Hervé Arnaud, Pdg de Courb à St-Priest : «Nous lançons le 31 mars la production de notre voiture électrique, la C-Zen »
Parfait autodidacte-il n’a que le BEPC en poche-Hervé Arnaud, 54 ans, a déjà vécu trois vies : celle de directeur dans une entreprise industrielle, celle de gérant indépendant en gestion de patrimoine, puis actuellement celle de constructeur d’une voiture électrique, la C-Zen, bientôt fabriquée à Saint-Priest. Un pari fou, en apparence, alors que la trentaine de projets de constructeurs de voitures électriques s’est réduit comme une peau de chagrin en France : il n’en reste plus qu’une poignée. Le Pdg de Courb qui va démarrer sa production le 31 mars explique pourquoi il est persuadé que, lui, a les atouts en main pour gagner le pari de la voiture électrique. Explications.
Beaucoup d’industriels se sont lancés en France dans la construction de voitures électriques. Or, manifestement, ce n’est pas l’Eldorado attendu ?
Oui, c’est exact. Ces dernières années, en France, près d’une trentaine d’industriels ont tenté de se lancer sur ce nouveau marché. Ils ont déjà presque tous disparu. Il n’en reste qu’une toute petite poignée. En comptabilisant à la fois les voitures particulières et les utilitaires, moins de 15 000 véhicules électriques ont été commercialisés en 2013. Le marché est d’autre part majoritairement tenu par Renault avec sa Zoë et la Kangoo ZE et par son partenaire Nissan avec la Leaf.
Le marché est encore petit et je pense qu’il le restera encore pendant cinq à six ans, tout en progressant lentement.
Pourquoi alors vous lancez-vous, presque à contre-courant, sur ce marché, alors que les conditions ne sont pas vraiment optimales ?
Nous nous lançons, car je pense que nous avons fait les bons choix, depuis 2007, date à laquelle nous avons créé notre entreprise « Courb » avec Thierry Lièvre, le Pdg d’U10. La voiture électrique est un produit de niche, essentiellement à destination des entreprises. Nous nous sommes adaptés dès l’origine à cette situation. Il s’agit d’une voiture dotée d’un grand coffre de 540 litres qui n’a pas de TVTS (la taxe sur les voitures de société) et un coût d’entretien minimal
La ligne de production de notre première voiture, la C-Zen, va démarrer sa fabrication le 31 mars prochain. Située dans une usine de Saint-Priest louée à Renault-Trucks, elle est actuellement en cours d’installation : elle est calibrée pour avoir un « point mort » très, très bas, à partir d’une production annuelle de 400 véhicules.
Nous sommes d’autre part une petite structure : vingt-cinq personnes. Nous sommes dimensionnés pour gagner de l’argent avec une petite production sur ce marché de niche.
Le prix est une composante importante, même sur le marché des véhicules de société. A cet égard, quel est votre positionnement ?
Globalement, nous sommes dans le marché : en formule LOA (location longue durée), la C-Zen ne coûtera à l’entreprise que 250 euros par mois, hors taxe, sur soixante mois. Et ce, en incluant l’assurance, l’assistance, l’entretien et un remorquage gratuit si la première année vous tombez en panne car votre batterie est vide. Et je ne parle pas de la consommation : 1,50 euro les cent kilomètres !
Comment arrivez-vous à proposer un tel prix ?
La voiture sera vendue 14 600 euros, récupération de TVA et prime de l’Etat déduites.
Plus qu’une voiture, ce que nous vendons en fait aux entreprises, c’est un service, simple, facile, abordable
Pour ce faire, nous avons passé des accords avec des partenaires. Le financement de la location longue durée est assuré par Alphera, une filiale de « BMW Finances ».
Pour l’assurance, nous avons signé avec Groupama Rhône-Alpes : la voiture est assurée pour 1 euro seulement par jour. Pour l’entretien, nous avons passé des accords avec le groupe « Feu Vert » dont le siège est situé à Ecully, près de Lyon.
Vos sous-traitants sont-ils rhônalpins ?
Nous avons été obligés de chercher le moteur électrique en l’Allemagne et les réducteurs en Italie : on n’en fabrique plus en France. Pour le reste, nos fournisseurs sont Rhônalpins : la carrosserie provient de la vallée de la plasturgie dans l’Ain, la structure en aluminium de la région stéphanoise.
Le choix de sous-traitants régionaux nous permet de diminuer nos coûts logistiques.
Nous avons tenu à construire nous-même le chassis, un élément essentiel, ainsi que les batteries, lithium-ion fer phosphate : c’est ce qui se fait de mieux actuellement en la matière et nous permet d’offrir une autonomie de 120 kilomètres.
Comment allez-vous être commercialisés ?
Nous avons adopté la stratégie de l’escargot : nous voulons déjà installer une forte base commerciale à Lyon et en Rhône-Alpes, en ouvrant notamment un show-room à Lyon.
Nous avons parallèlement déjà signé des accords de distribution avec une quarantaine de distributeurs multimarques de voitures électriques dans toute la France.
Enfin, nous avons déjà signé des accords avec un certain nombre d’entreprises qui s’engagent à acheter nos véhicules, à l’instar du promoteur immobilier Icade qui proposera pour chacune de ses résidences deux ou trois véhicules en auto-partage pour les co-propriétaires en France.
Nous avons également signé des accords avec Groupama Rhône-Alpes, pour ses commerciaux, avec EBTS, une société qui assure la logistique pour le transport des vaccins et des flacons pour les prises de sang : ils ont été intéressés par notre coffre qui accueillera un caisson adapté. Avec eux, par exemple, nous pouvons tabler sur des ventes de 100 à 200 véhicules par an. Nous avons multiplié les contacts avec de nombreuses entreprises qui devraient déboucher sur d’autres contrats.
Les particuliers s’intéressent aussi à notre voiture puisque l’on peut d’ores et déjà réserver la C-Zen sur note site Internet. Déjà un millier d’Internautes ont émis des marques d’intérêt.
Avez-vous rencontré des freins dans votre démarche ?
Nous aurions pu partir par exemple en Poitou-Charentes… Si nous sommes restés à Lyon, c’est que nous avons pu tester la qualité de l’écosystème lyonnais où l’entrepreneur est vraiment entouré. Les équipes du Grand Lyon, mais aussi de l’Aderly, d’Only Lyon, etc. nous ont grandement aidé, non pas financièrement, mais en aplanissant nos difficultés.
C’est par exemple le Grand Lyon qui a déniché notre site industriel, chez Renault-Trucks. Dès que nous avons une question, un problème, nous savons à quelle porte frapper avec une réponse très rapide à la clef. Je peux vous dire qu’on ne retrouve pas un climat aussi propice dans toutes les régions de France !