Dégringolade en Bourse : Sanofi, très présent à Lyon, prend des risques en se séparant de ses médicaments grand public
Le géant pharmaceutique Sanofi qui a déjà raté le virage du vaccin contre le Covid au profit de Pfizer et BioNTech est- il en train de rater un nouveau virage ? Il vient d’annoncer sa volonté d’introduire en Bourse ses médicaments grands publics, ceux qui ne demandent pas d’ordonnance. Or les exemples passés ne militent pas pour une telle politique…
La question est d’importance tant est prégnante la présence à Lyon et en Auvergne-Rhône-Alpes de la Big Pharma Sanofi.
Cinq sites Sanofi sont en effet implantés en métropole lyonnaise, contribuant fortement à l’écosystème lyonnais dans les sciences du vivant, en particulier dans le domaine des vaccins.
Bref, c’est un acteur scientifique et industriel majeur sur le territoire : près de 5 000 salariés travaillent sur ces sites, faisant de Sanofi le 1er employeur privé de la Métropole de Lyon.
« Un massacre industriel »
Or, cette les dernières décisions du board dirigé par le directeur général Paul Husson font polémique.
La CGT du groupe pharmaceutique parle d’un « massacre industriel ». Et explique : « Accompagnant un dernier plan d’économie, Sanofi annonce la vente de son activité médicament sans ordonnance, ce qui va encore vider nos usines des fabrications des API (principes actifs) correspondant aux molécules cédées et provoquer de fait une perte de rentabilité d’exploitation des usines concernées. Et en prime, mettre en danger l’accès aux soins pour les patients. Car tout se tient ! »
Au bilan, les dernières annonces de Paul Hudson ont fait plonger le cours de Bourse de… 20 % ! Même s’il s’est quelque peu repris depuis, il reste en retrait de 5 % depuis le 1er janvier et surtout ne progresse que de 14 % sur dix ans, ce qui pour les actionnaires est bien maigre, alors que le CAC 40 a, lui, bondi pendant ce temps de près de 65 %.
Pourquoi cette défiance ?
Certes la chute du cours de Bourse n’est pas seulement due à l’annonce de la cession en Bourse de ses activités Pôle Santé Grand Public.
Le marché a aussi réagi à une autre annonce : le groupe abandonne son objectif de rentabilité pour 2025 (une marge opérationnelle de 32 %), en raison des pressions sur les prix et la concurrence en médecine générale, est-il expliqué.
Mais il est sûr que la scission de la Santé grand public a joué aussi un rôle dans cette forte défiance des marchés.
Elle se fera « au plus tôt au quatrième trimestre 2024, à travers la création d’une entité cotée en Bourse dont le siège sera en France », précise la direction.
Mais il n’est pas sûr du tout que cette future « intro » fasse des étincelles…
10 % des ventes du groupe
Il s’agit tout-de-même d’un pôle rassemblant près de 11 000 salariés présents dans 150 pays, soit un peu plus de 10 % des ventes du groupe.
En 2022, cette entité avait réalisé près de 5 des 43 milliards d’euros de chiffre d’affaires de Sanofi, affichant même une croissance de 13,7 % en données publiées.
Cette croissance et des plus-values de cession avaient porté son bénéfice opérationnel à un record : 1,8 milliard, soit + 21 % !
Mais cette année le soufflé est retombé : sur les neuf derniers mois, les ventes, à 4 milliards, sont restées stables.
En général, il faut bien le reconnaître, c’est une activité moins rentable que la moyenne pour les laboratoires pharmaceutiques, dont bon nombre se sont déjà séparés.
L’objectif est toujours le même et c’est celui affiché par Paul Hudson : se concentrer d’abord et avant tout sur les médicaments innovants et sous brevet, une activité certes plus risquée mais aussi plus rentable et à plus forte croissance.
La Bourse a de la mémoire : le dernier exemple de cession d’activité grand public en date est celle du britannique Haleon (Advil, Voltaren, Sensodyne…) , constitué par regroupement des pôles Santé grand public de Pfizer, Novartis et GSK.
Haleon est devenu le leader mondial du créneau quand GSK en a fait un groupe coté indépendant en juillet 2022.
D’où défiance
Or Haleon cote à ce jour 327 pence à la Bourse de Londres, soit moins que les 330 pence des débuts de sa cotation en juillet 2022. Et ce, alors qu’il est le leader mondial de cette activité grand public, ce qui ne sera pas le cas de la scission voulue par Sanofi, loin s’en faut.
Quand l’inflation s’attaque au pouvoir d’achat des ménages, les médicaments en vente libre en font les frais. Et c’est bien le cas actuellement…
Bref, le secteur est très sensible à la conjoncture et celle-ci ne se présente actuellement pas sous de si bons auspices. D’où la défiance..
Reste que le problème de fond de Sanofi est qu’il n’a en portefeuille qu’un seul blockbuster, le « Dupixent », qui « s’approche au 3ème trimestre des 11 milliards d’euros de ventes en rythme annuel », selon Paul Hudson.
Hallelujah ! Pour cette fois aux avant-postes en matière de vaccin, Sanofi a connu un succès majeur en sortant cette année le 1er traitement injectable préventif au monde contre la bronchiolite des nourrissons : le « Beyfortus » dont la commercialisation a commencé en France notamment, avec force.
Suffisant pour tirer à terme la croissance et pour constituer un relais de croissance ? Pas si sûr…