de la croissance et lorsque nous nous tournons auprès d’eux pour obtenir des relais de croissance, nous ne trouvons plus personne. ! Je crains que beaucoup d’entreprises comme la nôtre connaissent dans les deux années qui viennent les mêmes difficultés ! »
En attendant la décision du tribunal de commerce, le cours de Bourse de Tekka est suspendu. Il ne cotait plus que 2 euros à l’heure de la suspension, soit un recul de près de 80 % par rapport à son cours d’introduction…
Photo : Thierry Rota, Pdg de Tekka,heureux, lors de l’introduction en Bourse.
(*) Ebitda (résultat opérationnel avant dépréciation et amortissement) est (presque) l’équivalent du résultat d’exploitation.