L’EPSI veut surfer sur la vague de la massification de l’enseignement
A l’occasion de L’Entreprise du FUTUR 2016, Laurent Espine, directeur national du réseau des écoles EPSI décrit comment l’enseignement traditionnel est sur le point de se faire balayer par l’enseignement numérique de masse. Explications.
Laurent Espine, pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots ? Secteur d’activité, marché, chiffre d’affaires, effectif, enjeux, … ?
Notre entreprise est en fait, une association. C’est une école qui s’appelle l’EPSI. Elle opère sur trois champs d’activités. Le premier est l’informatique. L’EPSI forme des jeunes de bac à bac plus 5 dans tous les domaines de l’informatique. Dans le développement d’applications, l’administration des réseaux systèmes et bases de données, comme dans les ERP Management et tous gros systèmes de gestion d’entreprise. La partie informatique est le domaine historique de l’EPSI qui existe depuis 1961 avec 9 campus en France dont un à Lyon qui rejoindra prochainement le pôle René Cassin du 9ème arrondissement.
La seconde activité du groupe est le réseau WIS. Une école dédiée aux métiers du Web. En quelques mots, nous formons les jeunes sur quatre piliers principaux : le webmarketing avec un positionnement de la marque sur le numérique ; la communication digitale ; l’entrepreneuriat qui ne se limite pas à la phase de création mais qui pousse aussi sur comment être entrepreneur de sa carrière et dans son entreprise. Enfin, le dernier pilier est, naturellement, celui de l’ informatique, la base même du web.
Le troisième champ d’activité est celui de notre nouvelle école qui intègre déjà ses premiers élèves et qui s’appelle Open Source School. Une école dédiée aux métiers de l’open source lancée avec un des leaders européen qu’est SMILE.
Nous sommes donc très connotés « numérique » et IT. L’EPSI c’est plus de 11 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015. Nous sommes positionnés à 90 % sur le marché de la formation initiale et de la formation par l’alternance. Nous avons lancé depuis plus d’un an maintenant, une activité autour de la formation continue, de formation d’adultes et de reprise de compétences pour demandeurs d’emploi. Une activité en très forte croissance.
Et vous ? Comment avez-vous intégré ce paysage ?
J’ai pris la direction nationale du réseau EPSI depuis mi-2012. Ingénieur mécanicien de formation, je ne me prédestinais pas au numérique. Mais mon premier emploi dans l’industrie manufacturière en 1991, m’a permis de voir arriver les ordinateurs sur les lignes de production et de voir l’enregistrement des données directement depuis les lignes. J’ai vécu cette première transition technologique dans l’entreprise, avant de vivre la seconde, la révolution numérique cette fois.
Vous êtes présent au Salon Entreprise du Futur 2016. Pourquoi ? Quelle est votre vision à vous de l’entreprise du futur ?
C’est une excellente question … et c’est pas une question simple. L’entreprise du futur est forcément une entreprise qui sera ouverte. Pour moi, il y a différents points qui vont certainement changer énormément la face des entreprises et sur lesquels les dirigeants vont devoir se pencher.
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Le premier, c’est de savoir comment je vais m’organiser demain. Au regard d’un marché qui devient aujourd’hui réellement mondial, avec des accès simplifiés par le biais du numérique, comment je travaille différemment ? Comment j’adapte mon organisation ?
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Vient ensuite un défi managérial énorme avec 50 % de la population mondiale qui a moins de trente ans. Comment j’attire les talents ? Comment je manage ces jeunes que l’on voit arriver dans nos écoles avec des modes de fonctionnement complètement différents des générations précédentes.
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Et enfin, la dernière question porte sur la gouvernance. Quelle gouvernance j’opère dans l’entreprise ?
A mon sens, l’entreprise du Futur devra répondre à toutes ces interrogations. Elle sera forcement ouverte, agile, mobile sur ses marchés, attirante et séduisante.
Quels projets numériques avez vous mis en place au sein de WIS ou de l’EPSI ?
Entre 2012 et aujourd’hui, nous avons pratiquement doublé notre nombre d’élèves. Nous sommes passés de 800 en 2012 à plus de 1 500 à ce jour. Cette évolution importante est passée par un accompagnement au changement profond sur différents sujets parmi lesquels, la mise en œuvre des processus DIN de normalisation de nos formations.
Aujourd’hui, tous nos modules de cours pèsent un poids horaires de 20 heures, le poids du crédit européen. L’intérêt de cette normalisation est la production d’un module identique. Ce qui veut dire que tout ce qui est derrière en termes administratif et logistique est simplifié. Le contenu est adapté métier mais le format reste le même pour tous. Cette standardisation des formats à été un premier point.
Nous sommes également dans une phase de transition numérique. Bien que notre ADN soit informatique, nous n’étions pas forcement au fait du numérique. Aujourd’hui, nos formations sont pour une part du présentiel, mais aussi du Offline (déconnecté) avec le suivit de MOOC (« Massive Open Online Courses » en anglais soit « formation en ligne massive ouverte à tous » en français) avec des reprises de cours Online (connecté) dans lesquels les enseignants interviennent avec bien entendu, toute la panoplie déjà plus ancienne des solutions e-learning.
Un point important de cette transformation est que cette génération Y et même Z d’aujourd’hui a besoin de trouver du sens dans ce qu’elle fait. Elle veut faire les choses et les comprendre ce qui est une différence énorme avec leur prédécesseurs pour qui, la connaissance pouvait se transmettre de manière académique. Aujourd’hui, ils ont besoin de mettre en œuvre. Ce que permet l’alternance, mais que nous complété par ce que nous appelons « les semaines complètes ». Ce sont des semaines pendant lesquelles, avec l’appui de leur coachs, les élèves sont acteurs de projets qu’ils mettent en œuvre pour opérer un changement notoire dans l’entreprise.
Ces exemples illustrent des changements fondamentaux de notre métier. Et ce n’est que le début !
Justement alors, quelles seront les prochaines étapes ?
Cette transformation numérique va impacter tous les secteurs d’activités. Dans notre domaine, j’en ai pour exemple deux monstres de la formation en ligne aux Etats-Unis. Le premier est Coursera qui aujourd’hui fait de la certification pour des université prestigieuses parmi lesquelles le M.I.T. Vous pouvez ainsi faire parti des 16 millions de personnes qui suivent des cours sur Coursera et passer un module, une unité de valeur de la plus célèbre des universités américaines. Et tout cela depuis votre smartphone…
On est là sur la massification des cours via le numérique. En France, nous n’en sommes pas encore là. Il nous faut faire évoluer les mentalités du coté de l’enseignement. Mais, nous sommes en chemin. Cette vague numérique arrive, elle est là et il serait vain de vouloir la combattre.
L’autre exemple est celui de LinkedIn le réseau professionnel que tout le monde connaît. LinkedIn opère aujourd’hui une migration de son référencement de professionnels vers un référencement de compétences. Ils ont commencé à le faire. Un membre peut attribuer une compétence à un autre. Ce qu’on appelle l’évaluation par les pairs. Sachant que certains pairs ont plus de poids que d’autres. Couplez ce process d’évaluation par les pairs à celui de Coursera qui évalue les connaissances et vous êtes face à un monstre de l’enseignement mondial…
Cette tendance aura pour conséquence, à terme, de balayer notre système d’enseignement. Alors, nous écoles, soit on reste dans un système traditionnel et s’adresser à notre marché franco-français ou régional, soit on s’inscrit dans ce mouvement qui est un mouvement mondial. Comme, encore une fois, 50 % de la population a moins de trente ans. Vous aurez compris quelle piste l’EPSI va suivre avec ses moyens naturellement plus humbles que ceux de nos confrères américains !