Victime du développement low-cost de Saint-Exupéry, l’aéroport de Grenoble-Isère pourrait mettre la clef sous la porte
Difficile de ne pas faire le parallèle. Depuis quatre ans l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry situé à 72 km de celui de Grenoble-Isère, a choisi un mode de croissance basé pour une bonne part sur les compagnies low-cost. Un tapis rouge a été déployé à destination d’Easy Jet qui sera doté à la fin de l’année d’un terminal dédié en dur. Un choix qui porte ses fruits puisque chaque année, tiré par le trafic à bas coût, le nombre de passagers croît de 6 à 7 % et devrait dépasser à la fin de cette année les 8 millions de passagers.
L’aéroport de Grenoble Isère, basé à Saint-Etienne de Saint-Geoirs, au nord-ouest de Grenoble avait lui aussi axé sa croissance sur le low-cost. Mais, là, en revanche, le modèle fonctionne de moins en moins. En 2008, le cap des 500 000 passagers avait été franchi. En 2010, leur nombre est tombé à 350 000 pour un équipement aéroportuaire doté d’une capacité de un million de passagers par an. Et 2011 ne s’annonce guère mieux, puisque le directeur de l’infrastructure aéroportuaire table sur une hausse du trafic entre 2 et 3 %, mais pas au-delà.
En conséquence, l’aéroport isérois n’affiche pratiquement plus de trafic pendant la période estivale. Il ne retrouve son animation qu’en hiver et dans une moindre mesure au début du printemps. Les liaisons low-cost déversent dans l’aérogare des skieurs, essentiellement britanniques, en direction des stations de ski iséroises ou savoyardes pendant quelque mois seulement.
Résultat de cette chute régulière de fréquentation et donc de recettes : l’aéroport qui est géré par Vinci à travers la société d’exploitation, SEAGI (*), mais appartient au Conseil général de l’Isère présidé par André Vallini, perd de l’argent. Selon Didier Rambaud, vice-président de ce même Conseil général, chargé des transports et maire d’un commune proche de l’aéroport, la facture s’établit chaque année entre 2,5 et 3 millions d’euros. Une somme à laquelle il faut ajouter des coûts d’entretien, de travaux et de remise aux normes soit 1,8 million d’euros supplémentaires cette année par exemple.
L’aéroport pèse donc un poids non négligeable dans les finances départementales à l’heure où celles-ci subissent de plein fouet la rigueur. D’où la décision d’André Vallini, le président du Conseil général de l’Isère, « de mettre à plat le dossier ». La décision sera prise en décembre prochain lors de la session qui verra l’adoption du budget 2012.
Trois options sont actuellement à l’étude. Deux d’entre elles tiendraient la corde : « La première concernerait l’arrêt de l’activité commerciale l’été seulement, ce qui permettrait au Conseil général de diminuer sa contribution de 1 million d’euros par an. Elle serait associée à un plan de sauvegarde de l’emploi pour le personnel permanent de la société d’exploitation de l’aéroport », explique Didier Rambaud.
La seconde serait constituée par l’arrêt complet de toute l’activité commerciale de l’aéroport, hiver comme été. Le trafic serait alors absorbé à la fois par les aéroports les plus proches : Saint-Exupéry, Genève ou Chambéry.
Enfin, l’option la plus lourde de conséquences serait la fermeture pure et simple de l’équipement aéroportuaire. Pour Didier Rambaud, c’est la moins probable. L’Etat pourrait s’y opposer, car l’aéroport isérois est aussi utilisé comme délestage de Lyon -Saint Exupéry.
En outre, hors des lignes commerciales à vocation touristique qui représentent 90 % du trafic de l’aéroport isérois, l’activité de la plate-forme est assurée également par les vols de loisirs de l’aéroclub du Dauphiné, du paraclub, les services publics comme les douanes, Météo France ; mais aussi par une base de l’école nationale de l’aviation civile, ainsi qu’une école privée de pilotage et de photographie aérienne.
Il faut savoir que toutes les options poseraient de sérieux problèmes d’emplois. La société d’exploitation fait travailler à l’année près de 70 personnes auxquelles il faut ajouter des saisonniers pendant la période hivernale : de 300 à 500, selon l’affluence des pistes de ski.
La fermeture complète pourrait avoir également des incidences pour les stations de ski, moins alimentées en touristes étrangers. « Lors des périodes les plus fréquentées, il n’est pas sûr qu’en cas de fermeture de Grenoble-Isère, Lyon-Saint-Exupéry, Genève et Chambéry seraient capables d’absorber ce trafic supplémentaire en périodes de pointe », affirme le vice-président du Conseil général.
Seule certitude : des décisions seront prises en décembre, sinon le Conseil général isérois n’aurait pas jeté de la sorte ce pavé dans la mare qui angoisse les salariés de l’aéroport, mais vise à préparer les esprits. Tout dépendra des simulations en cours, scénario par scénario. L’atterrissage pourrait être rude.
(*) SEAGI (Société d’exploitation de l’aéroport de Grenoble) dont l’exploitant est la société Vinci.
Photo : (aéroport de Grenoble-Isère).