Ma petite entreprise ne connaît pas la crise ou comment Pump fait son chemin dans la 2D / 3D [interview]
Pump, à l’origine ArfMat studio, a été créé en 2006 par 3 associés lyonnais. A l’image de Bill Gates (Microsoft) ou de Larry Page et Sergueï Brin (Google) tout commence au fond d’un garage. Ou presque. Après quelques virages à 90° et des paris audacieux, l’entreprise discrète à su se faire sa place dans l’industrie graphique et affiche aujourd’hui une croissance insolente à 2 chiffres. Retour sur le parcours d’une entreprise atypique avec Aurélien Denancy, 33 ans, directeur commercial associé de Pump.
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Lyon-Entreprises : Bonjour Aurélien, peut-on comparer le parcours de Pump à ceux des géants américains ou c’est encore un peu tôt ?
Aurélien Denancy : C’est beaucoup trop tôt 🙂 Et nous ne sommes pas sur les mêmes marchés. Nous c’est la 3D et le motion design. Eux c’est tout le reste ! Notre seul point commun sans doute, c’est l’aventure humaine car à l’époque, nous n’avions pas de client et peu de moyens. L’activité ne décollera que plus tard et très lentement. La première année, on fera 20 K€ de CA à trois ! Mais au moins pendant ce temps, on se crée des références et on prend des contacts. On va quand même tripler le CA sur l’exercice suivant : 60 en 2007 ! 70 en 2008, 90 en 2009. Sans le vouloir, on s’était positionné sur le middle market et nous travaillions essentiellement avec de petites PME et des agences de communication.
LE : C’est en 2012, soit six ans après le démarrage que se produit le premier séisme ?
AD : 2012, c’est l’année de la renaissance. On change les acteurs : la société perd un associé et gagne un infographiste senior. L’année suivante, avec l’appui de notre partenaire l’agence Hula Hoop, on change aussi les costumes puisqu’on refond notre site internet (Celypse) ; on se crée des nouvelles références plus orientées marques ; on investit massivement dans notre parc informatique (stations de travail, de rendus*) ; on intègre une nouvelle compétence et ouvrons un nouveau pôle motion design**. Et par dessus tout, sans doute pour tourner la page, on change d’identité pour devenir Pump. Notre objectif alors est de monter en gamme en augmentant considérablement notre niveau de qualité pour se rapprocher au plus près des studios références.
Après ce changement de cap, nous décrochons vite des contrats importants dans des secteurs d’activité variés (industries, immobilier, institutionnel…). De grandes agences et sociétés de production nous font confiance mais aussi de grands groupes comme Volvo CE, Nathan, Areva, Kp1, Vinci, Ville de Lyon. On est pas peu fier !
LE : Et c’est l’année suivante que la technique vous oblige à une nouvelle pirouette ?
AD : Pour Pump, l’année 2013 a été un nouveau virage en épingle à négocier. Il faut rappeler que dans notre métier, il arrive un moment où on appuie sur le bouton et alors, c’est l’ordinateur qui prend la relève et se met à travailler. Plus exactement, il commence à faire ses calculs pour rendre les éclairages, les mouvements de caméra, les textures, etc. Et cela peut durer des heures, mais aussi des jours. C’est pourquoi les processeurs, la puissance de calcul, la capacité des ordinateurs en bref la dimension technique est un vrai facteur stratégique pour des entreprises comme la nôtre.
A la suite d’une veille technologique, nous testions un nouveau moteur de rendus*** qui nous permettait d’améliorer à la fois la qualité du rendu et notre réactivité. Seul problème, ce nouveau système de production impliquait de reprendre complètement notre parc machine.
C’est comme cela qu’entre 2013 et 2014, en pleine crise et dans un contexte ou tous les acteurs font des économies, malgré les investissements lourds réalisés l’année passée (environ 50 000 €), Pump fait le choix d’investir massivement à nouveau dans le matériel. Nous souscrivons un nouveau prêt et investissons toutes nos réserves disponibles pour l’achat de nouvelles licences et six nouveaux postes dernière génération. Sans parler de la formation des personnels en interne. Notre directeur de production consacrait une part considérable de son temps à transférer ses connaissances auprès de nos deux infographistes 3D. Mais le succès était vite là puisque notre chiffre d’affaires 2014 affichait 30% de mieux en passant de 300 à 400 K€
LE : Pump est sur un marché à fort potentiel et épuré par la crise. Mais les clients ?
AD : Depuis quelques années, il est vrai que le marché de l’infographie 3D s’est considérablement développé du fait de sa démocratisation. Il est devenu aussi beaucoup plus accessible en terme de prix. Une perspective de maison individuelle est aujourd’hui de quelques centaines d’euros là où elle était de plusieurs milliers ; une animation produit de quelques milliers d’euros aujourd’hui pouvait se compter en dizaines.
Aujourd’hui, le client a le choix entre trois types de profils :
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Les grands studios composés de plusieurs dizaines de personnes et qui travaillent essentiellement pour le cinéma et l’industrie du jeu vidéo ;
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Les studios de taille moyenne entre 3 et 10 personnes qui ne sont pas très nombreux dans la région lyonnaise (moins d’une dizaine de studios sérieux) ;
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Les nombreux indépendants aux profils très différents : du sénior avec une dizaine d’années d’expérience au jeune diplômé n’ayant jamais travaillé dans un studio.
Comme toujours, derrière chaque type d’acteur on trouve les bons et les moins bons, les chers et les moins chers… Cependant, chez Pump nous faisons une analyse plus générale sur le type de prestations de chacun de ces profils. Et dans les faits, il est très rare (et pas très judicieux de la part du client) de mettre en compétition des acteurs de catégorie différentes.
En effet, si une Ferrari et une Fiat ont globalement la même technologie de base, elles ne peuvent pas être comparées. Ferrari ne sait pas faire des modèles « simples » et FIAT ne sait pas faire de voiture de sport. Il en va de même en 3D.
Les grands studios sont très adaptés pour les grosses productions (plusieurs centaines de milliers d’euros) car ils ont l’équipement, le savoir-faire méthodologique et les équipes pour. S’ils sont très à l’aise sur des productions de plusieurs mois, voir plusieurs années, ils ont des coûts d’entrée prohibitifs pour un segment de client tel que les grandes PME.
A l’opposé, l’indépendant qui travaille seul est dimensionné pour des projets de faible envergure. Il gère par exemple la réalisation d’une dizaine d’images d’architecte ou de produit mais en raison de son équipement (souvent limité vu l’investissement que cela représente) et de sa faible puissance de production (il n’a que ses deux mains et sa compétence, personne ne pouvant maîtriser toutes les technologies parfaitement), il est rapidement saturé pour réaliser un travail plus ambitieux, comme une animation de plusieurs minutes par exemple. Et dans ce cas, ses délais de réalisation seront beaucoup plus longs et son offre de prix pas forcément plus intéressante.
Les studios de moyenne taille comme le notre ont à la fois la souplesse de l’indépendant et le niveau d’exigence des grandes société de production. C’est pourquoi nous pouvons répondre aux besoins des grands groupes tels que AREVA, Volvo, Vinci. Ce type de clientèle recherche à la fois un travail de qualité, dans des délais courts, à budget serré.
Pour ce qui nous concerne chez Pump, notre panier moyen se situe aux alentours de 3 500 €. Mais ce chiffre doit être pris avec des pincettes en raison du très grand écart budgétaire entre les différents projets qui nous sont confiés (entre 350 € HT et 40 000 € HT).
LE : En dehors de la qualité, c’est la quoi les marques de fabrique Pump ?
AD : Quand nous avons commencé en 2006, comme tout studio qui se crée, nous focalisions sur le prix. Si nous étions loin des réalisations des studios leader, nous proposions un travail de bonne facture pour un budget défiant toute concurrence. Notre autre point fort se situait au niveau de la réactivité. En effet, notre carnet de commande étant loin d’être plein, nous commencions le travail dès l’accord du client et nous livrions très vite.
Mais nos possibilités étant limitées par notre matériel, nous ne faisions que des projets de petite taille (image simple, animation ne dépassant pratiquement jamais les deux minutes).
Aujourd’hui, notre valeur ajoutée s’appuie sur les axes suivants :
1- La réactivité : nous avons maintenu un niveau de réactivité vraiment très élevé.
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Nous répondons à chaque demande de devis en moins de 24h ;
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Nous programmons des rdv en quelques jours et nous lançons toutes nos productions moins d’une semaine après l’accord du client ;
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Il nous arrive de commencer dans l’heure ;
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pour des petits dossiers nous arrivons même à livrer le jour même.
2- La disponibilité : les clients savent que je suis joignable sur de grandes plages horaires. Ils sont sécurisés par la présence d’un interlocuteur en cas d’urgence. Aussi, comme dit précédemment, la qualité de notre parc machine nous permet de garantir des temps de rendus (calcul des images) très courts.
Par exemple, nous venons de générer une vidéo en full HD de plus de 2 minutes 30 en moins de 5 jours de temps de rendus, sachant qu’une animation 3D de cette durée représente un calcul de 3750 images
3- Le rapport qualité / prix : notre panier moyen a considérablement augmenté sur les dernières années mais nous n’avons pratiquement pas augmenté notre prix journalier. L’augmentation de nos prix s’explique ainsi par l’augmentation du périmètre de nos prestations mais aussi par l’augmentation considérable de la qualité de nos travaux. Sur ce point, nos références n’ont rien à envier à celles de nos concurrents (à prestation égales).
LE : Dans quels cas une entreprise peut-elle avoir recours à la 3D ?
AD : Il y a une infinité de domaines d’utilisation pour la modélisation en 3 dimensions. Par essence, notre activité nous fait intervenir dans de nombreux domaines d’activité. L’infographie 3D et le motion design sont utilisés dans de très nombreux cas :
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pour présenter un bâtiment ou un produit qui n’existe pas encore,
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pour présenter un concept de construction ou le principe de fonctionnement d’une machine,
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pour montrer des endroits inaccessible tels que des cellules ou des organes du corps humains,
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pour présenter de manière dynamique et graphique une entreprise…
Au quotidien, on est confronté aux jargons, aux attentes graphiques o
u techniques, à des concepts très variés. Un industriel attend de nous que nous soyons capables de comprendre son procédé et de lire et interpréter les plans qu’il nous fournit. Une entreprise de loisir attend de nous que nous puissions concevoir des planches graphiques et des animations 2D ou 3D percutantes. Un laboratoire veut que nous puissions comprendre comment agit son médicament.
« Nous ne sommes pas des experts mais des plus des multi-spécialistes »
Nous n’avons pas la prétention d’être des experts de ces secteurs mais nous possédons des profils ayant de bonnes bases dans différents domaines. Notre directeur de production a fait une année en faculté de médecine et a travaillé quelques années pour un architecte. Un de nos infographe 3D est spécialisé dans l’industrie ; notre motion designer a une très bonne culture graphique et fait du son (produit par un label, est intervenu aux nuits sonores).
Ainsi, en fonction du profil de notre client, nous mettons en place l’équipe projet adéquat. Autre point, même si chaque membre de notre équipe a une formation supérieure et maîtrise l’ensemble du processus de production, chacun d’eux a une ou plusieurs spécialités.
Par exemple, un de nos salariés est un spécialiste de la modélisation (mise en volume) car il a fait ce travail pendant des années dans une société de jeux vidéos (secteur très exigeant dans la matière afin d’optimiser le poids), notre directeur de production est un spécialiste du rendus (composition des scènes, éclairage), notre monteur qui a une formation en réalisation est spécialisé dans la création des caméras.
Ainsi, grâce à une équipe complémentaire aux profils variés, on fait intervenir la bonne personne au bon moment sur le bon projet. Nous optimisons considérablement les temps de production, donc les délais et les coûts.
LE : C’est quoi la potion magique PUMP ?
AD : Une stratégie d’investissement qui bénéficie à nos clients. Chez Pump, on a toujours été User centric et positionné le client au cœur de nos préoccupations. Notre ambition est d’assurer à nos clients des délais de plus en plus courts (à niveau de qualité égal) et/ou une augmentation de la qualité de nos réalisations (dans un délai identique). Et nous comptons bien continuer !
A noter que, malgré des bénéfices chaque année, nous n’avons jamais distribué un seul euro de dividendes. Tout est mis en réserve afin de financer nos investissements, que ce soit de la formation ou de l’investissement matériel : station de travail plus puissante, serveurs de calcul supplémentaires, nouvelle technologie…
D’ici la fin de l’année 2014, nous prévoyons d’augmenter de 30% notre capacité de rendus et de former plusieurs de nos salariés (par exemple, formation de notre motion designer sur de nouveaux outils d’effets spéciaux, suite logiciels que nous venons acquérir).
LE : Quelle est la meilleure et la pire des réalisations Pump ?
AD : C’est toujours difficile de répondre à cette question car cela dépend bien sur des sensibilités de chacun mais surtout il faut toujours juger une réalisation en fonction du budget, du délai et de la relation avec le client.
A titre personnel, sur le côté graphique, j’ai un petit faible pour l’animation réalisée pour les championnats d’Europe d’escrime avec l’agence Matière Grise. Mais je pense que chaque membre de l’équipe vous en citerai une autre, Yvain, mon associé lui aime beaucoup la dernière vidéo Unilin.
Mais là je mentionne que des références dont nous pouvons parler car beaucoup de nos travaux sont confidentiels. Mais notre classement va à mon avis bientôt changé car nous avons de très belles vidéos en production.
Quant à la pire, je pourrai en citer plusieurs mais c’est parce que les technologies évoluent vite et que nous avons toujours envie de faire mieux 🙂
* Le parc de rendus est l’ensemble des machines dédié au calcul des images. Une fois le projet 3D créé, c’est le parc informatique qui permet de sortir soit une image soit une vidéo
** Le motion design est l’animation 2D d’éléments graphiques.
*** Le moteur de rendu est une méthode de calcul d’image qui transforme une scène 3D en images
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