Sur fond de rapport édifiant, le sauvetage de Kem One pourrait demander deux mois de plus
Trois repreneurs dont deux fonds d’investissement et la CGT ont fait valoir leur intérêt pour la reprise de Kem One, mais pas de chimiste. Le Tribunal statuera jeudi 26 septembre : il est probable qu’en l’état le Tribunal demandera une prolongation de deux mois. Des candidatures qui tombent au moment de la divulgation du rapport d’un expert qui pointe du doigt dans cette déconfiture la responsabilité à la fois de l’ex-maison-mère, Arkema et de Guy Klesch, le repreneur qui s’est empressé de se dessaisir de son ancienne acquisition, tout en gardant les parties rentables.
Me Bruno Sapin, l’administrateur judiciaire lyonnais, a reçu trois offres pour la reprise du groupe Kem One, l’ex-pôle vinylique d’Arkema dont une partie est en redressement judiciaire, avec 1 300 emplois (*) concernés dans le Sud-Est dont la plus grosse part dans l’agglomération lyonnaise.
Une centaine de suppressions d’emplois ?
Aucun industriel chimiste ne s’est mis sur les rangs. Les offres ont été déposées respectivement par deux fonds américains, Sun Capital via sa branche Sun European Partners et Open Gate Capital, ainsi que la CGT, premier syndicat du personnel. Ce dernier propose la création d’un consortium d’actionnaires avec minorité de blocage pour l’Etat. La BPI (Banque Publique d’Investissement) serait sollicitée.
Ces offres seront présentées au Tribunal de Commerce de Lyon lors de l’audience prévue le 26 septembre. Laquelle des trois sera acceptée par le Tribunal de Commerce ? A moins qu’il ne rejette toutes les offres, ce qui n’est pas pour l’heure l’hypothèse la plus probable.
Ces trois offres portent sur le périmètre global du groupe Kem One et deux d’entre elles, celles des deux fonds US, prévoient des efforts de productivité de Kem One SAS qui pourraient se traduire par la suppression d’une centaine d’emplois. Autre difficulté que devra prendre en compte le Tribunal : les offres de reprise déposées sont soumises à des conditions suspensives.
Des conditions suspensives lourdes de conséquences
En fait il est probable, de l’aveu même de l’actuelle direction de Kem One que, lors de l’audience du 26 septembre, le Tribunal de Commerce de Lyon prolonge la période d’observation de deux mois environ « pour permettre à ces candidats de lever les conditions suspensives de leurs offres, ainsi que la consultation des créanciers. »
Parmi ces conditions suspensives figurent les négociations avec les grands fournisseurs de Kem One pour réduire ses coûts d’approvisionnement en électricité, en gaz et en matière première, en l’occurrence l’éthylène.
Il n’y a cependant pas urgence, assure la direction actuelle de Kem One. Selon celle-ci, « le financement de cette prolongation est rendu possible grâce à un niveau d’activité supérieur aux prévisions et à un effort de tous les salariés pour assurer le maintien de cette activité. »
Cette même direction souligne qu’ « il reste néanmoins à finaliser ces projets dans des brefs délais. »
Cependant, les dirigeants actuels prennent le parti de l’optimisme : « La mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés par la reprise de Kem One a d’ores et déjà permis de proposer des solutions en vue d’assurer la pérennité de l’entreprise… »
Reste que dans le même temps, notre confrère le Monde réussissait à se procurer le rapport commandé par la Justice à l’expert Jean-Luc Moncorgé.
Un rapport dont ni l’ex-propriétaire de Kem One, le groupe Arkema, ni Guy Klesch qui n’a guère tardé à remettre en vente son acquisition, ne sortent blancs comme neige.
Arkema a fourni des prévisions trop optimistes
Ce rapport montre que certes en vendant Kem One, Arkema a effacé ses dettes et laissé 77 millions d’euros en caisse. Mais il admet que le groupe a présenté au repreneur des prévisions de redressement qui ne se sont pas concrétisées, donnant du poids à l’argumentaire de Guy Klesch.
Arkema misait en effet sur une amélioration de la conjoncture et sur un retour à la rentabilité.
« Cette hypothèse peut paraître optimiste, compte tenue de l’activité Amont, même au cours des mois ayant précédé la cession », écrit l’expert.
« Kem One n’avait pas à subir cette charge »
La façon dont Guy Klesch a pompé les liquidités de Kem One sitôt son arrivée est également pointée du doigt par l’expert. Le sulfureux homme d’affaires s’est fait rembourser les 7 millions d’euros qu’il avait engagé en vue de réaliser l’acquisition de Kem One par la société française elle-même. Sur le principe, « Kem One n’avait pas à subir cette charge », tranche le rapport.
De surcroît, Guy Klesch a facturé à sa nouvelle filiale des honoraires de management pour le moins élevés : 15 millions d’euros en rythme annuel. Les pièces communiquées n’ont pas permis de justifier ce niveau de facturation, note l’expert.
Aucune plainte n’est pour l’heure déposée. Mais cette épée de Damoclès pesant sur le tête de Guy Klesch pourrait être utile pour que ce dernier, déjà menacé par Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes, donne aussi au futur repreneur les activités rentables de Kem One dont il est resté propriétaire. Sans celles-ci, aucun des trois candidats ne prendra sans doute pas le risque d’acquérir le groupe à la barre du Tribunal.
On comprend dès lors toutes les raisons de ce probable délai de deux mois. Il va falloir à la fois convaincre la filière amont, mais aussi Guy Klesch, dur à cuire en affaires…
(*) Kem One SAS, la société concernée comprend les sites de l’activité amont en France : 1 300 personnes réparties sur le Siège Social (Lyon) et sept sites industriels : Balan (Ain), Saint-Fons (Rhône), Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence), Berre, Fos-sur-Mer et Lavéra (Bouches du Rhône), Vauvert (Gard).
Photo (DR)–Lors d’une manifestation des salariés de Kem One à Lyon.