« Télétravail et immobilier d’entreprise : opportunité ou malédiction ? »
Par Geoffrey Darjinoff, président et co-fondateur de Spart (Promoteur en immobilier d’entreprise, siège social à Bron) :
« Avec la covid-19, le pays a connu un cataclysme qui a précipité la mise au télétravail. Cet effet a été très positif puisque ceux qui n’y avaient pas encore droit l’attendaient avec impatience et ce phénomène s’est révélé une bonne alternative au « tout bureau ». Est-ce à dire que le « tout télétravail » va devenir la norme ? À mon sens, cela ne pourra pas fonctionner. On en voit déjà un signe dans la décision du Gouvernement d’autoriser les salariés qui le désirent à revenir sur le lieu de travail un jour par semaine. Mais qu’est-ce que cela implique aujourd’hui pour le secteur de l’immobilier d’entreprise ?
Investir dans l’immobilier sur les actifs : un potentiel toujours vivant et fortement plébiscité
En tant que professionnel, il est bon de nuancer une crainte, celle de penser qu’avec l’avènement du télétravail qui vide les bureaux, nous courons à la catastrophe. Bien au contraire, il me semble que ce que nous traversons en ce moment peut être un levier de développement pour le secteur. Car c’est un fait, l’engouement immobilier reste toujours aussi important, avec un appétit fort et plus particulier de la part des entrepreneurs.
Rappelons qu’en 2020, les créations d’entreprises ont augmenté de 4 % (Insee) par rapport à l’année précédente dans un contexte inégalé de crise sanitaire et économique.
Il y a nécessairement une voie de conséquence entre les individus qui ont l’envie d’entreprendre et la pression sur l’immobilier d’entreprise pour la location et l’acquisition, de petites et moyennes surfaces.
Loin de faiblir, les demandes restent toujours supérieurs aux offres. Pour les entrepreneurs, la période est propice, surtout qu’une baisse des prix d’acquisition semble très probable.
Ajoutons à cela des taux bancaires au plus bas qui favorise le développement de la demande. Par ailleurs, les incertitudes sur la retraite font de l’investissement immobilier, un choix encore et toujours ultra-attractif.
Les indépendants, PME, PMI et ceux qui n’ont pas été frappés par la crise ni par les interdictions d’activité restent mobilisées pour acheter et investir. Pourvus de plus petites équipes, ils peuvent adapter leur organisation de travail plus facilement et sont moins impacté par l’effet télétravail.
Finalement, le contexte présente plutôt un défi pour les grands groupes qui vont devoir se réorganiser et réaménager les surfaces laissées vacantes ; pour les investisseurs immobiliers, les indépendants et les PME, PMI, au contraire c’est une opportunité. Avec l’arrivée sur le marché de grandes surfaces disponibles, on peut supposer et espérer un ralentissement de la progression des prix de l’immobilier d’entreprise observée ces cinq dernières années.
Globalement, le marché de bureau a été ralenti. A Lyon par exemple, en 2020, on note un recul de 50 % en volume de m2 placés toutefois en nombre de transaction, le recul est moindre avec 30 % seulement (CECIM). Des chiffres qui sont encore à temporiser sachant que les ventes ont été bloquées du mois de mars jusqu’à avril. Toutefois les marchés logistiques et des locaux d’activités n’ont pas connu d’inflexion.
L’espace de travail post-covid, révélateur de la socialisation nécessaire du salarié.
Il y a une dizaine d’années, un mouvement de modernisation des bureaux a été amorcé. On a beaucoup évoqué la création d’espaces alternatifs dans les locaux de grandes entreprises qui se sont réorganisées en délaissant le modèle de “poste de travail”.
Aujourd’hui, cette réorganisation qui était en marche devrait s’accélérer. C’est une nécessité qui s’explique par deux facteurs. La première, les entreprises sont liées par baux fermes, elles ont donc l’utilisation de leurs surfaces et vont avoir la possibilité de les remodeler pour recréer des espaces plus adéquats.
La seconde, la diminution de l’usage des surfaces liées au télétravail va engendrer des changements : ce ne sera plus un collaborateur pour une dizaine de m2. Les espaces qui vont venir se créer vont certainement compenser en partie la baisse des surfaces en étant rationalisées différemment.
Le réaménagement des espaces de travail va devenir un argument de différenciation pour les entreprises. Celles qui recrutent, celles qui sont en mouvement sont déjà sur ces tendances-là. Le bureau de demain sera flexible, accueillant et ne sera plus un fauteuil, un bureau mais un environnement. Cet environnement sera sympa, éco-conçu, sain pour la santé des collaborateurs. Les bureaux seront flexibles en partie, il y aura des espaces de vie, collaboratifs, de détente, avec salle de réception, de repos, de sport, des cafétérias sympathiques.
Il y a encore un siècle, travailler était une obligation. Aujourd’hui, travailler est une chance, parce qu’à l’ère du covid-19 ceux qui n’ont pas de travail peuvent être bloqués chez eux. Le télétravail qui a été mis en place est une bonne chose, mais le Bureau reste un lieu de socialisation qui est encore largement apprécié. Repenser les espaces à l’aune des nouvelles contraintes sanitaires et des évolutions de mœurs c’est permettre aux salariés de se réapproprier leurs locaux.
À terme, je crois que le télétravail va être adapté au besoin du salarié. Ce postulat va se normaliser. Pour les employeurs qui voudraient avoir leurs salariés à disposition ou mobilisés au travail, ils n’auront d’autres choix que de présenter un outil de travail qui devra convaincre et séduire le salarié pour lui donner envie de venir et de rester. »
Par Geoffrey Darjinoff, président et co-fondateur de Spart