Un réacteur en perspective à Grenoble : avec “Renaissance Fusion”, la région Auvergne-Rhône-Alpes entre dans la course à la fusion nucléaire
L’ambition de la fusion nucléaire est tout simplement de mettre d’une certaine manière le soleil en bouteille. De créer une énergie d’une puissance extraordinaire en faisant se fusionner deux atomes, des noyaux d’hydrogène en l’occurrence pour former des atomes d’hélium. contrairement à la fission qui les casse. Un objectif qui ne semble plus être une utopie qui fournirait à l’humanité une énergie pas chère et sans déchets radioactifs. Contrairement à PACA avec le projet ITER, la région Auvergne-Rhône-Alpes ne semblait pas être présent dans cette course là. Faux : la start-up de l’Italien Francesco Volpe s’est installée à Grenoble et nourrit de fortes ambitions.
Avec le projet l’impressionnant ITER de Cadarache et les 19 milliards d’euros investis à terme par les plus grands pays du monde, la région PACA semblait bien être la région de la fusion nucléaire, la nouvelle frontière en matière d’énergie. Et Auvergne-Rhône-Alpes semblait à la marge.
Pas tout-à-fait en réalité car Grenoble accueille désormais une start-up à la forte ambition en la matière : “Renaissance Fusion”, créée en 2020.
La jeune pousse d’une dizaine de collaborateurs co-créée par l’Italien Francisco Volpe et l’Allemand Martin Kupp a une ambition qui peut paraître démesurée, tant les obstacles à la fusion nucléaire sont nombreux : installer en l’espace d’une dizaine d’années, ladite fusion nucléaire à l’échelle commerciale ! Et pourquoi pas ? Qui aurait pu imaginer avant le Covid qu’une start-up liée à un grand groupe pharmaceutique aurait été capable de concevoir un vaccin contre le Covid-19 en une seule année, en utilisant une technologie disruptive, l’ARN messager.
Rassurez-vous : “Renaissance Fusion” n’est pas la seule start-up à s’installer sur ce créneau : dans le monde anglo-saxon, notamment, elles sont de plus en plus nombreuses et commencent à se livrer à une course échevelée. Qui va mettre au point le premier réacteur à fusion nucléaire, avec jackpot assuré à l’arrivée..?
Une levée de fonds
Pour parvenir à ses fins, “Renaissance Fusion” finalise actuellement une levée de fonds de plusieurs millions d’euros.
Ce financement devrait lui permettre de mettre au point ses prototypes d’aimants aux formes complexes, destinés à confiner le plasma avec, dans le viseur, différentes applications dans les domaines de l’imagerie médicale ou du stockage d’énergie.
La start-up devrait d’ailleurs se positionner dans les prochains jours sur l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants », publié récemment par l’Etat dans le cadre du plan France Relance.
L’originalité de la démarche de “Renaissance Fusion” et de son créateur Francisco Volpe est de partir sur la base d’une architecture baptisée “stellarator”. Alors que d’autres structures, tel ITER, s’appuient sur la technologie dite tokamak (dans laquelle les bobines magnétiques entourant le plasma sont régulières). “Renaissance Fusion” utilise des aimants en torsion pour confiner le plasma à des températures de plusieurs centaines de millions de degrés celsius.
“Le premier avantage de cette technologie est sa stabilité : elle permet une production de courant en continu, explique Diego Cammarano, directeur des opérations au magazine Présences de la CCI de Grenoble. Autre intérêt : la taille réduite du réacteur, grâce à l’utilisation de matériaux supraconducteurs à haute température. Plus petit, il est donc moins coûteux. Par ailleurs, grâce à l’utilisation des métaux liquides, il produit un faible niveau de radiations, équivalent à celui d’un centre d’imagerie médicale. Tout au long de son cycle de vie, il produit aussi moins de déchets et leur durée de radiation s’avère beaucoup plus courte que celle des systèmes à fission. Le défi que nous devons relever aujourd’hui tient à la conception : les aimants irréguliers complexifient la construction”.
D’ici dix ans
L’objectif de “Renaissance Fusion” est d’aboutir à la mise au point d’un réacteur d’une puissance électrique d’un gigawatt d’ici dix ans. Elle est la première entreprise en Europe à miser sur l’architecture stellarator.
Mais pourquoi avoir choisi Grenoble ? Martin Kupp, co-créateur de “Renaissance Fusion” l’explique : “Si nous avons choisi de nous installer en France, c’est en raison d’une meilleure acceptabilité du nucléaire par rapport à d’autres pays européens”.
Reste que si le pari de “Renaissance Fusion » et de ses deux créateurs réussit, les retombées économiques pourraient être très importantes sur la région grenobloise. Mais on n’en est pas là…