La directive Européenne sur la protection du « Secret des affaires »
Le Parlement européen a adopté la directive assurant le secret des affaires à 503 voix pour, 131 voix contre et 18 abstentions. Ce texte devra être transposé dans la législation des pays membres dans les deux années à venir.
Instaurer un cadre européen de protection des entreprises
Cette directive vise à instaurer un cadre juridique européen harmonisé protégeant les entreprises du vol ou de la divulgation illicite de leurs données relevant du secret des affaires, c’est-à-dire à protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel. L’exemple le plus spectaculaire date de 2005 : en plein rallye du Japon, un individu profite d’un passage de relais entre deux rondes de vigiles pour s’introduire dans un hangar et dérobe ainsi le pneu « magique » qui a contribué au succès de Citroën en championnat du monde. De ce fait, le fabricant du pneu, à savoir l’entreprise Michelin, s’attache à revoir complètement sa gestion du secret.
Ce texte prévoit qu’en cas de vol ou d’utilisation illégale d’informations confidentielles (innovations technologiques, mais aussi données économiques ou tout autre document), les victimes pourront demander réparation devant les tribunaux européens. Les recours juridiques des victimes devraient être facilités.
« Les Etats membres veillent à ce que les détenteurs de secrets d’affaires aient le droit de demander les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive afin d’empêcher l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites d’un secret d’affaires ou d’obtenir réparation pour un tel fait. »
Cette directive prévoit également des règles sur la protection des informations confidentielles pendant l’instance judiciaire. En effet, la révélation de l’information confidentielle au cours des débats pourrait être nuisible à son propriétaire. Sa communication pourra être suspendue par décision judiciaire.
La notion de « secret d’affaires »
Elle définit par ailleurs la notion de « secret d’affaires » : des informations secrètes, ayant une valeur commerciale en raison de leur caractère secret et ayant été soumises à des mesures raisonnables pour être gardées secrètes.
De telles mesures peuvent se concrétiser par une protection de quelque nature qu’elle soit, à savoir intellectuelle, évidemment, mais ne serait-ce qu’une protection par mot de passe comme nous pouvons l’imaginer. Une divulgation « licite » d’un secret d’affaires, au contraire, pourrait être celle intervenue par une découverte indépendante ou par une étude ou à un démontage d’un produit obtenu légalement.
Nos amis journalistes vont s’émouvoir de cette protection renforcée de données naturellement non protégées. Cependant, les libertés d’expression et d’information devraient être préservées et ces nouvelles règles ne devraient pas entraver le travail de la presse, en particulier en ce qui concerne leurs enquêtes et la protection de leurs sources.
Ce texte protège également les lanceurs d’alerte si un secret d’affaires a été obtenu, utilisé ou dévoilé aux fins de révéler une faute, une malversation ou une activité illégale, à condition que le défendeur ait agi pour protéger l’intérêt public général. Il pourrait s’agir, par exemple, de cas d’atteinte à la sécurité publique, la protection des consommateurs, des mineurs, la santé publique, … etc.
Cette directive n’affecterait pas non plus le droit des représentants du personnel dans l’exercice de leur fonction, lorsque le secret d’affaires a été dévoilé par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l’exercice légitime de leurs fonctions, à condition qu’une telle révélation s’avère nécessaire pour cet exercice.
Enfin, ces nouvelles dispositions ne créent pas d’obstacles injustifiés à la mobilité des travailleurs, épouvantail européen de bon aloi. Elles ne limiteront pas le recours à l’expérience et aux compétences des employés acquises de manière honnête au cours de leur carrière. Aucune restriction supplémentaire dans les contrats de travail des salariés ne sera imposée.
Bien sûr, nous sommes curieux de lire le texte « transposé » en droit français et de vérifier si les dispositions bienveillantes du Parlement Européen trouveront un écho dans notre institution nationale.
Sophie BERLIOZ, +33 612 19 14 32
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Consultante Juridique – Enjeux & Solutions