Alain Mérieux, Abbé Pierre, version entrepreneur
Lorsqu’il y a dix mois, lors de Fête de l’entreprise de la CPME, Alain Mérieux avait lancé dans un silence religieux son idée d’Entreprise des Possibles, il avait eu droit à un tonnerre d’applaudissements de la part des milliers de petits patrons présents.
Pourtant sa proposition n’était pas de celle que l’on entend souvent dans la bouche d’un chef d’entreprise. D’un Abbé Pierre ou d’un Père Devert, le créateur d’Habitat et Humanisme, oui ; mais pas habituellement d’un grand patron.
A 80 ans, le président de l’Institut Mérieux avait mis en avant son ambition de faire sortir de la rue les 3 000 sans-abris que compte la métropole lyonnaise ; et ce d’ici trois ans.
Un pari que chaque chef d’Etat réitère au niveau national à l’issue de chaque élection et Emmanuel Macron n’y a pas échappé ; avec les résultats que l’on sait…
Pour la seule métropole lyonnaise, 3 000 sans-abris vivent dans la rue dont 70 % depuis plus d’un an. 28 % sont en couple et près de la moitié ont des enfants. Et chiffre assez affolant : chaque soir 1 800 personnes appellent le 115.
Données glaçantes
Des données glaçantes auxquelles il est impossible de s’habituer.
Eh bien, dix mois après son appel façon Abbé Pierre (souvenez-vous « mes amis, au secours… »), Alain Mérieux a déjà considérablement fait bouger les choses
Il a réussi à fédérer 38 entreprises au sein de la structure qu’il a créée « l’Entreprise des Possibles », ce qui représente 28 000 salariés dont bon nombre ne demandait qu’à participer à cette aventure.
Des entreprises qui se sont engagées à verser collectivement 400 000 euros chaque année pendant trois ans.
Le concept mis en œuvre par Alain Mérieux est vraiment innovant, ne s’est fait nulle part auparavant puisqu’il consiste à mobiliser autour des entreprises et de leurs collaborateurs, des ressources humaines, financières et immobilières ; et ce, non pas pour créer une infrastructure de plus, mais au bénéfice d’associations qui œuvrent efficacement sur le terrain et qui ont été préalablement auditées et labellisées.
« Les salariés, notamment les plus jeunes ont soif d’autre chose que d’économie. Ils recherchent du sens. Et l’on ne se bat bien que lorsqu’on a des projets inatteignables », lance Alain Mérieux.
Où en est-on concrètement ?
Les treize associations qui ont été référencées par l’Entreprise des Possibles ont proposé dès le mois de septembre près de 50 missions de bénévoles aux collaborateurs des sociétés adhérentes à l’Entreprise des Possibles. Lesquelles ont octroyé pour commencer, près de 250 jours de congés payés.
Un Village Mobile
Trois projets ont en outre été mis en route.
Un Village mobile a été créé : dans un premier temps, il va accueillir 80 sans-abris : il ouvre se portes début décembre. Il est implanté sur un terrain industriel temporairement libre.
Ainsi, en juin 2019, Habitat et Humanisme a signé un partenariat avec Bouygues Immobilier pour la mise à disposition pendant deux ans d’un terrain de près de 3 000 m² situé sur l’ancien site de Nexans, dans le 7ème arrondissement de Lyon.
Afin de concrétiser rapidement un projet d’hébergement et d’insertion de personnes en situation de fragilité, l’association a investi sur ses fonds propres pour financer l’acquisition de 33 containers, aménagés en logements modulables : un habitat qui conjugue durabilité et faible coût d’entretien.
Deuxième démarche, celle de l’association « Entrepreneurs du monde » qui accompagne les sans-abris porteurs de projets entrepreneuriaux. Il s’agit là, d’aider à la réinsertion par le retour au travail.
Enfin un programme expérimental de prévention des jeunes en situation de grande fragilité a été lancé, afin qu’ils ne se retrouvent pas à la rue à leur majorité.
Pour Alain Mérieux, « la dynamique est excellente: ce dispositif de solidarité s’est structuré. Il est opérationnel et monte en puissance ».
Et d’ajouter : « Il nous faut à présent accélérer tous ensemble. Par la force du collectif, nous pourrons ainsi apporter des réponses à des femmes et des hommes laissés au bord de la route que nous avons le devoir d’aider. »
Gageons que cet élan collectif va être scruté de près.
Va-t-il permettre de répondre à une question lancinante dans nos pays occidentaux : peut-on réellement supprimer totalement les sans-abris des rues et les réinsérer ? Totalement sans doute pas, car il s’agit d’un flux permanent qui s’accentue et contre lequel il faut lutter en permanence.
Mais l’exemple de la Finlande qui a pris le problème à bras le corps montre que que le but poursuivi par l’Entreprise des Possibles est… possible : 90 % des sans-abris de ce pays ont désormais un toit.
Alors, pourquoi ce qui a été possible au niveau d’un pays, la Finlande, certes peu peuplé (5,5 millions d’habitants) ne le serait pas au niveau d’une Métropole encore plus petite ? En tout cas Alain Mérieux et c’est tout à son honneur a répondu chiche !
Photo-Alain Mérieux à la Fête de l’Entreprise lorsqu’il a lancé « l’Entreprise des Possibles »