Guillaume Decitre, de la Silicon valley à la librairie « clic and mortar »
Après dix ans passés à développer des start-up au sein de la Silicon valley, l’informaticien Guillaume Decitre a repris le flambeau paternel des librairies Decitre. Persuadé de la validité du modèle « clic and mortar », il veut à la fois développer le e.commerce, à l’instar du récent accord stratégique avec RueduCommerce, mais aussi les librairies en bonne et due forme : de nouvelles ouvertures en Rhône-Alpes et en région parisienne sont au programme.
« Savez-vous qu’un quart des clients Decitre, va chercher leur livre dans une librairie après l’avoir commandé en ligne. Et que souvent, il repart avec un ouvrage supplémentaire après avoir discuté avec le libraire ! »
Guillaume Decitre, 43 ans, l’homme qui tient ces propos est devenu, deux ans et demi après avoir pris la tête des librairies Decitre, un adepte du « clic and mortar ». Littéralement : « la souris et le ciment », soit le mariage associant l’Internet et le magasin traditionnel en dur. Un modèle que Guillaume Decitre entend bien faire croître et prospérer. « Nous prévoyons, d’ici douze à dix-huit mois, l’ouverture de nouvelles librairies en Rhône-Alpes et en région parisienne », affirme-t-il.
Il est vrai que ce modèle a fait le succès du groupe Decitre (huit librairies en Rhône-Alpes et un Site Internet, Decitre.fr. A fin mars 2009, en pleine crise économique, le groupe se paie le luxe d’une croissance de 7 % de son chiffre d’affaires ! En 2008, il a affiché un résultat net de 900 000 euros pour un chiffre d’affaires de 61 millions d’euros, réalisé par ses quatre cents salariés et près d’un million d’euros d’investissement. Une réussite rare dans un monde de la librairie plutôt en souffrance.
Il est vrai que Guillaume Decitre est particulièrement outillé intellectuellement pour appréhender la révolution que vit actuellement la librairie, les deux pieds dans les livres par tropisme familial et la tête dans le Web, par sa formation et son vécu professionnel.
Après des études au lycée Ampère, une prépa et Sup de Co Grenoble, il embrasse une carrière d’informaticien qui le mène dans la Silicon valley en Californie, où il s’envole avec sa femme et ses deux enfants.
Il travaille d’abord pour Sun Microsystem, avant de se jeter avec délectation dans le monde des start-up, comme gestionnaire d’un fonds de capital-risques, ce qui l’amène à participer à la création de pas moins d’une quarantaine de start-up dont Jambat, spécialisée dans les jeux vidéo pour téléphone portable ou d’une autre spécialisée dans la géolocalisation de la publicité locale pour téléphone portable, toujours. Entre-temps, il sort de l’Université de Santa-Clara avec un beau parchemin : un MBA axé sur l’entrepreneuriat.
Bref, il voit sa vie se poursuivre sous le ciel bleu de Californie quand la maladie de son père Pierre qui a dirigé et développé avec succès pendant près de 40 ans, le groupe familial, l’amène il y a deux et demi à revenir à Lyon. Il embauche d’abord Agnès Vinarnic, n°2 de la Fnac, comme directrice pour le seconder, puis « se prenant au jeu », il refait ses bagages en sens inverse pour se réinstaller définitivement à Lyon avec sa famille.
Le capital de la société est remis à cette occasion à plat. La société de capital-développement lyonnaise Siparex, actionnaire historique depuis douze ans se désengage au profit de Finadvance qui prend 53 % du capital, le groupe familial se contenant de 34 %. Enfin, Esfin s’octroie le solde.
Avec son catalogue numérisé de 650 000 titres, l’un des plus importants de France, sa place de troisième cybervendeur de livres en France depuis son accord avec RueduCommerce, ses huit librairies, Guillaume Decitre regarde l’avenir avec sérénité. « La révolution du livre ne s’est pas produite là où l’on croit. Avec l’informatique, les systèmes d’impression moderne, un livre peut être rentable, même s’il ne tire qu’à 500 exemplaires ; alors qu’auparavant, il en fallait plusieurs milliers. Les lecteurs ne s’en rendent pas compte, mais les prix du livre ont baissé : c’est un vrai produit grand public et il le restera !»
Et d’ajouter : « Regardez, s’il y avait une crise du livre, on ne verrait pas les éditeurs sortir chaque année un nombre de plus en plus important d’ouvrages ! »