Départ surprise d’Yves de Gaulle de la CNR : il est remplacé par une dirigeante de GDF-Suez, Elisabeth Ayrault
A la surprise générale, après un an et demi seulement de mandat, Yves de Gaulle quitte la présidence du directoire de la Compagnie Nationale du Rhône. Il est remplacé par une dirigeante de GDF-Suez, directeur général déléguée de Sita-France : Elisabeth Ayrault. Une manière pour Gérard Mestrallet de tenter d’accentuer son emprise sur la « Compagnie » ?
Pour la première fois de son histoire, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) sera dirigée par une femme, Elisabeth Ayrault. Elle prendra ses nouvelles fonctions de présidente du directoire, le 2 juillet prochain.
Mais ce n’est pas ce fait qui focalise l’attention, en l’occurrence, mais le départ d’Yves de Gaulle, petit-fils du Général, après seulement un an et demi de mandat. Il est « appelé à d’autres fonctions ». Et ce malgré « d’excellents résultats », comme l’indique un communiqué du groupe. Ce même texte ajoute dithyrambique : « Yves de Gaulle a doté la Compagnie, concessionnaire du fleuve et premier producteur français d’électricité exclusivement renouvelable, d’une ambitieuse feuille de route. »
« Si le groupe GDF-Suez impulsait la désintégration… »
« Après plusieurs échecs consécutifs depuis plus de dix ans, le Pdg de GDF-Suez va-t-il une nouvelle fois tenter de mettre la main sur l’or du Rhône ?” s’interroge un communiqué de la CGT, syndicat majoritaire au sein de la compagnie à propos de ce départ.
Et d’expliciter : « Si le groupe GDF-Suez impulsait la désintégration de certaines parties d’activités gérées à ce jour par la CNR de façon indépendante, telles que la commercialisation de l’énergie, cela aurait pour conséquence de transférer les marges réalisées sur le placement de l’énergie directement dans les comptes de GDF-Suez. Cela se traduirait par une baisse drastique du chiffre d’affaires de la CNR. »
Il faut donc voir ce départ à travers le prisme de l’actionnariat de la CNR, mi-public, mi-privé. Le principal actionnaire, GDF-Suez, 49,97 % du capital, n’a pas la majorité d’un cheveu. Il doit composer avec la Caisse des dépôts et consignations, bras financier de l’État qui possède 33,20 % du capital de la « Compagnie », et les collectivités locales et organismes consulaires qui, après en avoir détenu beaucoup plus (La Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône ont vendu leurs parts), restent actionnaires à hauteur de 16,12 %.
217 millions d’euros de bénéfice net en 2012
Faut-il voir dans ce départ la volonté de Gérard Mestrallet, le Pdg de GDF-Suez d’accentuer son emprise sur la CNR ? Cela ne fait guère de doute. Cette volonté est d’ailleurs fort compréhensible car depuis qu’elle a quitté le giron d’EDF, la « Compagnie » avec ses barrages dont la construction est amortie depuis longtemps est une belle machine à produire de confortables bénéfices.
Elle a réalisé en 2012 son meilleur chiffre d’affaires depuis dix ans : 1,4 milliard d’euros (+ 28 %), avec un résultat net de la même eau : 217 millions d’euros.
On comprend donc mieux, à cette aune le départ d’Yves de Gaulle et l’arrivée d’Elisabeth Ayrault, une Suez pur sucre qu’elle a rejoint en 1991 pour entrer dans la filiale Dumez Immobilier Promotion. Elle a ensuite travaillé dix ans pour Elyo avant de prendre la Direction de Sita Ile-de-France, puis d’être nommée directeur général délégué de Sita France (filiale de Suez-Environnement, sa fonction actuelle).
Agée de 58 ans, elle est architecte DPLG de formation, diplômée de l’IAE et titulaire d’un DEA de géographie urbaine et d’un DSPU de l’Institut Agronomique de Montpellier.
Elle avait créé en 1980 une agence d’architecture et d’urbanisme à Perpignan.
Reste que si sa feuille de route est susceptible d’être différente de celle d’Yves de Gaulle, la future nouvelle présidente du directoire de la CNR devra d’abord être nommée par décret en Conseil des Ministres après avoir été auditionnée par les commissions compétentes en matière d’énergie du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Sa nomination ne pourra donc pas être effective avant la publication du décret au Journal Officiel.
La future présidente du directoire devra également composer avec son conseil de surveillance, dont cinq membres sur dix-huit ont été renouvelés le 25 avril, lors de l’assemblée générale de la CNR.
Il s’agit, pour GDF-Suez, de Bruno Benssasson, Kathleen Wantz O’Rourke et de Stéphane Brimont ; pour la Caisse des Dépôts, de Françoise Tauzinat. Dans les semaines qui viennent, deux représentants de l’État seront désignés par décret et trois représentants du personnel salarié de la Compagnie seront élus.
Michel Margnes et Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes et actionnaire ont de leur côté respectivement été réélus président et vice-président dudit conseil de surveillance.
Deux X-Mines autour d’Elisabeth Ayrault
Enfin, au directoire, Elisabeth Ayrault sera entourée de Mathieu Bonnet, un X-Mines de 40 ans, directeur général de la CNR depuis le 13 décembre 2007 qui a derrière lui une carrière dans la fonction publique avant d’intégrer en 2005 la filiale Electrabel de Suez ; et de Julien Français, également X-Mines de 39 ans, issu, lui, de la Caisse des Dépôts.