L’industrie bio de Rhône-Alpes est obligée d’importer pour s’approvisionner
Les responsables des entreprises-phares appartenant à « Organics Cluster » qui regroupe 80 des 900 entreprises de transformation et de distribution du bio en Rhône-Alpes reconnaissent dans leur grande majorité des problèmes d’approvisionnement. Que ce soit dans le domaine agro-alimentaire, cosmétique, textile ou les produits de la maison. Même si l’on est passé de 2 300 à 2 600 agriculteurs bio entre 2010 et début 2012, la production régionale se révèle insuffisante. Elle doit être complétée par l’apport de productions d’autres régions de France, mais aussi d’Allemagne, du Danemark, de la Roumanie, de Chine. Ce qui peut paraître aberrant. Explications.
Le bio est un des secteurs économiques qui se développe actuellement le plus rapidement en France : près de 10 % l’an. Tout militerait donc à ce que l’on fasse le maximum pour son développement. Or, on en est encore loin.
La Région Rhône-Alpes n’a pourtant pas ménagé ses efforts. Elle est à l’origine d’un « cluster », une « grappe d’entreprises » visant à vitaliser le secteur : « Organics Cluster ». Basé dans la Drôme, ledit cluster rassemble actuellement 80 entreprises (130 visées en 2013) sur les 900 recensées dans la région. Le secteur pèse déjà un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros.
Ce cluster ne regroupe pas des agriculteurs bio, mais des PME rhônalpines qui se chargent de transformer ou de distribuer les matières bio sous toutes ses formes. La majeure partie de ses membres sont dans l’agro-alimentaire, mais on en trouve également dans la cosmétique, le textile issu de l’agriculture biologique, mais encore dans les produits de la maison, tels que les savons ou les lessives.
Or, à entendre les représentants des huit entreprises qui ont participé à l’opération de promotion « Bio’export » ou les dix lauréates de « Bio’innov », un programme visant à stimuler l’innovation, tous ou presque tous avouent des problèmes d’approvisionnement.
Tous ces chefs d’entreprises n’ont aucun mal pour trouver des débouchés. Ils ont même parfois des difficultés à suivre une demande forte, d’autant qu’ils ont du mal à se procurer les matières premières.
Claude Tambour, le patron de la société Efelnat, basée en Ardèche (trois salariés), spécialisée dans le négoce de fruits et de légumes, reconnaît que « sur les 2 500 tonnes de produits qui représentent mes approvisionnement, seuls 1 300 tonnes de pommes proviennent du Grand Sud-Est. »
« Pour tout le reste, soit 1 200 tonnes-poursuit-il- je suis obligé d’importer d’Europe de l’Est ou de Roumanie »
Même son de cloche auprès de Patrick Bourgeois, le patron de la société « Les Gaudelis », installée à Tossiat dans l’Ain. Il a développé des produits à base de maïs bio torréfié qui connaissent un grand succès. Seul hic, il ne réussit pas à trouver en Rhône-Alpes les centaines de kilos de beurre bio dont il a besoin : « Je m’approvisionne dans le Doubs, en Bretagne, aux Pays-Bas, je n’ai pas le choix », se plaint-il.
« En ce qui concerne les oléoagineux bio (tournesol, sarrasin, lin), la majeure partie de la matière première doit être importée…de Chine ! », ajoute un autre patron de PME de cette filière de transformation bio.
Que se passe-t-il ? Le problème est la complexité et le coût pour les agriculteurs du passer de l’agriculture traditionnelle au bio, pourtant plus rentable. Il leur faut en effet laisser leurs terres en jachère pendant trois ans, afin que les molécules chimiques diparaissent.
« On n’aide pas suffisamment les agriculteurs pour qu’ils puissent sauter le pas-déplore Patrick Bourgeois. En Allemagne, ils ont droit à une aide beaucoup plus substantielle, ce qui explique que dans ce pays; le bio soit nettement plus développé. »
Nicolas Bertrand, le directeur d’ « Organics Cluster », ne mésestime pas le problème. « Cela ne signifie pas que l’agriculture bio ne se développe pas dans la région. Le nombre d’agriculteurs bio est passé fin 2010 en Rhône-Alpes de 2 300 à 2 600 en ce début d’année 2012. Mais leur nombre n’est pas encore assez important face à la demande de plus de proximité des consommateurs ; et en outre, ils ne sont pas toujours situés sur les filières les plus demandées. »
La production agricole ne se développe donc pas à la même vitesse que la demande, bien que la Drôme reste toujours le premier département bio de France.
Il existe néanmoins une lueur d’espoir. Face à ce besoin, des transformateurs essaient de mettre en place des filières de production régionales. Claude Tambour, le créateur d’Efelnat vient d’embaucher un ingénieur agronome dans le seul but de développer avec la producteurs rhônalpins une filière agricole bio correspondant à ses besoins, en termes notamment de maraîchage. Ces efforts commencent peu à peu à porter leurs fruits.
Les progrès sont lents, au regard de la demande grandissante. Au total, près du tiers des approvisonnements de l’industrie bio de la région Rhône-Alpes doivent être importés. Parfois de très loin.
(*) En cinq ans d’existence, « Organics Cluster » a accompagné 53 projets dans le cadre de Bio’INNOV ou Bio’EXPORT et développé 35 actions qui ont concerné 180 entreprises du secteur. Près de 700 000 euros de fonds régionaux ont été versés aux PME du secteur.
Photo (DR) : Jean-Pierre Pellet, Pdg de la société Kario, président d’ « Organics Cluster ».